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Citations sur Aux animaux la guerre (134)

Sa cousine était passée prendre le café. Des années qu'il ne l'avait plus vue. Elle était de ces beautés prolétaires, superbes à seize ans, défraîchies à vingt et qui passent le reste de leur existence à se faire des teintures en sirotant du café au mazagran tandis que leur tribu braille autour. À quarante ans, elle vivotait amèrement, mère célibataire, se gorgeant de télé et de mots croisés.
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C'était ça l'usine, un monde de peine et de réconfort, un monde qui n'avait cessé de rapetisser d'ailleurs, passant de plus de deux cent cinquante bonshommes à trois fois rien. Quarante qu'ils étaient désormais. Patrick aimait mieux ne pas penser à ce qu'il adviendrait si l'usine devait fermer. Les gars se connaissaient tous depuis l'enfance ou quasiment. Certains ouvriers avaient vu leur père travailler là avant eux, d'autres passaient la main à leur fils. Par le passé, les patrons venaient vous cueillir à la sortie du collège, après le certif' et il arrivait qu'on s'engouffre là-dedans jusqu'à la retraite. L'usine avait dévoré des générations complètes, survivant aux grèves, nourrissant les familles, défaisant les coupes, esquintant les corps et les volontés, engloutissant les rêves des jeunes, les colères des anciens, l'énergie de tout un peuple qui ne voulait plus d'autre sort finalement.
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Depuis longtemps, ils le savaient, on leur avait dit à la télé : ils n’en mourraient pas tous, mais tous seraient frappés. C’était leur tour. Tout de même, ça faisait drôle. Comment c’était possible de finir là, éberlués, moitié bourrés dans la cour de l’usine ? Le boulot parti. Ailleurs, d’autres hommes qui prenaient leur place, Chinois, Indiens, Roumains, Tunisiens, métèques innombrables et invasifs. Des feignants pourtant, il suffisait de voir leur comportement dans les collèges, en Seine-Saint-Denis, partout dans la télé. C’était à n’y rien comprendre. Mais ceux-là, bronzés, bridés, plombiers polonais, avaient le grand mérite : ils ne coûtaient pas.
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Christine était morte et ça lui avait causé un chagrin insensé, un mal de bête, comme s'il allait y passer lui aussi. Mais, il fallait bien l'avouer, si moche que ça puisse être, le temps faisait son œuvre.
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Bientôt, Laurent alluma la radio. Sardou chantait Dans les villes de grande solitude.
- Manquait plus que ce con, fit Rita en ouvrant son parka.
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Prise par la musique, elle se mit à contempler le paysage. Un voile de brume stagnait sur les prés avec des mollesses de danseuse orientale. Les sapins dressaient leurs flèches sombres sur le ciel blanc et tout proche. C'était beau; ça donnait légèrement envie de se tirer une balle, mais c'était beau.
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Depuis quelque temps, le boulot devenait vraiment compliqué. La crise justifiait tout. Préfets, juges, patrons, même les représentants du personnel, tous étaient d’accord : le travail était devenu une denrée trop rare pour qu’on fasse la fine bouche. À force, les salariés aussi avaient fini par s’en convaincre. Et le code du travail faisait désormais moins figure de rempart que de boulet, un caillou dans la godasse des forces productives. (...) Rita était inspectrice du travail. On prétendait qu'elle était plus ou moins en cheville avec la CGT. En tout cas, elle avait lu Marx quand elle allait à la fac, des bouts par ci par là, suffisamment pour croire que l'économie suffit à tout expliquer. (p. 30-31)
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Il se tourna vers la forêt. Un mur de sapins. Il frissonna. Il y avait ce silence. Quand vient la neige, le silence change; il devient plus épais, comme une étoffe pleine de replis où se cachent des choses auxquelles on préfère ne pas penser. Et les voix remontent.
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Un jour la classe ouvrière avait existé. Ils pourraient en témoigner. Si jamais quelqu'un demandait.
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Le proviseur en avait connu des dizaines de cabochards comme celui-là, des ados à fleur de peau capables de se griller à vie pour six mois de vague à l'âme. Passé un cap, ils devaient se débrouiller tout seuls, trouver la sortie par leurs propres moyens. Pour se donner du courage, certains se mettaient à fumer du shit, d'autres passaient leurs nuits à se tripoter sur Internet ou leurs week-ends à se mettre la tête à l'envers. Il avait croisé comme ça un tas de braves gamins qui avaient mal tourné. On n'y pouvait rien. N'empêche, ça vous mangeait le cœur.
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