Je remercie les éditions Bamboo pour l'envoi de cette masse critique privilégiée, et Nathan pour me l'avoir proposée.
Je ne suis pas habituellement une lectrice de romans graphiques mais le thème de celui-ci fait partie de
ceux qui me touchent, en plus de la joie d'être conviée à une masse critique.
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le pouvoir de l'imagination peut-il nous arracher des griffes d'un quotidien besogneux ? Peut-il réellement faire évoluer notre rapport au monde ?
le narrateur a mit toutes ces questions sous le tapis ; Ou dans un petit tiroir proprement refermé dans un recoin de son esprit. Il a fait des études dans le domaine artistique, seulement...Il y a les rêves de jeune adulte et il y a la réalité du quotidien. Les idées ne se consomment pas dans l'assiette. Pas plus que l'amour et l'eau fraîche. Alors il a déposé ses idées et son intégrité à la porte d'une usine où le temps passe inexorablement de façon morne et répétitive, mais le frigo est rempli. C'est une usine où les porcs arrivent vivants –ou plus ou moins selon les conditions de transport et de dépôt- et d'où ils sortent en pièces détachées dans des barquettes. Une usine où l'âme du narrateur est passée à tabac par le spectacle quotidien et une odeur de merde, de peur et de soies grillées qui ne le lâche plus.
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le narrateur est le papa d'une petite fée de cinq ans. Une fée, une magicienne qui réussit à ouvrir le petit tiroir fermé depuis si longtemps. Ensemble ils recréent un monde en lequel le père décide de s'abandonner, tâchant de remettre de l'émerveillement dans son quotidien. Seules les belles rencontres sont capables de cela, et celle de ce père avec sa petite fée est magnifique.
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Damien Marie ne donne pas de réponses à mes deux questions de départ. J'étais prête à perdre pieds avec le narrateur, pour plus de merveilleux, de l'absurde, de la folie même mais la fin n'a rien de surprenant. On imagine deux fins possibles, l'auteur nous sert les deux à la fois, incapable de trancher ; cela a fait retomber le soufflet.
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Les planches de
Laurent Bonneau, souvent avares de texte, mettent son trait abrupt et anguleux à l'honneur. Des traits secs qui se jouxtent, qui se cherchent pour créer des dessins souvent très évocateurs et émouvants. La colorisation a aussi un rôle particuliers. Plusieurs pages dans des monochromes lie de vin, suivies d'autres pages monochromes de vert, orangés qui sont représentatives de divers ambiances, sentiments. J'ai particulièrement aimé le fushia réservé à la partie mercantile du monde de l'art, ces artistes « de galerie » ou de buzz qui recherchent avant tout le tweet, la gloriole et le fric.
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Ceux qui me touchent, touchent aux étoiles, mais il y a si peu d'élus.