« Entendez la chanson des enfants
Voyez comme elle court par les champs
La fée vêtue de blanc
La fée de la misère
En se rongeant les sangs
La fée du dernier jour
La fée du pauvre hère
La fée du dernier jour. »
Lire le récit de
Harry Martinson dans
Les orties fleurissent c'est écouter le chant d'une enfance chaotique et découvrir le champ de ses émotions, entre lumière et ténèbres.
C'est appréhender une Suède pauvre, superstitieuse et rurale, la Suède du début du XXème siècle en proie à la tuberculose, la peste, au piétisme du prédicateur Waldenström et à l'exode vers la Poméranie et l'Amérique, promesses d'une vie meilleure et moins rugueuse.
C'est surtout le regard d'un enfant qui témoigne de ses expériences rudes mais formatrices pour ce petit Martin qui du jour au lendemain perd ses parents (sa mère devenue veuve l'abandonne à six ans) et se retrouve séparé de sa fratrie.
« Ensuite on les mit aux enchères, c'est-à-dire qu'ils furent confiés à ceux qui voulaient bien d'eux et qui en contrepartie, ne demandaient à la commune que l'allocation la plus faible. Martin fut cédé à une ferme dite Vilnäs. La commune paierait cinq couronnes par mois, et contre cette somme les gens de Vilnäs s'engageaient à le nourrir et à le vêtir, à l'élever et à lui faire fréquenter l'école, à le faire travailler et à veiller sur son destin jusqu'à la prochaine assemblée annuelle. »
C'est ainsi que Martin devenu pupille de la commune, muni du symbolique baluchon (contenant des chaussettes de laine, des sabots et un savon) commence son voyage alors que ses frères et soeurs sont envoyés dans d'autres directions.
Beaucoup de larmes, de souffrance mais l'imagination dont est dotée Martin lui permet de continuer son chemin car oui, il rêve et cela depuis toujours, il sait voir ce que les autres ne discernent pas.
Alors malgré la misère partagée, les brimades, les coups du sort, les nombreux sobriquets il avance dans cette drôle et dure vie, de ferme en ferme, et d'asile en asile en espérant un jour trouver un peu d'affection, de tendresse et de considération à défaut d'un vrai foyer.
Mais sa maison il la trouve assez vite.
Sa maison, son refuge, c'est l'école. Elève brillant, l'écriture et la lecture lui permettent de s'échapper du quotidien, il règne très tôt sur les mots.
Ses espérances: voir la Grande Suède, parcourir le vaste monde, découvrir l'Amérique et ses Peaux Rouges...
Une lecture très agréable pas du tout larmoyante, dynamique et empreinte d'humour.
L'écriture est fluide, réaliste quand
Harry Martinson nous décrit les travaux saisonniers, mais toujours poétique, il sait voir la beauté du monde, des choses qui l'entourent même quand il en dépeint ses côtés les plus laids.
Les portraits féminins et ceux des vieillards qu'il rencontre au gré de ses changements de fermes sont implacables et amusants.
Ce récit d'enfance procure un vrai moment de fraîcheur.
Ce premier tome, publié en 1935 à Stockholm, laisse Martin au seuil de l'adolescence, la suite de son parcours dans le second volet de son oeuvre autobiographique :
Il faut partir.
Ces deux ouvrages ont fait de
Harry Martinson un auteur très populaire en Suède et dans le monde mais il fut avant tout un grand poète et un autodidacte.