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3,88

sur 895 notes
Je n'ai pas choisi de lire ce roman parce que son adaptation télévisée était programmée en ce moment , non , j'avoue ne pas l'avoir regardée.
Je n'ai pas choisi ce roman en raison de la nouvelle notoriété de son auteur et de l'obtention de son prix prestigieux , non.
Je n'ai pas choisi ce roman en raison de l'actualité sociale qui bouleverse le pays en ce moment , non (et pourtant...)
Alors , pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai lu "leurs enfants après eux" avant l'obtention du Goncourt et que j'avais tout simplement adoré.
Me voici donc parti dans les Vosges , dans une entreprise qui , comme bien d'autres , hélas , s'apprête à laisser sur le bord du chemin des hommes et des femmes dont le seul tort est de se trouver là au mauvais moment . Des licenciements , des plans sociaux , la paupérisation, obligent les personnages à apprendre à évoluer dans un monde hostile , sans autre perspective que la désespérance , au mieux la survie .
Ces personnages , on va les suivre , vivre leur présent, revenir sur leur passé , sans jamais entrevoir vraiment leur avenir .
Et c'est toute la misère qui nous saute à la figure , le salaire qui ne permet pas de payer la maison de retraite de la mère , la bagnole déglinguée toujours en panne , et puis les combines plus ou moins louches, plus ou moins licites , l'alcool , la "gueule de bois" tous les matins ou presque , la drogue , les trafics , les engrenages de la descente aux enfers , l'inflation de la violence , l'atteinte aux droits fondamentaux....
Les personnages évoluent entre deux mondes , et , peu à peu poussés par un force irrésistible, un tsunami de violence , glissent , glissent le long des parois gluantes et impitoyables du désespoir.
J' ai " dévoré " ce roman , cherchant à chaque page un sourire , voire un éclat de rire , en tout cas une parcelle de bonheur . Peut-être ai -je lu trop vite ou mal , tout est possible , mais....
La construction , passant d'un personnage à l'autre , est très judicieuse et nous permet de toujours rester au coeur de l'action , pas de répit, chaque situation , chaque parole , chaque geste a son importance . La deuxième partie, conséquence de la première , relève du thriller , rythmée , indécise, effrayante mais ....
Pour moi , Nicolas Mathieu frappe fort , là où ça fait mal .Lorsque j'étais jeune , j'ai "dévoré "Zola , découvrant des vies dont on pensait qu'elles ne pourraient plus jamais exister .Triste utopie .Nous sommes au XXIème siècle , Zola est mort depuis bien longtemps mais ses personnages , eux , sont malheureusement là , et bien là, de plus en plus nombreux. Pour combien de temps ?
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Aux animaux la guerre. J'ai acheté ce premier roman à sa sortie, il y a 4 ans, très intriguée par ce beau titre et l'image d'une usine en dessous dans l'édition chez Actes Noirs. le coup de coeur pour Leurs enfants après eux, du même auteur, a suscité l'envie de le relire.

Aux animaux la guerre donc. Un titre emprunté à un vers des Animaux malades de la peste ( La Fontaine ).
La peste, c'est la désindustrialisation qui frappe les Vosges, le chômage, le RSA, le déclassement qui attend les ouvriers victimes de la fermeture de leur usine qui délocalise où ça marne pour moins cher, la fin d'un monde dont personne ne sort vainqueur.
Les animaux, ce sont tous les personnages de ce roman choral, tous en perdition. Des ouvriers laissés sur le carreau, Martel, syndicaliste charismatique, Bruce, une brute sous cocaïne et stéroide, un vieux militant de l'OAS, un ado maladroit juste amoureux fou. Jamais caricaturaux, jamais manichéens même quand la violence économique explose en violence tout court, quand la violence sociale pousse Martel à des magouilles miteuses qui lui pète à la figure. Une prostituée slave enlevée qui disparaît.

Nicolas Mathieu a un talent fou pour camper ces personnages de perdants magnifiques, richement complexes, profondément humains même lorsqu'ils sont lâches et ridicules. Celui de Rita est le plus réussi, l'inspectrice du travail, rugueuse femme libre et cabossée à la fois, désenchantée par expérience mais y croyant encore.

