Philippe passe sa vie à attendre : le retour de sa femme du travail, de son fils du lycée, l'ouverture de la chasse. Philippe a perdu son travail depuis longtemps et assiste, impuissant, au délitement du climat. Seule la chasse, dans les grands espaces de la campagne où il vit, lui permet de remplir les trous de sa vie. Mais quand s'installe un voisin dans la maison près du lac, un parisien, son existence bascule : ce voisin le fascine, le trouble, autant qu'il l'obsède et, maintenant, ses journées sont bien occupées. Il l'observe, guette ses allers-venues, empli de sentiments interlopes. Il n'a pas compris qu'un drame est en route et qu'avec l'arrivée de ce voisin, son existence va radicalement basculer.
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L'âme du fusil » est un superbe roman d'
Elsa Marpeau, petit bijou de noirceur, condensé, qui déplie une intrigue humaine et sociale sur fond d'une nature sauvage, déréglée.
La construction est bien pensée : un prologue, deux parties portées par des titres évocateurs, un épilogue, une intrigue orientée vers la chasse, la prédation. le style est efficace, incisif, le point de vue narratif est celui de Philippe dans l'esprit tourmenté duquel le lecteur s'immerge, plonge, jusqu'à se fondre en lui.
Les descriptions de grands espaces, de moments de chasse sont portées par l'enthousiasme de Philippe qui veut montrer l'éthique qui le porte, lui et ses compères, dans cette activité. Quoi que l'on puisse penser de la chasse, il n'en reste pas moins que les descriptions des moments d'affût, de quêtes des proies, accompagnés des chiens sont d'une rare puissance. Mais ces moments comme hors du temps sont vite rejoints par leur pendant : la noirceur de l'âme humaine quand elle est mue par la haine, la vengeance ou des sentiments troubles, et qui la conduit à la violence. La prédation, la volonté de conquête, c'est aussi celle des femmes, que les hommes voient comme des trophées, éphémères. Et pourtant, dans cette galerie d'hommes – et de femmes – cabossés, il est des portraits nuancés, des instants de grâce qui peuvent les saisir, quand la pureté des sentiments se fait si claire qu'elle ne peut que sidérer.
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L'âme du fusil » est un roman noir bref, qui se lit d'un trait, dans l'attente du point de bascule, où une lumière pourra se faire sur les événements, à défaut d'un pardon, d'une rédemption.