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EAN : 9791037030573
232 pages
Hermann (28/02/2024)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Genre relevant de la littérature populaire et voué au divertissement, le roman policier peut-il contribuer à l’analyse des sociétés contemporaines ? L’étude approfondie de 53 romans policiers africains, dont les auteurs viennent de 24 pays et représentent la plus grande partie du continent, permet, en ce qui concerne l’Afrique, d’apporter sans hésitation une réponse positive. Le contexte dans lequel ces écrivains situent leurs fictions romanesques est en effet celui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'essentiel de ma vie de lecteur durant, j'ai été SF-addict quasi exclusif, scotché aux « mauvais genres » de l'Imaginaire. Je ne suis allé à la rencontre du roman policier que ponctuellement et ce, sans vraiment me soucier de l'Histoire et des composantes du genre, réduisant mes choix aux seuls hasards du renom d'un auteur, l'attrait graphique d'illustrations de couvertures emballantes, confiant dans ce qu'en promettait le dos des volumes … ou les conseils éclairés de connaisseurs qui, invariablement ou presque, ciblèrent juste …

Me voici donc, sur le tard, soucieux d'explorer plus avant d'autres espaces romanesques, affiliés eux-aussi aux « mauvais genres » (on ne se refait pas.. !) ; s'y trouve entre autres le roman policier; encore n'est-ce pour l'instant qu'en néophyte curieux et étonné de tout, de tant de prolificité, de complexité et de diversité de sous-genres, d'intentions, de qualités de prose ; tour à tour lorgnant vers la francophonie (Maigret, le néo-polar de Manchette … etc.), à minima les pays anglo-saxons via le polar noir US, les territoires nordiques en de rares incursions (Lackberg, Larsson … etc). le reste viendra, quand au-delà des sous-genres et territoires géographiques déjà cités en existent d'autres, je le pressens, pour moi terras incognitas promis fécondes, complexes et excitantes, propices à réflexions sur tout, la vie, la mort et le reste.

Encore me faut-il des pistes ?

En voici une, et pas des moindres.

Sous forme d'essai érudit mais d'un abord aisé, « le roman policier africain, regards critiques sur des sociétés en mutation » signé Jean-Paul Martin est, à l'échelle d'un continent, un état des lieux du roman policier natif (1970-2018), ciblant des oeuvres et des auteur(e)s qui en sont représentatifs, découvrant et disséquant des thématiques propres aux lieux, circonstances temporelles et populations (un chapitre à part est accordé à la diaspora africaine).

Le propos central de Jean-Paul Martin est de démontrer que le roman policier africain fouille minutieusement en arrière-plan, par effets rebonds des intrigues embarquées, les backgrounds sociologiques de tout un continent. Il le fait de manière parcellaire et différenciée puisque chacun des 54 pays qui composent l'Afrique, possédant son identité propre, résonne à sa manière dans le collectif ; d'une manière plus globale quand un fond commun de problèmes partagés efface la notion de frontières. Place à part est accordée à l'Afrique du Sud qui, pré et post apartheid, a produit des oeuvres contextuellement différentes.

A l'échelle d'un continent immense, « le roman policier africain, regards critiques sur des sociétés en mutation » est une invite passionnée à lire polar et consorts, ce made in Africa, à penser Afrique en assimilant ses mécaniques internes (politiques, économiques, sociologiques, religieuses, ethniques, tribales, coutumières … etc.). A l'aune de la fiction policière, transparaissent des spécificités fortes et indélébiles (colonialisme, néo-colonialisme, ingérences et déstabilisations extra continentales, tradition et modernité, mainmises politiques, maintien au pouvoir des élites peu importe les moyens, corruption … la liste est longue).

C'est aussi un essai mâtiné anthologie via les larges extraits proposés. Variété de styles et de thèmes, de la dénonciation frontale à l'humour sous-jacent qui n'en dit pas moins, des emprunts linguistiques aux argots autochtones. Bref, que de couleurs de styles .. ! Tentant que tout cela.