J'ai lu et relu ce roman noir d'une traite, savourant particulièrement la truculence et la précision des dialogues, souvent drôles. Ok ce n'est pas aussi maitrisé que Leurs Enfants après eux. Sans doute trop de personnages qui gravitent autour de l'intrigue, certains se volatilisant laissant au lecteur une sensation d'inachevé. Mais on sent toute la puissance à venir de l'auteur pour la fresque sociale, politique même. La fin est superbe, pétrie d'empathie. Un excellent polar, très original.

Hâte de découvrir la série télé qui sera diffusé sur France 3 à partir du jeudi 15 novembre. Casting alléchant avec notamment Roschdy Zem dans le rôle de Martel.
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Une petite vallée des Vosges. Une usine au bord du gouffre qui va délocaliser. Des employés pour certains résignés, pour d'autres combatifs. Martel est de ceux-là. Devenu secrétaire du comité d'entreprise, il va tenter de sauver l'entreprise Vélocia avant la fermeture définitive. Mais d'autres soucis le plombent. En effet, il se retrouve à découvert tous les mois à cause de la maison de retraite où loge sa mère. Grâce à Bruce, un intérimaire bodybuildé et accro aux stéroïdes et à la cocaïne, il fait le videur parfois dans une boite de nuit. Mais cela ne suffit malheureusement pas. Aussi succombe-t-il à la petite combine foireuse de son ami...
Rita, elle, inspectrice du travail, va tout faire pour aider les employés de Vélocia...

Nicolas Mathieu signe avec Aux animaux la guerre un roman choral profond. de cette vallée des Vosges où se côtoient la misère et l'ennui, où le chômage gangrène, l'on suit plusieurs personnages qui s'entrecroisent : Martel et son ami Bruce, Rita, l'inspectrice, mais aussi Jordan, un adolescent amoureux fou, Pierre, un ancien de l'OAS, des mafieux qui ont la mainmise sur tout le territoire, des prostituées sous le joug d'un mac peu scrupuleux, un apprenti boucher exploité... Des personnages pour certains résignés, pour d'autres combatifs. Des personnages enracinés, profondément humains et puissants qui donnent vie, chair et rythme à cette fresque sociale ancrée dans une réalité parfois tragique et à l'ambiance pesante. Nicolas Mathieu fait montre d'un talent indéniable, aussi bien sur le fond que sur la forme. À l'éventail d'une société désemparée et à la dérive s'ajoute une écriture ciselée et maîtrisée.
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D'abord, pour moi, cela a été la séduction du titre.

"Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur envoya
pour punir les crimes de la terre,
Capable d'enrichir en un jour l'Acheron,
La peste, puisqu'il faut l'appeler par son nom,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.. "

A la fable la plus tragique De La Fontaine, rappelée par le vers tronqué qu'on retrouve dans le titre du livre, répond explicitement, dans le corps du récit, cette sentence atténuée par le bémol du conditionnel, : "Depuis longtemps, ils le savaient, on leur avait dit à la télé : ils n'en mourraient pas tous, mais tous seraient frappés. C'était leur tour. Tout de même, ça faisait drôle. Comment c'était possible de finir là, éberlués, moitié bourrés dans la cour de l'usine? le boulot parti. "

La Peste, ici, c'est le chômage, et son cytomegalo- virus c'est celui du capitalisme sauvage, suivi de toutes les calamités en " - tion", celles de la mondialisation, de la déréglementation, de la délocalisation, de la désindustrialisation qui, après l'avoir sucée jusqu'à la moelle, jette la classe ouvrière dans les oubliettes de l'économie libérale.

Les personnages de Nicolas Mathieu vivent en Lorraine, ils essaient de survivre dans cette tempête trop grande pour eux qui les secoue comme des fétus de paille. Leurs trajectoires se croisent, s'entrechoquent parfois, se dépassent, se mélangent, se rattrapent et se perdent...

Puisque l'usine bat de l'aile, périclite, va fermer, ferme, il faut pouvoir se retourner. Pas toujours vers des boulots avouables. Petites combines, gros trafics, sombres magouilles...tout plutôt que la panne sèche et la misère..

