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André Daspre (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070110667
1376 pages
Gallimard (02/09/1983)
4.64/5   11 notes
Résumé :
Le roman du colonel de Maumort est une œuvre monumentale, Martin du Gard y a travaillé de 1941 à sa mort, en 1958. Il pressentait qu'elle serait posthume, mais il en souhaitait la publication. Son héros, Maumort, né en 1870, passe sa jeunesse à la campagne, dans le Perche. Ensuite, à Paris, il est hébergé par un oncle qui fréquente tout ce que l'Université et l'Institut comptent de grands hommes : Renan, Leconte de Lisle, Berthelot. Il participe à la conquête du Mar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le Lieutenant-colonel de Maumort
Roger Martin du Gard (1941-1958)

Il s'agit du dernier roman fleuve de l'écrivain resté inachevé, écrit à Nice et dans son manoir de l'Orne du XVII è siècle, près de Bellême.
Pour ses pairs, Roger Martin du Gard reste le grand auteur que l'on sait, qui avait pour amis, Gide, Malraux, Camus, Romains, Duhamel.. mais pour le public, son aura se ternit quelque peu, et franchement ça me désole ..
Son oeuvre fut de son vivant éditée par la Pléiade en deux volumes. Il fut lauréat du Nobel de littérature 1937. Quand il prit ses marques dans son château du Tertre à Sérigny bien loin du bruit et de la frénésie parisienne, il prit sa plume d'écrivain et entreprit les Thibault, monument de la littérature française en huit volumes qui se déploie sur une période de 20 ans, dit roman de longue haleine..

C'est la lecture de Guerre et Paix de Tolstoï à 15 ans qui va décider de sa vocation d'écrivain. Ses personnages, il va les concevoir sur les pas de son maître ..

Un extrait de l'oeuvre :
"Ce que j'éprouve quand je reviens ici ressemble à cette émotion qu'on ressent devant certains lieux consacrés certains sanctuaires. 9a n'est pas sans analogie non plus avec le culte que l'on rend aux ancêtres, en Asie. Ne souris pas, il y a un peu de tout ça, dans mon vieux coeur fidèle. Mais ce que j'éprouve est beaucoup plus simple, moins religieux, plus tendre. Oui à la base, il y a un grand fond de tendresse... Je voudrais créer là une oeuvre complète ; je puis le faire, je puis parachever l'enchantement, l'harmonie naturelle de ce lieu. Je rêve d'une hospitalité ouverte à tous mes amis, dans ce cadre inoubliable ... Je me crée ici un centre de travail, une vie de famille, au coeur d'une bibliothèque amie (*), et la belle forêt de Bellême autour. Un asile de sérénité et de labeur."..

Comme on peut l'imaginer, les allemands confisqueront en 40 le Tertre, pour en faire un poste de contrôle. Pour l'écrivain ancien combattant de la grande guerre devenu ardent pacifiste, selon l'exemple de Tolstoï, réfugié à Nice, c'est un déchirement profond que d'abandonner son havre de paix où il a construit son bonheur familial, presque construit aussi ce lieu à son image, d'où a jailli le mémorable Thibault, où il a reçu tant d'amis, tant d'artistes, ayant fui un Paris trop bruyant pour se consacrer à sa création pour cette fois se confronter aux heures sombres de l'Histoire.. le roman en question commencé en 1941, à Nice donc, ne retrouvera sa matrice créatrice que 5 ans plus tard, après le départ des américains ..

(*) cinq milles romans sont rangés sur d'imposantes étagères
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Roger Martin du Gard s'exprime à propos de la création littéraire et des sources de la fiction :
"Ne pas oublier que dans la vie il y a neuf fois sur dix une disproportion totale entre la cause et les effets. Les événements les plus importants, les plus décisifs, qui entraînent des résolutions sans appel, sont presque toujours nés d'un petit hasard insignifiant, d'une rencontre fortuite. Revenir souvent là-dessus. C'est une étrangeté aux yeux d'un vieillard qui repasse sa vie. Reprendre la vie de Maumort et marquer, à chaque étape décisive, que c'est un tout petit fait qui a brusquement dévié le cours, introduit des éléments nouveaux qui l'ont totalement modifié."
 
