Waouh… J'en reste encore clouée… En à peine 150 pages,
Astrid Manfredi (parfaite inconnue jusqu'alors puisqu'elle signe ici son premier roman) nous livre un récit sans fard, témoignage d'une jeune femme des cités qui passe un séjour derrière les barreaux.
La Petite Barbare est le surnom qu'on lui donne en prison. Nous ne connaîtrons pas son nom, peut-être parce que son histoire est assez universelle. Elle a la vingtaine mais pas la langue dans sa poche. Elle est la narratrice, elle écrit sa vie, ce qui l'a amené à la détention, sur proposition du psy qui l'a accompagné durant son séjour carcéral. Avec son vocabulaire bien à elle, de banlieue, elle nous raconte sa mère chômeuse, alcoolique, et son père, chômeur aussi, feignant, restant toute la journée prostré sur le canapé. L'écriture lui sert de catharsis, le séjour en prison la fait réfléchir sur son passé, sur son avenir. Elle recrache ainsi sa haine et sa rage. On découvre au fil des pages comment elle a grandi, comment elle s'est fait de l'argent facile en usant de ses charmes, elle, cette fille magnifique qui attire les hommes comme un aimant. le goût pour le luxe, le champagne sur les Champs Élysées, les « affaires » avec son "ami prince noir" Esba. Jusqu'au moment fatidique qui la conduit en prison…
L'auteur nous entraîne dans la misère, le chômage des banlieues, les jeunes laissés pour compte, qui tentent de survivre comme ils peuvent, qui n'ont aucun espoir et n'attendent aucune aide de la police, de l'état ou de quiconque. Des exclus qui cherchent à s'évader de leur quotidien vide et morne. Ici pas d'ascenseur social, la vision de l'auteur sur les cités est très noire.
Point positif : les livres. Elle se prend d'affection à 13 ans pour la poésie d'
Henri Michaux, qu'elle découvre au collège. Puis, la lecture en prison grâce à la bibliothèque lui fait aimer «
L'Amant » de
Duras, qui devient son livre de chevet. Elle va rêver d'un bel amant indochinois qui serait doux avec elle, ce qu'elle n'a jamais connu avec les hommes… La lecture la sauve en quelque sorte, maintient un peu de rêve et d'espoir dans sa vie qui a si mal commencé. Ses lectures contrastent avec les mots du récit, crus, bruts, directs et sans détours. Un espoir s'entrevoit ?
Un livre qui se lit d'une traite, où le personnage surgit, s'affirme, et on se prend d'affection pour ce bout de femme qui détonne.
Un premier roman coup de poing.