Un gros coup de coeur ! Un thriller haletant, poignant et engagé ! Une réflexion sur notre rapport au monde, nos valeurs et un regard critique concernant l'information dont nous sommes abreuvés quotidiennement.
Le roman se développe sur toile de fond de conflit syrien. Marc, reporter de guerre et photographe, ramène de ce pays ravagé un cliché choc. Aussitôt, la presse mainstream s'en empare et l'utilise pour glorifier la lutte acharnée des insurgés pour la liberté et la démocratie. Or, Marc connait le terrible secret de cette photo et bientôt un fantôme échappé de l'enfer de Daesh viendra jusqu'en France lui demander des comptes…
L'intrigue est efficace, remarquablement bien construite : par petites touches, une mécanique tragique se met en place, tenant le lecteur en haleine jusqu'à la confrontation finale.
La psychologie des personnages est fouillée. Marc, malgré ses défauts, suscite une réelle empathie : il a ses lâchetés, sa violence mais c'est aussi un être meurtri, traumatisé par le spectacle de la barbarie. Illias, l'autre protagoniste, est un Syrien, un intellectuel raffiné, connaissant plusieurs langues. Il a subi la torture et vient réclamer la vérité au nom de la justice. Les relations entre ces deux personnages, loin d'être manichéennes, sont finement analysées et contribuent à donner une intensité dramatique au récit.
Le point de vue adopté par les auteurs concernant la guerre en Syrie peut surprendre. Toutefois, comme toujours, il n'y a pas une vérité mais des vérités et libre au lecteur de se forger sa propre opinion. En définitive, le plus important est le message délivré, cette invitation à ne pas prendre pour argent comptant les discours distillés dans les médias, à briser les chaines d'un certain conformisme social pour oser penser différemment. Cela peut concerner le conflit syrien comme tout autre fait d'actualité. La « Nouvelle Ère », si pleine de promesses de paix et de prospérité, restera un voeux pieux si nous manquons de lucidité, de coeur et d'esprit critique.
Enfin, je tiens à saluer les grandes qualités littéraires du texte : le style sensible et poétique pour célébrer la beauté de l'Orient mais aussi pour dénoncer les horreurs de la guerre, la lâcheté, la cupidité, l'hypocrisie. Certaines images sont dures, glaçantes et dépeignent dans une réalité crue la folie des hommes. L' écriture nous emporte, nous bouleverse, soutenue par une structure narrative efficace, une tension angoissante. C'est un roman écrit à quatre mains où l'on sent la patte de l'écrivain et celle du scénariste.
Une fois ma lecture achevée, j'ai relu la phrase mise en exergue : le croiras-tu, Ariane, le Minotaure s'est à peine défendu et j'ai alors découvert « La Demeure d'Astérion » de
Borges. Je vous conseille aussi cette lecture, la bête n'est pas toujours celle que l'on croit…