"Soul of the age ! The applause ! delight ! The wonder of our stage !"
(Ben Jonson)
La vie est faite de surprises. Il m'arrive d'investir des sommes pas chrétiennes dans les "romans historiques", et puis déplorer ces achats dans un langage barbare directement proportionné au prix. Et parfois, un petit livre sans prétention qui vient d'un vide-greniers se révèle presque parfait.
Il faut dire que ce vieux monsieur était le seul qui vendait autre chose que des livres dont les héroïnes se prénomment Madison, Candy ou Krystal. Il avait des caisses entières remplies de livres de toutes sortes, et il était de bon conseil en m'aidant à choisir dans ce fouillis jubilatoire.
Et comme j'avais le culot de refuser son affreux service à thé en "porcelaine peint de Bohême" pour compléter mes achats livresques, j'ai eu au moins "La belle de Bohême" en bonus : "Ce n'est pas grand-chose, mais si vous aimez le théâtre élisabéthain, ça pourrait vous plaire..."
Eh, oui ! Dans la collection "grands détectives", un peu dans la lignée de Juge Ti ou de Frère Cadfael, c'était une bien agréable lecture. Mine de rien, cette excursion parmi les acteurs de la troupe des "Hommes de Westfield" valait le coup. Rien que pour voir à quel point ces troupes dépendaient de leur riche protecteur, qui écrivait des pièces et quels était leur thèmes, comment était faite la distribution de rôles "tragiques" et "comiques" aux acteurs attitrés (des vedettes de l'époque !), l'importance de danses et de la musique. Ah, comme si j'entendais ce luth ! On apprend un tas de choses sur le travail d'un régisseur, sur les costumes, le montage de la scène, les "effets spéciaux", le public... et j'en passe.
Mais je reviens au roman.
En cette fin de 16ème siècle, la peste noire est de retour en Angleterre. Cela signifie la fermeture des lieux publics, et la fin brusque de toute activité pour les comédiens de Westfield. Double poisse ! Une occasion inattendue se présente avec l'invitation de la belle Sophia-Magdalena, la petite-nièce de Rodolphe II, maître du Saint Empire romain germanique et roi de Bohême. La troupe est priée de jouer à la cour de Prague !
Evidemment que ce n'est pas tout. Ils doivent aussi livrer discrètement un message à l'alchimiste Talbot Royden, l'un des nombreux transmutateurs de vil métal en or chez l'Empereur.
Quelle est l'importance de ce message chiffré ?
Pourquoi l'un des acteurs est-il atrocement assassiné pendant la représentation ?
Il y a t-il un enjeu politique ?
Les Hommes de Westfield traversent l'Hollande et l'Allemagne, tout en donnant des représentations avec plus ou moins de succès. Tout dépend de l'humeur des notables dans les villes prospères d'Europe, capables de trouver des allusions politiques désobligeantes dans la plus innocente des comédies.
En arrivant à Prague, ils trouvent un empereur absolument fantasque au milieu de ses collections artistiques sans égal, et l'alchimiste Royden en disgrâce au cachot. Difficile de livrer le message, d'autant plus que le mystérieux assassin rode toujours, et est prêt à tout pour s'en emparer.
La fin est un peu prévisible, mais elle reste sympathique. Une "pièce dans la pièce" - un petit clin d'oeil au Grand Will. Comment ne pas apprécier ?
J'ai tout aimé : les dialogues marrants entre ces fanfarons d'acteurs, les "extraits" de leurs pièces, la réalité historique mélangée à cette aventure criminelle et théâtrale.
Alors, merci, monsieur du vide-greniers ! Si vous vous trouvez par hasard sur Babelio, faites-moi un signe. On pourrait finir cette passionnante conversation sur le Magister Kelley...
Commenter  J’apprécie         5114
- La troupe part-elle toujours en tournée ? demanda Hoode.
- Oui, palsambleu ! Une tournée comme nous n'en avons jamais connu auparavant. Elle représente un défi, mais elle marque aussi la consécration des Hommes de Westfield.
-Traîner de ville en ville tels les mendiants ? railla Gill. Voilà ce que vous appelez une consécration ? C'est une insulte de demander à un comédien de mon talent de jouer devant les benêts de la campagne anglaise. Je ne renoncerai pas à mon souci de perfection.
- Il vous faudra encore l'accroître, l'avertit le chef de la troupe. Nous devrons paraître sous notre meilleur jour, Barnaby. Mais non au profit d'oreilles et d'yeux anglais. Nous franchirons la mer pour une glorieuse aventure.
- La mer ! s'inquiéta Margery, le souffle coupé, en s'accrochant à lui. Allez-vous partir si loin, Lawrence ? Pourquoi ? Quand ? Pour combien de temps ?
- Et où, que diable ? Renchérit Gill.
- En Hollande, en Allemagne, puis de là en Bohême.
-En Bohême ! Se récria sa femme, atterrée.
Lorsqu'ils franchirent la frontière allemande, le lendemain, le discours de Firethorn résonnait encore à leurs oreilles. L'idée qu'ils venaient de pénétrer dans le Saint Empire romain germanique les exaltait. Pour la plupart, ils prenaient ce titre grandiose de manière littéraire et n'avaient aucune notion du chaos qu'il recouvrait. Il leur faudrait du temps pour apprendre que l'Allemagne était une masse déconcertante d'électorats, de principautés, de duchés et de sièges de princes-évêques, rendant l'allégeance moins à l'empereur qu'à divers factions religieuses et politiques. Les Hommes de Westfield étaient des enfants innocents dans une forêt enchantée où se cachaient des loups.
Quand on ne pouvait plus rien pour le malade, on l’abandonnait à un sinistre destin. Les bâtisses contaminées étaient scellées et une pancarte où figuraient, dans un cercle rouge, les mots « Dieu ait pitié de nous » était apposée au-dehors. Les autres occupants se voyaient condamnés à l’isolement pendant vingt jours au moins et réduits à la générosité des paroissiens les plus aisés, qui pourvoyaient à leurs besoins. Prisonniers de leur propre maison, certains de ces malheureux n’osaient monter jusqu’à la chambre de l’agonisant pour atténuer ses souffrances, de peur d’attraper la peste.
Le plus singulier était qu’elle ne cherchait pas à être pareil point de mire. Il émanait d’elle une grâce naturelle et une modestie seyante qui démentaient tout effort pour attirer l’attention. Pas pour elle, les plumes éclatantes dont se paraient certaines, ni les gestes grandiloquents des gentilshommes tentant d’être vus. Sa toilette était sobre, ses manières réservées. Là résidait le paradoxe. Son désir de passer inaperçue rendait sa présence aveuglante.
Quand les victimes de l’épidémie atteindront le nombre prescrit, l’édit sera signé. Tous les théâtres, les cirques et autres lieux publics seront fermés afin d’éviter que l’infection ne se répande.
Keith Miles (aka Edward Marston) répond aux questions de Barbara Peters. 1/6
Non sous-titré.