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sur 1248 notes
La vengeance est dans le pré.
Huis clos au milieu de nulle part, enfin nulle part pas vraiment car nulle part n'existe pas, nulle part correspond à un ailleurs pour ceux qui y habitent – nulle part est donc un lieu commun pour dire que l'action se situe à la campagne, dans un trou perdu – pas perdu pour tout le monde puisque va s'y dérouler une séquestration plus haletante que ma phrase interminable, mais que voulez-vous j'ai été contaminé par l'écriture pour apnéiste de Laurent Mauvignier qui détaille chaque idée jusqu'à l'atome, disséquant chaque émotion pour ne laisser aucun reste, écrivant au ralenti l'action de l'inaction, chaque seconde dépassant son temps imparti par l'horloge et j'arrête là pour vous laisser reprendre votre souffle.
Une fois habitué aux phrases sans fin, j'ai fini par ne plus me soucier de ce style et je me suis inventé ma propre ponctuation de lecteur au souffle court qui s'endort en regardant le Grand Bleu, pour suivre cette histoire où trois patibulaires s'invitent chez les habitants du morne et paisible lieu-dit des Trois Filles Seules. Au casting des otages, les époux Bergogne, couple mal assorti, mari agriculteur bourru et épouse belle citadine, leur fille Ida, ainsi que leur voisine, une artiste en préretraite culturelle, retirée du monde des vaines mondanités.
Au fil des pages, j'ai compris que la lenteur du récit n'avait pas pour seul but de remplir le cahier des charges souvent élitiste des Editions de Minuit, mais de créer une tension permanente pour rendre palpable la peur et les émotions des protagonistes. le moindre geste subit ici une autopsie. C'est l'inverse d'un scénario et je dois avouer que ce thriller de 640 pages m'a pris aussi en otage. Moi qui goute les phrases chocs, la citation définitive, la rime impitoyable, je me suis laissé séduire par cette prose interminable qui ne semble jamais sure d'elle-même.
Ne dévoilant les mobiles des sales types qu'à dose homéopathique, le lecteur rentre dans la vie et la tête de tous les personnages. On y fréquente des traumatismes, le poids du passé, des frustrations et des complexes, on franchit le péage des non-dits. Nous avons affaire à des taiseux. L'introspection est une religion, les mots ont du mal à sortir mais l'auteur parvient à donner corps à ces êtres de friction..., complexes et torturés, thriller oblige.
Laurent Mauvignier, comme Serge Joncour, dans Nature Humaine, s'intéresse ici aux ruraux, à ceux qui vivent à l'extérieur des rocades et des périphériques. Il nous oblige à mettre le cligno, à sortir de la départementale éclairée aux étoiles, à stationner dans un de ses patelins déserts à la recherche de vrais gens. Il s'emploie à filmer leur solitude, leur rapport parfois douloureux à la modernité.
Si Serge Joncour a fait le choix de raconter 30 ans d'histoire vu de la campagne, Laurent Mauvignier concentre son récit sur une seule journée, avec pour apothéose une soirée d'anniversaire ratée qui vire au grand déballage, à l'expression d'une vengeance préméditée.
L'action est linéaire mais construite comme une course de relais où chaque personnage se passe le témoin pour s'emparer de la narration.
La violence inhérente au genre n'est pas noyée dans le récit. Elle est bien présente, froide et réaliste, ni épicée à la sauce hollywoodienne, ni intellectualisée à outrance. Elle fait office de ponctuation. Point final.


