Le portrait du mal

Une main invisible tirait sur sa manche avec insistance ; une voix inaudible lui parlait continuellement à l’oreille. Cette année, le monde avait basculé dans un hiver très particulier, et Vincent éprouvait une appréhension comme il n’en avait jamais connu jusqu’à ce jour. « Ils sont revenus », avait insisté Ben Miller. « Ils sont revenus. »

Chapitre 11

Dis donc, fit-il, nous tenons une histoire ici, une histoire sensationnelle. Un jeune peintre de province obtient son premier travail professionnel en restaurant des huiles, dans le château particulier de quelqu’un ; puis il s’intéresse à l’occultisme ; ensuite il peint une série de tableaux qui scandalisent tout le monde ; après cela, il devient l’ami d’Oscar Wilde et de Frank Miles, peint trois tableaux très connus, et cinq ans plus tard, on le retrouve noyé.

Chapitre 8

Ce n’était pas une affaire de curiosité sadique menée afin de voir à quoi ressemblait un corps humain, une fois dépouillé de sa peau, ou de constater les hurlements qu’un homme pouvait pousser lorsqu’on l’écorchait vif. Non, cela avait été fait dans une intention précise, et cette intention s’inscrivait dans un plan d’ensemble, même si le meurtrier avait jusqu’à présent frappé seulement deux fois. Une fois voulait dire hasard ; deux fois voulait dire une raison. Et même s’il priait le ciel pour que cela ne se reproduise pas, Jack avait le pressentiment, né d’une conviction professionnelle morose, que cela se reproduirait.

Chapitre 6

Mais quelqu’un avait fait monter dans sa voiture un jeune homme de vingt-trois ans, inscrit à l’Université du Connecticut à Storrs, un étudiant dénommé Karl Madsen, alors qu’il faisait du stop depuis Canaan, où habitaient ses parents, pour se rendre à Storrs. Et ce quelqu’un, ou peut-être étaient-ils plusieurs, avait emmené Karl Madsen quelque part et l’avait complètement écorché avant de l’abandonner, flottant sur le lac de Nepaug. Le médecin légiste avait déclaré n’avoir jamais rien vu de semblable. On avait retiré seulement l’épidémie, avec une très grande dextérité, et cela revenait à détacher le papier de riz collé à la croûte d’un gâteau aux amandes sans déchirer le papier et sans faire tomber une seule miette du gâteau. Et à présent il y en avait un autre.

Chapitre 6

— Il m’a dit que c’était comme de voir le monde pour la première fois. Il m’a dit : « Maman, il y a tellement de mal dans le monde, et les gens passent à côté sans le voir comme s’il était invisible. » Il a dit que son accident lui avait donné des lunettes spéciales, si vous comprenez ce que je veux dire. Avant l’accident, il pouvait s’asseoir dans une pièce et celle-ci semblait remplie d’amis. Mais après l’accident, il pouvait voir qu’il y avait également des démons dans la pièce, et des gens habités par le mal, et des esprits tellement lubriques qu’il refusait de les décrire à quiconque. Et pourtant tous ses amis étaient tranquillement assis, comme s’ils ne voyaient rien du tout.

Chapitre 5

Ce qui leur donne ces frayeurs, c’est ce qu’ils ont appris sur le monde et sur ce qu’il renferme. Voilà ce qui leur fait si peur.

Chapitre 5

Ce n’est pas l’au-delà lui-même qui leur donne ces frayeurs. Le docteur Serling dit que la plupart des malades qui sortent d’un coma profond se mettent à pleurer parce qu’ils n’ont pas réussi à rester de l’autre côté, et ils passent le restant de leur vie à attendre la mort avec impatience parce qu’ils ont vu par eux-mêmes combien c’était beau.

Chapitre 5

— Le docteur m’a dit que les gens qui réchappent à la mort de peu – ce qui est arrivé à Ben lorsqu’il est tombé de ce toit –, eh bien, ils acquièrent parfois une sorte de seconde vue. Vous comprenez ce que je veux dire ? Parce qu’ils sont effectivement morts, parce qu’ils sont allés effectivement au-delà de la fin de leur vie, ils ont vu à quoi cela ressemble vraiment lorsque vous mourez.

Chapitre 5

Quels que soient les fantômes qui le poursuivaient dans les couloirs obscurs de son esprit inconscient, ils étaient terrifiants et impitoyables, et ils ne le laisseraient pas s’échapper.

Chapitre 5

Elle était grande, avait la silhouette d’un mannequin de Karl Lagerfeld et une masse soyeuse de cheveux jaune paille. Ses yeux étaient d’un violet surprenant ; son visage avait la forme parfaite d’un cœur, avec le menton un peu mou et la bouche aux lèvres pleines et pâles d’une authentique Vierge de la Renaissance.

Chapitre 5