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Comment écrire au XXème siècle dans un style qui paraît ultra-XIXème, comme un entomologue conséquent, accumulant les pièces documentaires en archiviste paléographe diplômé de l'École des Chartes, laisser une oeuvre inachevée, et, l'air de rien, tout pétarder en racontant par le menu l'histoire d'un homme.
Roger Martin du Gard, auteur qui peut sembler couleur de muraille, a osé, plus loin que Jean Barois, plus loin que Les Thibault, RMG se déboutonne, un peu. Sans tambours ni trompettes, consciencieux à la tâche, il a bâti une formidable tour, d'où l'on embrasse un vaste paysage.
Attention, la rembarde n'est pas terminée.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
J’ai rencontré, au cours de ma vie (et j’espère, dans la suite, pouvoir en donner de curieux exemples) une prodigieuse collection de ces êtres à plusieurs personnages, à plusieurs vies contiguës et étanches, à sincérités successives, à multiples authenticités. J’en suis arrivé à penser que cette faculté de dédoublement est l’un des dons les plus merveilleux de la nature humaine ; d’autant plus développé que la nature est plus riche ; au point que cette honnête stabilité qui fait que certains individus n’ont point d’avers, et sont, comme on dit, tout d’une pièce, est généralement le signe d’une irrémédiable indigence de tempérament. 
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Oui, je l’aimais éperdument – sauf aux moments où j’étais en sa présence. Sur ce point, mes souvenirs sont rigoureusement exacts. J’attendais, avec une impatience enivrée, ce déjeuner bimensuel du dimanche où j’allais la voir, passer deux heures dans la même pièce qu’elle. Et dès que cet instant arrivait, je n’éprouvais plus rien, pas la moindre émotion, pas la moindre tentation de lui parler de près, d’attirer son attention, rien, absolument rien qu’une surprenante froideur, une totale indifférence à peine accompagnée d’une sorte de tristesse morne, de vague déception. 
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Quand on vivait avec lui, et qu’on avait tout loisir de constater à quel point cet homme pouvait être, dans le privé, foncièrement dur, égoïste, passionné, injuste, intolérant, on ressentait une sorte d’indignation à constater aussi qu’il avait toujours à la bouche, les mots de Charité, de Justice, de Fraternité, de Tolérance, de Bonté, de grandeur d’âme. De là à le considérer comme un monstre de fourberie et de fausseté, il n’y avait qu’un pas.
C’eût été parfaitement injuste. J’ai fini par comprendre que mon oncle était la proie de sincérités successives. Il n’était pas plus lui-même, ni moins lorsqu’il professait le pardon des injures et la magnanimité. Il était sincère dans l’une et l’autre de ces attitudes. (page 324)
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Il y a des gens dont la vie est toute commandée, et déséquilibrée, et dont la personnalité est comme disloquée par le besoin de paraître. Mon oncle éprouvait au plus haut degré ce besoin, et d’une façon constante : mais le besoin de paraître à ses propres yeux. Et il était capable de jouer à lui-même la tragédie, ou la comédie, devant autrui. Capable de toutes les hypocrisies, si l’on veut, mais pour se duper lui-même, et se donner à croire qu’il était autre, meilleur, plus grand, plus noble, plus sensible, qu’il n’était. (page 324)
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Moi, je meurs sans prolongement. Mes deux fils sont morts. Ma sœur est morte sans enfants. Les dernières gouttes du sang des Maumort, je les charrie dans mes vieilles veines. Demain, j’emporterai dans ma tombe la dernière trace des Maumort sur cette terre où depuis quatre siècles au moins on peut suivre leur cheminement, j’emporterai avec moi tout ce que je sais des miens, tout ce que je sais de moi, tous mes souvenirs, toutes mes expériences. Il ne restera rien des Maumort. Ce journal ?
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