Martel , syndicaliste un peu véreux mais lucide, désireux de réussir, est encore sur le fil du rasoir, son copain Bruce est déjà mouillé jusqu'au cou-il faut dire qu'il a tout dans les muscles, celui-là, et pas beaucoup de cervelle. Pour Rita, inspectrice du travail, ce qu'elle voit l'écoeure à tel point qu'elle aussi se laisse gagner par la désobéissance, l'imprudence...Autour d'eux grenouillent de bien vilains poissons , dangereux requins ou maquereaux à la manque. Mais ceux qui tirent les ficelles, les cols blancs, s'en tireront toujours...Quant aux petits ados, insouciants du drame des adultes qui les touchera bientôt, ils sont surtout chamboulés par leurs hormones et leur premier baiser..

La Peste n'épargne personne: "Ils n'en mourraient pas tous, mais tous seraient frappés "...

Sur fond de neige et de débâcle industrielle, commence alors un jeu de massacre haletant..

Avec quelques années de retard, et juste avant qu'il ne décroche le Goncourt pour son second roman, je découvre le premier roman de Nicolas Mathieu. Et c'était déjà un coup de maître.

Malgré quelques petites faiblesses de construction -un "désordre"séquentiel assez inutile au début, la technique du roman choral permettant en soi de créer le suspense et de réserver les effets, et un prologue "algérois"- OAS assez superflu - le personnage qu'il concerne a dans le roman un rôle tout à fait subalterne- le roman a toutes les qualités d'un bon roman noir- sombre, inquiétant, haletant- et toutes celles d'un grand roman social - j'ai souvent pensé à "les Vivants et Les Morts" de Mordillat, qui se passe , lui, dans le Nord, mais , ici, avec une écriture plus soignée.

Nicolas Mathieu est un jeune Zola du XXIe siècle, plus proche de ses héros que l'auteur des Rougon-Maquart ne l'était des siens - il restitue à la perfection leurs sentiments, parler et sensations- mais un Zola qui aurait remplacé la distance "documentaire" de l'écrivain naturaliste par une pincée d'humour, souvent noir,
jamais dénué de tendresse.

Un écrivain qui accepte de laisser ouvertes certaines portes, de ne pas tout dire ni tout savoir de ses personnages, laissant à son lecteur un peu de place pour espérer, rêver, imaginer...

Une belle lecture, qui me laisse bien augurer de la suivante, prix Goncourt depuis peu..