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Un tour de force que ce remarquable huis clos oppressant et exigeant en matière de style. Dans ce roman crépusculaire lentement monte l'angoisse et insidieusement s'installe la menace. Les éléments de réponses sont livrés au compte-gouttes et l'intrigue s'étale sur près de 640 pages de la découverte de lettres anonymes au spectaculaire, cauchemardesque et très cinématographique final où tout s'accélère. La trame pourtant simple et la « mise en scène » minimaliste sont portées par une cadence particulière, un rythme ralenti (qui ne plaira sans doute pas à tous malheureusement), un style très visuel et sensoriel qui détonne dans la production littéraire actuelle avec ses phrases longues, peu ponctuées qui déferlent dans un torrent de mots et un vortex de détails obligeant le lecteur à reprendre son souffle et où se mélangent efficacement monologues intérieurs, dialogues, pensées, ressentis, séquençages de gestes et descriptions fournies. L'âme humaine et la psyché sont disséquées minutieusement. L. Mauvignier taille les failles de ses personnages, creuse autour de leur solitude pour mieux les mettre en relief. Il étire le temps, freine les mouvements, diffuse le suspense, accroît l'inquiétude et joue avec nos nerfs. Tout débute dans le hameau isolé d'une campagne désertifiée « l'Ecart des trois filles seules...un fantôme sur une carte IGN ». Trois bâtisses se dressent : une à vendre, inhabitée, puis celle de la famille Bergogne avec Patrice un terrien renfrogné aux allures frustes mais en réalité serviable et sentimental, sa mystérieuse femme Marion dont il est fou amoureux et leur jeune fille Ida. Ils ont comme voisine et amie Christine, 69 ans, une artiste peintre néorurale « exubérante et barrée » ayant fui Paris et ses excès. Alors que s'organise l'anniversaire de Marion l'intrusion de trublions revanchards perturbe le calme apparent...L'écrivain n'a pas son pareil pour exprimer les non-dits, les frustrations et les difficultés de communication. Dans ce roman polyphonique concentré en un seul lieu sur une seule journée chaque protagoniste livre sa vérité jusqu'au chaos final. Une formidable aventure littéraire que ce roman qui se démarque et qui marque.
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Si le titre se réfère à un recueil d'histoires pour faire frémir les enfants , dont Ida, 10 ans se délecte chaque soir, le roman mérite lui le terme de thriller, ces histoires que les adultes recherchent pour eux aussi frémir en tout impunité.

Cela commence par une légère angoisse, des lettres anonymes, qui ne mobilisent pas la gendarmerie locale. Mais peu à peu, les menaces se précisent et les portraits qui se dessinent sont ceux de vrais méchants prêts à nuire. Et le stress ne cesse augmenter, avec ces chapitres qui s'achèvent sur des notes qui attendent leur résolution, dans une dissonance pétrifiante.

Tout cela, cette histoire qu'il ne faut sans doute pas détailler, est écrit de main de maitre, qui utilise jusqu'au le rythme de l'écriture, des phrases longues, décrivant avec une précision clinique les faits mais aussi les ressentis, qui sont autant de monologues intérieurs des personnages, avec les fluctuations de la pensée qui rebondit et d'adapte aux événements qui arrivent avec un crescendo terrifiant.
C'est en écrivant ces lignes que j' rends compte de la musicalité de ce roman que je décris comme une symphonie.

Les personnages ont beaucoup à révéler de leur passé, des non-dits qui les caractérisent encore, et de l'escalade des malchances qui les auront menés vers ce drame final.

