AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le testament français (230)

Ce temps étrange avait ses caprices. Tout à coup, avec la rapidité sautillante des films, l'une de ses tantes s'habilla de blanc, se laissa entourer des parents qui se rassemblèrent autour d'elle avec la même hâte du cinéma d'époque, pour se diriger d'un pas alerte et saccadé à l'église où la tante se retrouva à côté d'un homme à moustache, aux cheveux lisses, huilés. Et presque aussitôt – dans la mémoire de Charlotte ils n'eurent même pas le loisir de quitter l'église – la jeune mariée se couvrait de noir et ne pouvait plus lever ses yeux alourdis de larmes. On aurait pu croire, tant le changement fut rapide, que déjà en sortant de l'église elle était seule, portait le grand deuil et cachait du soleil ses yeux rougis. Les deux journées n'en faisaient qu'une – colorée d'un ciel radieux, animée du carillon et du vent d'été qui semblait accélérer plus encore le va-et-vient des invités. Et son souffle chaud collait au visage de la jeune femme tantôt le voile blanc de mariée, tantôt le voile noir de veuve (1995 : p. 71).
Commenter  J’apprécie          80
Le traducteur de la prose est l’esclave de l’auteur, et le traducteur de la poésie est son rival.
Commenter  J’apprécie          80
…Tu vois, il est difficile de comparer. En Russie, l’écrivain était un dieu. On attendait de lui et le Jugement dernier et le royaume des cieux à la fois.
Commenter  J’apprécie          80
C'était donc cela la clef de notre Atlantide! La langue, cette mystérieuse matière, invisible et omniprésente, qui atteignait par son essence sonore chaque recoin de l'univers que nous étions en train d'explorer. Cette langue qui modelait les hommes, sculptait les objets, ruisselait en vers, rugissait dans les rues envahies par les foules, faisait sourire une jeune tsarine venue du bout du monde... Mais surtout, elle palpitait en nous, telle une greffe fabuleuse dans nos cœurs, couverte déjà de feuilles et de fleurs, portant en elle le fruit de toute une civilisation. Oui, cette greffe , le français.
Commenter  J’apprécie          80
La France n'était plus pour moi un simple cabinet de curiosités, mais un être sensible et dense dont une parcelle avait été un jour greffée en moi.
Commenter  J’apprécie          80
La France se confondait pour nous avec sa littérature. Et la vraie littérature était cette magie dont un mot, une strophe, un verset nous transportait dans un éternel instant de beauté.
Commenter  J’apprécie          80
Cependant, nous continuions à remplir le silence, tel un tonneau des Danaïdes, de mots inutiles, de répliques creuses : "Il fait plus chaud qu'hier ! Gravilytch est de nouveau ivre... la Koukouchka n'est pas passée ce soir... C'est la steppe qui brûle là-bas, regarde ! Non, c'est un nuage... Je vais refaire du thé... Aujourd'hui, au marché, on vendait des pastèques d'Ouzbékistan..."
L'indicible ! Il était mystérieusement lié, je le comprenais maintenant, à l'essentiel. L'essentiel était indicible. Incommunicable. Et tout ce qui, dans ce monde, me torturait par sa beauté muette, tout ce qui se passait de la parole me paraissait essentiel. L'indicible était essentiel.
Cette équation créa dans ma jeune tête un court-circuit intellectuel. Et c'est grâce à sa concision que, cet été, je tombai sur cette vérité terrible : "Les gens parlent car ils ont peur du silence. Ils parlent machinalement, à haute voix ou chacun à part soi, ils se grisent de cette bouillie vocable qui englue tout objet et tout être. Ils parlent de la pluie et du beau temps, ils parlent d'argent, d'amour, de rien. Et ils emploient, même quand ils parlent de leurs amours sublimes, des mots cent fois dits, des phrases usées jusqu'à la trame. Ils parlent pour parler. Ils veulent conjurer le silence..."
Le matras d'alchimiste s'était brisé. Conscients de l'absurdité de nos paroles, nous poursuivions notre dialogue journalier : "Il va peut-être pleuvoir. Regarde ce gros nuage. Non, c'est la steppe qui brûle... Tiens, la Koukouchka est passée plus tôt que d'habitude... Gravilytch... Le thé... Au marché..."
Oui, une partie de ma vie était derrière moi. L'enfance.
Commenter  J’apprécie          80
Parler était la meilleure façon de taire l'essentiel.
Commenter  J’apprécie          70
La vie ne se souciait pas de la cohérence du sujet ; elle déversait son contenu en désordre, pêle-mêle. Par sa maladresse elle gâchait la pureté de notre compassion et compromettait notre juste colère. La vie tait en fait un interminable brouillon où les événements mal disposés empiétaient les uns sur les autres, où les personnages, trop nombreux, s'empêchaient de parler et de souffrir, d'être aimés ou haïs individuellement.
Commenter  J’apprécie          70
Vivre auprès de notre grand-mère était déjà se sentir ailleurs.
Commenter  J’apprécie          70






    Lecteurs (3038) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1720 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}