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Deuxième roman de Nicolas Mathieu que je découvre, le premier étant "Leurs enfants après eux" (Goncourt 2018, mais je l'avais déjà lu avant !). Et j'ai commis la même erreur que pour le précédent, comprendre : je l'ai lu dans une période où mon moral était un peu en berne. Et bien sûr, cette lecture n'a rien arrangé ! (Je vous rassure, si par hasard quelqu'un s'en inquiétait, depuis hier ça va beaucoup mieux.)
L'histoire se déroule dans les Vosges, département voisin du mien. Moi quand on me parle des Vosges, je vois les belles balades en montagne, les fermes-auberges avec le repas du marcaire (lourd, mais si bon !), les vaches noires et blanches avec leurs cloches, ou les lacs au bord desquels j'aime pique-niquer. Que du plaisir !
Rien de bucolique dans le roman de Nicolas Mathieu par contre, dès le titre on le comprend. Déjà ça commence à Oran, en pleine guerre d'Algérie, par des exécutions en pleine rue. J'avoue que je me demande encore pourquoi ce sinistre prologue, étant donné que ça n'a presque rien à voir avec la suite, excepté qu'on va retrouver un des protagonistes quelques décennies plus tard, installé à "La Ferme", une bâtisse délabrée où il vit en compagnie de sa fille alcoolique et de ses deux petits-enfants. Ensuite on fait la connaissance de Martel, secrétaire du comité d'entreprise de Velocia, une usine dont l'avenir est sombre, les jours sont comptés avant la fermeture. La centaine d'OS (ouvriers spécialisés) vont être licenciés, la grogne monte. Une inspectrice du travail, Rita, tente d'aider Martel à négocier de meilleures conditions de départ aux gars. Entre-temps Martel s'est mis dans de sales draps pour payer la facture de la maison de retraite de sa mère, il est entré dans des combines louches, influencé par son pote Bruce, connu à l'usine.
Bruce "marche" aux stéroïdes, qu'il n'hésite pas à mélanger avec d'autres substances plus ou moins légales, et le résultat n'est pas toujours brillant.
On va aussi croiser une jeune prostituée qui se fera enlever sur son bout de trottoir à Strasbourg, un lycéen amoureux et coincé, une jeune fille à la dérive et pas mal d'autres personnages dont la joie de vivre est bien planquée. le pied quoi !
Ce n'est pas un polar à proprement parler, même s'il s'agit de retrouver la prostituée enlevée, il n'y a pas de flics dans l'histoire, mais c'est noir par contre, pas de doute, il n'y a que la neige pour mettre un peu de blancheur là-dedans. C'est une période où les entreprises du coin déclinent, les jeunes savent qu'ils n'ont que peu de perspectives d'avenir (on retrouvera ce thème encore plus développé dans "Leurs enfants après eux"), bref tout le monde a le moral en berne et cherche à s'en sortir comme il peut, y compris par des combines pas très catholiques. L'ambiance est superbement rendue, à tel point qu'on a presque envie de prendre sa vieille voiture et d'aller la jeter contre le premier mur venu, pour peu qu'on soit un peu "down" pendant la lecture...
Ce n'était pas le bon moment pour moi, je n'ai pas été en mesure d'apprécier complètement les qualités d'écriture et la finesse de la psychologie des personnages créés par l'auteur. Il n'y est pour rien, peut-être qu'à un autre moment j'aurais pris plus de distance et serais sortie moins plombée de ma lecture. Par contre, j'aurais certainement émis les mêmes réserves quant au premier chapitre, inutile selon moi.
Je ne déconseille pas du tout, c'est un bon premier roman, simplement mieux vaut le découvrir dans une période où tout va bien dans votre vie !
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Aux animaux la guerre, ou, le roman des petits Blancs déclassés. Nicolas Mathieu, actuel Goncourt avec son second ouvrage, signe ici le roman très noir de la fin d'un monde.

Vosgien d'origine, il place son intrigue dans ce département, si beau avec ses paysages entre vallées et petite montagne aux courbes douces, des étendues de conifères, ses lacs, sa tarte aux myrtilles, ... Sauf qu'ici, on est loin, très loin, des images de cartes postales. L'auteur montre la désindustrialisation à tout va des Vosges, la casse sociale, le chômage, la jeune génération empêtrée dans une situation économique et professionnelle déjà sans avenir et qui noie son ennui et son amertume dans l'alcool et les joints.

Roman choral à la structure qui ne suit pas toujours une narration linéaire, Aux animaux la guerre dépeint avec réussite une réalité froide et profondément amère. le démantèlement de l'usine Velocia en est le point d'orgue. Les "vieux" de l'équipe remâchent les solidarités et les coups de force d'antan, quand l'entreprise était florissante, les gamins qui entraient à la suite du père et des autres hommes de la famille comme des patelins alentour. La DRH, quant à elle, explique entre deux mots de compassion qu'aujourd'hui une carrière professionnelle se déroule dans quatre, cinq, six boîtes différentes. Faut évoluer, c'est comme ça.
Productivité, politique du moindre coût, rentabilité et délocalisation sont devenus les quatre cavaliers de l'Apocalypse socio-économique de la France profonde.

Sur cette arrière-plan, Nicolas Mathieu construit une histoire criminelle qui devient presque secondaire tant le jeu des relations et les existences des principaux personnages l'emportent sur le reste. C'est peut-être le bémol du roman, cette affaire d'enlèvement et de rapports avec les caïds du coin paraît assez bancale et, au final, moins intéressante que le cadre contextuel et la personnalité des divers protagonistes. Il présente en effet un panel diversifié avec le bodybuildé sous stéroïdes, sa soeur obnubilée par le désir de plaire, Locatelli, un des ouvriers au bord du gouffre depuis la mort de sa femme et qui ne sait plus comment renouer avec son ado de fils, Jonathan, pourtant un brave gosse, etc.
J'ai particulièrement apprécié Rita Kléber, l'inspectrice du Travail, tenace et forte pour masquer ses fêlures. Un beau personnage bien amené. Tout comme Martel, le secrétaire du CE de l'usine au charisme certain et au passé trouble.