Un grand plaisir de lecture, à recommander à tous ceux qui aiment se faire peur, à moindre frais, et avec la possibilité de fermer le livre pour reprendre sa respiration, tant le déroulé suscite le recours à l'apnée pour se mettre à l'unisson avec les personnages.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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De ce roman , une seule façon de sortir : s'abandonner et accepter l'inéluctable, l'épuisement...Épuisement pour sortir de cette journée et cette nuit relatés en six - cents pages , six- cent pages d'intensité dramatique, de tension extrême, six - cent pages qui " transpirent " l'arrivée imminente d'une catastrophe , d'un drame , qui " suintent " le danger sous une croûte de tranquillité faussement rassurante , une vie en équilibre précaire en des lieux presqu'improbables et " faussement " rassurants . Un hameau , trois maisons , Marion et Patrice et leur fillette Ida vivent dans la première, Christine , une artiste en mal de tout occupe la seconde , la troisième recherche locataires .Un équilibre apparent mais un isolement qui , déjà interpelle , menacé par des lettres anonymes....Dés le début de ce roman magistral , un " je ne sais quoi " de malaise s'empare de nous , dès la première et longue phrase , et l'on sait , on sait qu'on est pris , englué, entraîné, ballotté par des flots hypocrites qui , sous une apparence " bonhomme " , ne nous offrent aucune chance , aucune planche de salut .On va investir les lieux pour ne les quitter , et dans quel état !!! qu'à la toute dernière page. Attention , c'est un roman noir , " doré à l'or fin " , dont les phrases , étirées comme des jours sans fin nous " entortillent " bien plus efficacement encore qu' une longue et dangereuse liane dans une jungle profonde . Donner un ressenti de cette atmosphère asphyxiante est à peine humain , à peine descriptible , à peine racontable . Un jour et une nuit . Seulement . Et pourtant un jour et une nuit si longs au cours desquels bien des non- dits vont remonter à la surface . Un pendant , un avant , un après , dont on ne saura même pas lequel est le plus dramatique ...
Mes libraires me conseillent ce roman depuis sa parution .Le Père- Noël les à écoutés , lui pour mon plus grand plaisir . Terminer une année 2020" pourrie " par un tel roman n'est pas dû au fait du hasard .Laurent Mauvignier est talentueux et compte de nombreux fidèles. Avec ce livre , il ne risque pas , bien au contraire , de perdre ni admiratrices ni admirateurs .Ses personnages , peu nombreux dans ce huis - clos étouffant, sont brillamment dépeints, touchants , bouleversants dans ce qu'ils ont de plus intime , imprévisibles face aux émotions qui vont s'exprimer , oui , les émotions si bien transposées par des mots , des phrases envoûtants.
Ce roman figurera parmi les tous meilleurs qu'il m'aura été donné de lire cette année mais ça, mes chers amies et amis , ce n'est que ...mon humble avis .
Par contre , ceux qui sont assurément les meilleurs , ce sont les voeux que je vous adresse à toutes et à tous , à vous qui me faites l'honneur de lire mes critiques et de souvent m'adresser de si sympathiques commentaires . L'année 2020 agonise sans émouvoir grand monde, vive 2021 et ses espoirs. Plein de " bonnes choses " à vous et ceux qui vous sont chers .
A l'an prochain .
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Dans un hameau isolé, trois maisons se dessinent dans le soir naissant. La première va s'endormir paisiblement. La deuxième sent le gâteau au chocolat tout chaud pour l'anniversaire de la voisine. La troisième a été mise sur son 31 par un mari aimant, afin d'accueillir les invités surprise qu'il a conviés à l'anniversaire de sa femme. Et ça des surprises, il va y en avoir. Des lettres anonymes, un chien retrouvé mort… Trois hommes armés, que personne n'attendait. Qui sont-ils, que veulent-ils, que vont-ils faire ?


Dans ce thriller implacable de 630 pages, Laurent Mauvignier parvient à instaurer un suspense qui rend dingue, à l'aide d'un style que je n'attendais pas dans ce genre littéraire : Des phrases à n'en plus finir qui suivent le dédale des souvenirs et pensées de chaque personnage, nous permettant de saisir en un clin d'oeil des éléments de leur passé nébuleux et caché qui expliqueraient la situation ubuesque présente, de leur présent heureux mais sur le point de basculer, et même de leur futur menacé. Oui, pour les habitants du hameau le futur est incertain et l'on sent qu'il va dépendre de toutes les informations dont ces longues phrases recèlent, dont il nous appartient de dévorer les mots comme le Pacman ses pac-gommes. En tant que lecteur nous ne pouvons que ressentir cette tension, dans la mesure où nous aussi sommes pris en otage par les phrases de l'auteur, délicieux supplice maintenant le suspense, qui en disent beaucoup sur chacun mais jamais assez pour comprendre ce qui est véritablement en train de se jouer. Elles capturent notre attention, la retiennent le temps d'une révélation, la maintiennent en étirant le mystère en même temps que le souvenir décrit. Vous lisez en apnée, retenez votre souffle jusqu'à la fin de la phrase qui sera la fin de l'action, ou de la réflexion, ou de quoi que soit qui ait commencé avec la majuscule et finira par un point, le point qui vous permettra de reprendre votre souffle, ce point que vous attendez comme un soulagement et en même temps avec délice, une hâte excitante car pendant que vous l'attendez tout est encore possible, mais tout votre corps se tend vers la délivrance de ce léger stress, vers la résolution de cette énigme qui occupe désormais votre esprit tout entier, occultant toute autre sensation comme le fait que vos mains en deviennent moites, que votre front transpire et que vos yeux se rapprochent dangereusement de la feuille dans un effort désespéré pour parvenir à lire plus vite, pour accélérer cette délivrance comme si, par une telle action, pour pouviez également délivrer les personnages du cauchemar dans lequel ils sont enfermés, pris au piège, et alors que vous engrangez les informations délivrées par l'auteur vous ne pouvez cesser de vous demander : Comment la phrase va-t-elle se terminer, où veut-elle en venir ? (Désolée si vous êtes mort d'asphyxie avant d'atteindre la fin de cette phrase, peut-être ai-je mal dosé, n'est pas Mauvignier qui veut^^) Procédé bien rôdé qui ralentit le temps de l'action et permet, le temps d'une phrase comme une pensée, de nous en dire énormément mais jamais assez puisque la phrase s'arrête finalement avant de nous dire ce que l'on veut tous savoir, lecteurs et personnages : Qu'est-ce qui est en train de se passer sous nos yeux ?!


