Saint Colomban, parti de Bangor− un important monastère d'Irlande du Nord −, entreprit, à la fin du 6ème siècle, une vaste pérégrination, « pour l'amour de Dieu », laquelle le mena d'abord, après une navigation hasardeuse, sur les côtes armoricaines. Mais c'est vers les forêts des Vosges que très vite il se dirigea avec quelques-uns de ses compagnons et qu'il y établit à partir de simples ermitages des communautés rayonnantes. Dans ces forêts, aux frontières de la Burgondie et de l'Austrasie subsistaient des sanctuaires païens aux divinités celtiques et gallo-romaines. Saint Colomban, qui connaissait l'art des druides, et dont la vie exemplaire contrastait tant avec les pratiques d'un clergé intéressé et impliqué dans les querelles politiques de son temps, obtint la confiance des populations et la haine des puissants qui le bannirent, l'escortant hors du royaume. Il finit, cependant, par retrouver sa liberté, et repartit sur les chemins, jusqu'à Bobbio, en Italie, où se développa une nouvelle communauté, après avoir laissé l'un de ses disciples à
Saint Gall. Dans ce livre foisonnant,
Jean Markale tente de définir ce qui a pu caractériser un christianisme celtique, sinon hérétique, du moins en marge de l'obédience romaine. La tonsure même de ces moines Scots rappelait les coutumes des anciens druides, leur esprit d'indépendance, leur croyance au libre arbitre, leur gout pour le dépassement, la pratique des arts et de la science, en même temps que des pratiques magiques. L'empreinte, que ces moines errants, qui déferlèrent sur un continent en proie à la confusion et à l'anarchie, allait être considérable sur toute la culture du moyen âge : il suffit de mentionner l'art des manuscrits dont ils étaient passés maître ou bien encore l'ornementation des chapiteaux romans avec leurs formes exubérantes faites d'entrelacs et d'animaux étranges.