Le pari était difficile à relever. Recenser oeuvres et auteurs de manière délibérément non exhaustive mais représentative (le net fera le reste), sérier/trier, regrouper selon une intention logique et une finalité plausible, focaliser sur certains écrivains marquants, cibler certains titres, les disséquer pour que tout le jus en soit rendu, en proposer des bouts choisis. Un boulot colossal.. ! Copie rendue, c'est au final une étude foisonnante, étonnante, attachante et réussie. Chapeau.

le tout est proposé par un passionné du genre policier (cf son blog tripartite, « Polars urbains », et sa participation à «Bepolar»). Perso, il m'est une référence sûre en matière de romans policiers. En outre, on sent en lui un amoureux de l'Afrique, un de ceux qui ont pris partie pour essayer d'en résoudre certains problèmes.

« le roman policier africain, regards critiques sur des sociétés en mutation » est consultable dans sa continuité, d'un seul tenant, dans la logique des intentions initiales de l'auteur, celles démontrant que la sociologie contemporaine de l'Afrique est perceptible via ses romans policiers. L'oeuvre l'est aussi d'une manière pratique, quand picorant de-ci de-là, marquant les pages à la gommette pour repérer des lectures ultérieures, le lecteur potentiel, au gré des envies à venir, cherchera à creuser plus avant certaines thématiques embarquées. Ainsi utile, voire indispensable, l'ouvrage va prendre place chez moi parmi ceux SF, généralistes, essayistes, érudits et vulgarisateurs ... j'ai un coin pour ça.

Un autre monde s'ouvre. Il n'y a pas que la SF dans la vie.

Lien : https://laconvergenceparalle..
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Si je vous demandais d'identifier des auteurs africains de polars, de thrillers ou de romans noirs, vous mentionneriez probablement comme moi Deon Meyer (Afrique du Sud), Yasmina Khadra (Algérie), Alain Mabanckou… Jean-Paul Martin dans son essai le roman policier africain nous en fait découvrir plus de 170, dans une bibliographie non exhaustive, qui ont publié environ 300 romans de ce genre littéraire de 1972 à 2018. La plupart peu connus en raison d'un problème de diffusion.

En introduction, l'auteur énonce son objectif : « faire découvrir cette littérature à un public aussi large que possible » et « aussi de lui montrer que sa lecture représente bien plus qu'un simple divertissement. Elle offre en effet une analyse originale et pertinente de l'évolution des sociétés africaines contemporaines et des problèmes, qu'en dépit de leur grande diversité, elles ont en commun. »

Pour « mettre en évidence la dimension proprement sociologique de cette littérature », il a retenu « 53 auteurs : 30 francophones, 18 anglophones, 3 lusophones et 2 écrivant en afrikaans, représentant 24 pays ».

Avant d'analyser un des romans de ces écrivains, Jean-Paul Martin s'emploie à mettre en rapport la production africaine avec les sous-genres du roman policier : romans à énigmes, romans d'enquête (de procédure ou d'investigation), romans juridiques ou de prétoire, romans noirs, thrillers. Sans oublier les romans d'espionnage confondus « parfois avec le roman policier » qui seront les premiers choix des romanciers africains au début des années 1970. Pour chaque sous-genre, l'auteur mentionne un certain nombre de romanciers qui s'y sont positionnés.

Parce qu'on « doit lire ces romans policiers non seulement pour leurs intrigues, mais pour ce qu'ils nous disent de l'Afrique », les oeuvres littéraires sélectionnées sont d'abord présentées à travers deux thématiques.

Le premier chapitre porte sur « La trahison des politiques » envisagé sous trois aspects :

• L'ingérence et la déstabilisation (« complots menés par d'anciennes puissances coloniales soucieuses de conserver leur influence politique et économique sur l'Afrique »)
• le pouvoir à tout prix (« l'incompétence et la corruption de la classe politique, considérés comme source de misère et d'insécurité »)
• Les trafics et l'exploitation illégale des ressources (« le pillage des ressources minières, forestières et halieutiques » et « la dénonciation d'êtres humains »)

Le chapitre 2 aborde « le conflit entre tradition et modernité » développé sous quatre aspects :

• le pouvoir central face au droit coutumier (« l'opposition entre la ville et la campagne » et celle « du profane et du sacré »)
• La place des croyances et des rituels (« entre les tenants d'une approche rationnelle des questions scientifiques et médicales et ceux pour qui le recours aux guérisseurs et aux féticheurs reste la seule façon de guérir les corps et les âmes »)
• Les clivages communautaires (« les relations qu'entretient le pouvoir central avec les communautés […] souvent tendues et sources de conflits » et les conflits ouverts et les violences entre communautés)
• La ville, ses attraits et ses pièges