Pour un premier roman, l'ensemble est réussi et possède une indéniable force d'impact. Il dresse une situation noire et morose sans tomber dans le piège du manichéisme.
Originaire de Meurthe-et-Moselle et adepte des balades vosgiennes, j'ai pris grand plaisir à retrouver des coins connus, des particularismes langagiers lorrains (notamment cette habitude de mettre le ou la devant un prénom ou un nom de famille, ou la locution "les camps volants", ...).

J'attends maintenant avec impatience de pouvoir emprunter Leurs enfants après eux.
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Nicolas Mathieu a suivi les plans sociaux au moment de la crise financière des subprimes en tant que rédacteur dans une agence de reporting. Si l'économie mondiale s'avère obscure pour vous, restez quand même, le roman noir " Aux animaux la guerre " ne traite l'événement que de l'intérieur, du côté des " dominés " (Annie Ernaux).

Ici, le naturalisme du XIXème siècle
( " reproduire la réalité avec une objectivité parfaite dans tous ses aspects, même les plus sordides " ) n'est pas mort, puisque nous plongeons dans une magnifique fresque sociale, au coeur de laquelle sont insérés des fragments d'analyse et de réflexion. L'auteur a fait en sorte qu'on ne lise pas seulement un récit, et fait attention à ne pas transformer, non plus, le texte en roman à thèse.

Ce livre - au-delà de sa puissance de révélation - construit avec efficacité un puzzle dramatique (n'oublions pas dans quelle collection il est publié !) nous offrant ainsi rapidement un suspense insoutenable.

J'ai découvert une plume franche et précise, loyale et fine, au service d'une tension et d'une mécanique stylistique formidables. le fond, la forme, le rythme, tout y est. Quel bonheur !!

Misères, salaires, violences, addictions, atteintes des besoins primaires, dissolution des liens sociaux... mon cher Zola des années de lycée n'est pas loin.

Nous pensions que ce temps social était révolu ; c'était sans compter une crise mondiale, les Vosges, une usine qui va fermer, quelques filles de l'est de l'Europe, une inspectrice du travail courageuse et dépassée, un syndicaliste aux abois, des ados bien paumés, et j'en passe, et surtout, surtout, un auteur incroyable que je ne suis pas prête de lâcher.
Il y a bien longtemps que je n'avais ressenti un tel bonheur de lire un roman construit aussi intelligemment : les personnages reviennent au fur et à mesure des chapitres, nous enchaînant au récit avec une malice émotionnelle ciselée au couteau.

