Quiconque n’a pas vu cette mer du large, cette mer de montagnes qui vont d’une course rapide et pesante, séparées par des vallées qui se déplacent de seconde en seconde, comblées et reformées sans cesse, ne devine pas, ne soupçonne pas la force mystérieuse, redoutable, terrifiante et superbe des flots.
C'était la voix qui crie sans fin dans notre âme et qui nous reproche d'une façon continue, obscurément et douloureusement, torturante, harcelante, inconnue, inapaisable, inoubliable, féroce, qui nous reproche tout ce que nous avons fait et en même temps tout ce que nous n'avons pas fait, la voix des vagues remords, des regrets sans retours, des jours finis, des femmes rencontrées qui nous auraient aimé peut-être, des choses disparues, des joies vaines, des espérances mortes ; la voix de ce qui passe, de ce qui fuit, de ce qui trompe, de ce qui disparaît, de ce que nous n'avons pas atteint, de ce que nous n'atteindrons jamais, la maigre petite voix qui crie l'avortement de la vie, l'inutilité de l'effort, l'impuissance de l'esprit et la faiblesse de la chair. (p. 90)
Maintenant, toute la chaîne des Alpes apparaît, vague monstrueuse qui menace la mer, vague de granit couronnée de neige dont tous les sommets pointus semblent des jaillissements d'écume immobile et figée. Et le soleil se lève derrière ces glaces, sur qui sa lumière tombe en coulée d'argent.
"J'aime cette heure froide et légère du matin, lorsque l'homme dort encore et que s'éveille la terre.
L'air est plein de frissons mystérieux que ne connaissent point les attardés du lit.
On aspire, on boit, on voit la vie qui renaît, la vie matérielle du monde, la vie qui parcourt les astres et dont le secret est notre immense tourment"...
Chacun de nous sentant le vide autour de lui, le vide insondable où s'agite son coeur, où se débat sa pensée, va comme un fou, les bras ouverts, les lèvres tendues, cherchant un être à étreindre.
Toute assemblée nombreuse est foule, qu'elles que soient les individualités qui la composent, il ne faut jamais tenir à une foule le langage de la raison pure. C'est seulement à ses passions, à ses sentiments et à ses intérêts apparents qu'il faut s'adresser.
Pourquoi donc cette souffrance de vivre alors que la plupart des hommes n'en éprouvent que la satisfaction ?
Personne n'a le droit absolu de gouverner les autres. On ne le peut faire que pour le bien de ceux qu'on dirige.
J'aime cette heure froide et légère du matin, lorsque l'homme dort encore et que s'éveille la terre. L'air est plein de frissons mystérieux que ne connaissent point les attardés du lit. On aspire, on boit, on voit la vie qui renaît, la vie matérielle du monde, la vie qui parcourt les astres et dont le secret est notre immense tourment.
La mer, est souvent dure et méchante, c'est vrai, mais elle crie, elle hurle, elle est loyale, la grande mer ; tandis que la rivière est silencieuse et perfide...