Deux autres thématiques « qui ne sont pas transversales » s'ajoutent :

Dans le chapitre 3, « L'Afrique hors d'Afrique », on y retrouve des exemples de « romans romans portant sur la vie des immigrés africains en Europe ». Des raisons politiques ou économiques ayant amené de nombreux Africains à quitter leur pays : « Ces espaces de vie et de rencontres ont inspiré des écrivains africains […] à y situer leurs romans. »

Quant au chapitre 4, « La société sud-africaine au défi de la vérité et de la réconciliation », il « regroupe des romans écrits pendant et après l'apartheid ». Il est traité en deux sous-aspects :

• Une société écrasée par l'apartheid (« problèmes politiques, économiques et sociaux » et « le racisme structurel de la société sud-africaine »)
• Une société de la réconciliation ? (« la fin des lois de discrimination en 1991, les premières élections multiraciales de 1994 amenant Nelson Mandela à la présidence et l'institution en 1995 de la Commission de la vérité et de la réconciliation » qui a eu une « influence majeure sur les auteurs sud-africains, qui pouvaient enfin s'exprimer librement, tout en gardant une approche critique » sur « les crimes de droit commun, la violence urbaine et les luttes que se livrent les gangs pour la conquête et le contrôle des territoires et des trafics »).

Pour chaque thématique, Jean-Paul Martin fournit quelques notes biographiques de chaque auteur sélectionné, présente un synopsis du roman choisi, reproduit en encadré un extrait significatif et conclut en livrant son ressenti par rapport au style et à la trame dramatique de l'ouvrage.

Jean-Paul Martin conclut que « la lecture de ces romans donne au lecteur, qu'il soit ou non sociologue, l'accès à ce que nous pouvons appeler, au sens que l'anthropologie a donné à ce terme, ‘' un terrain ‘', à la possibilité, grâce à la fiction, de voir dans des situations données comment se comportent des individus ou des groupes, ce qu'ils disent et, si le romancier a fait ce choix, ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent. »

Il ajoute que « si l'on veut comprendre ce qui se passe en Afrique, que l'on soit ou non Africain, la lecture de ces romans policiers semble un passage quasi obligé. » Il met aussi en lumière que « les romanciers africains appartiennent au groupe des intellectuels par qualification avec une surreprésentation des enseignants et des journalistes, même s'ils sont quelques-uns à exercer ou à avoir exercé des professions où le rapport à l'écriture est moins présent (médecin, infirmier, informaticien, etc.) »

Le roman policier africain ajoute une dimension méconnue au genre littéraire dont le succès se décline en polars, nordiques, historiques, ethnographiques, québécois, au féminin… Cet essai très documenté est complété, entre autres, par une bibliographie des auteurs par pays et une bibliographie sélective regroupant des ouvrages généraux et des ouvrages et articles sur la littérature policière africaine.

Diplômé en littérature anglaise, Jean-Paul Martin a exercé l'essentiel de son activité professionnelle dans les relations internationales et la coopération. Après avoir occupé divers postes dans les services culturels français à l'étranger, il a été conseiller de coopération d'action culturelle auprès de l'ambassade de France à Windhoek, en Namibie. Il anime depuis 2018 un blogue consacré au roman policier africain https://www.polars-africains.com/.

Merci aux Presses de l'Université Laval pour le service de presse.


Appréciation générale : *****

Lien : https://avisdelecturepolarsr..
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Grand voyageur et grand connaisseur du polar (il signe polars_urbains dans Babelio), Jean-Paul Martin nous livre une précieuse monographie. Son livre détaille la grammaire des genres policiers — énigme, enquête, thriller, roman noir — et montre comment ce dernier, le roman noir, révèle en filigrane une société malade de sa politique ou victime d'une évolution sociale périlleuse. L'auteur nous situe la géographie et l'histoire (carte, distribution par région des pays, calendrier des indépendances), et présente les pays par leurs auteurs et de bonnes feuilles.

Une mine de lectures et de réflexion.
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