Nicolas Mathieu a balisé les sentiers pour que son roman noir social ne nous quitte pas. C'est un coup de coeur absolu en ce qui me concerne. Pour info, la série du même titre et du même auteur (en partie) ne rend pas l'atmosphère et la sensibilité (ah !!! le pouvoir des mots face à l'image) du roman et a pris des chemins de récit bien différents.
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La finesse de l'analyse sociale et l'écriture intelligente de l'auteur sont à l'opposé des personnages masculins de ce roman qui transpirent la testostérone ,la brutalité et la bêtise. Pourtant ils sont presque émouvants sous la plume de Nicolas Mathieu parce que " plus à plaindre qu'à blâmer" !
Ce Polar social se déroule dans les Vosges et je dois avouer que c'est ce qui m'a attiré. Un petit retour dans ma région natale me tentait bien. Cependant la balade n'a rien eu de bucolique. Si j'ai retrouvé avec plaisir les villages de mon enfance et même celui où je suis née , ainsi que les patronymes bien de chez nous, j'ai surtout redécouvert un département meurtri par les fermetures d'usines et en proie à une précarité économique mais aussi culturelle. La classe ouvrière se retrouve anéantie et si tout n'était pas rose dans les usines il existait une conscience de classe,des repères,des liens,une culture qui faisaient tenir debout. La disparition des OS et des ouvriers de secondes classes que représentaient par la suite les intérimaires laisse une partie de la population sans espoir,sans avenir. C'est dans ce no man's Land social que Bruce et Martel se retrouvent embringués dans l'enlèvement d'une jeune prostituée sans se rendre compte qu'ils n'ont pas l'envergure de vrais malfrats. On assiste au carnage prévisible. Rita est le personnage positif du roman. Inspectrice du travail elle se retrouve sans le savoir une pièce essentielle du drame qui se joue. Elle continue à défendre ses valeurs et ne mesure pas les risques qu'elle prend . Gravitent autour de ces trois personnages tout un petit monde dont j'ai mis un peu de temps à repérer et surtout à comprendre ce qui les reliait. Il faut dire que j'ai lu ce roman dans de mauvaises conditions ,ne pouvant lire que par bribes alors que c'est un roman qui nécessite de s'y plonger une bonne fois pour toute !
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Il est finalement assez rare de lire un roman dont l'intrigue se déroule si près de chez moi, dans ma chère et magnifique Lorraine… l'auteur, Nicolas Mathieu, est spinalien d'origine, désormais installé à Nancy. Pas anormal donc qu'il ait choisi les Vosges pour cadre de son premier roman. Mais pas les Vosges de carte postale en revanche, les forêts, les lacs, l'air pur, non. On est ici loin de cette image d'Epinal, si je puis me permettre. C'est à mon sens plutôt une ambiance tenant à la fois de « Fargo », pour le mélange de violence et de neige, et de Ken Loach, pour le côté social. Deux types vont en effet avoir la mauvaise idée d'aller kidnapper une jeune prostituée à Strasbourg, pour la livrer à deux caïds lorrains. du Grand Est, mais échelon racaille, avec pour toile de fond, la fermeture des usines… inévitablement, les choses vont déraper.

J'ai apprécié cette histoire qui prend son temps, au récit pas forcément linéaire. J'ai été séduit par son atmosphère, à la fois sombre, et, par certains moments, pleine de vie. J'ai aimé les personnages, vaguement paumés, sans véritables perspectives, mais attachants, tout au moins pour certains. J'ai enfin aimé la conclusion, relativement ouverte, qui laisse une certaine liberté au lecteur pour imaginer la suite. J'ai par ailleurs trouvé l'histoire très cinématographique : j'ai ainsi hâte de voir son adaptation télévisée, dont la diffusion est annoncée pour le mois prochain…
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« Aux animaux la guerre » raconte l'histoire de la fin d'un monde. « Un jour, la classe ouvrière avait existé». Dans cette ville de province, l'usine Velocia est au centre de toutes les existences. C'est le poumon économique du canton. Les générations se succèdent à la chaîne et s'usent la santé pour rembourser le crédit d'un modeste pavillon.
L'histoire qui va suivre, vous la connaissez tous. Les premiers plans sociaux lézardent les convictions. La direction fait de plus en plus appel à des intérimaires et puis un matin, les ouvriers prennent conscience qu'une machine a été déménagée discrètement pendant la nuit. C'est à leur tour. L'engrenage est activé : le comité d'entreprise est réuni, l'inspection du travail est alertée, les courriers recommandés sont expédiés à chaque domicile, un plan de sauvegarde de l'emploi auquel personne ne croit est mis en place. Il ne reste plus qu'à accrocher des couronnes mortuaires aux grilles de l'usine.

Et après ? Les repères s'effacent, c'est le grand détricotage, les rancoeurs explosent mais elles ne visent plus un patron ou le capitalisme mais les élites, les étrangers, l'Europe, la mondialisation, ou tout ce qui peut bien être vomi. Place est faite à la violence. Ce sont des proxénètes qui corrigent une fille désobéissante, des quartiers soumis à la loi de petits caïds ou des existences qui partent à la dérive. La violence économique enfante le déclassement, la misère et la brutalité.

« Aux animaux la guerre » se déroule pendant tout un hiver dans les Vosges, quand ce département périphérique s'enclave un peu plus sous les couches de neige. C'est un roman noir sur le déclassement qui entrecroise des destins qui vont s'enfoncer un peu plus dans l'inextricable. le roman frappe par sa noirceur et son réalisme et ne délivre ni morale, ni espoir. C'est le portait d'une époque désenchantée à qui la politique n'offre aucune alternative possible. Un monde est mort, la violence est désormais possible.
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