Vous aimerez ou vous détesterez. Perso, j'ai lu 630 pages comme j'en aurais lu 30 : Sans les voir passer alors que, dans le même temps, j'avais hâte de finir par savoir ce que voulaient ces types ! Alors pourquoi seulement 4,5 / 5 ? Lisez ma réponse uniquement si vous avez déjà lu le livre, et dans ce cas n'hésitez pas à me répondre !


« Jolie petite histoire [même si]
Cendrillon, pour ses [4]0 ans
Est la plus triste des mamans » (Téléphone)
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Je ne suis pas objective, j'aime tout ce qu'écrit Laurent Mauvignier. J'aime sa plume déliée, précise, son sens du récit, sa manière de se renouveler sans cesse. J'ai passé en compagnie de ses ouvrages des moments de lecture mémorables tant il sait m'éblouir à chaque fois, qu'il raconte la guerre d'Algérie (des hommes), le drame du Heysel (dans la foule) ou un fait divers dramatique (ce que j'appelle oubli). Son roman continuer, où une mère et son fils parcourent le Kirghizistan à cheval, est dans mon top 5 personnel, quelle merveille !
Je ne pensais pas pouvoir être épatée encore. Et bien si !
j'ai découvert dans ce dernier opus, que Laurent Mauvignier maniait avec beaucoup d'élégance l'art de maintenir le lecteur en haleine et sous pression, dans ce huis clos rural d'une rare intensité. 630 pages toutes en tension et noirceur qui m'ont accompagnée tout au long de ma semaine. 630 pages au hameau des trois femmes seules avec Bergogne, un agriculteur, sa femme Marion dont on prépare l'anniversaire, leur fille Ida et Christine leur voisine, une peintre parisienne avide de campagne. Une plongée dans leurs désirs, pensées et intimité, rythmée par l'écriture saccadée, dense d'un auteur qui connaît sa partition et sait faire monter lentement l'angoisse. Parce que les 40 ans de Marion ne se passeront pas bien sûr comme prévu. Un texte passionnant. Admirable. Encore un ❤️
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De la grande littérature ! Laurent Mauvignier propose un pointillisme haute définition. Chaque pixel, pardon, chaque mot compte. Chaque image, pardon, chaque phrase, étaye un propos ou magnifie une situation. Un peu comme ce portrait de « la dame en rouge », peint par un personnage du roman, qui dévoile un secret à chaque observation méticuleuse. La comparaison s'arrête là ! L'adage dit qu'une image vaut mille mots. Les éditions de Minuit prouvent le contraire (on ne pourra pas me suspecter de complaisance vue la manière dont j'ai éraflé les précédentes sorties de cette maison) : c'est le rôle de l'écrivain d'épuiser les mots, de les polir avec autant de maestria, et non de servir docilement le scénario d'une future adaptation TV.
Chez Laurent Mauvignier, les non-dits sont criant de vérité, les silences interrogent, les répétitions chahutent. L'écriture devient un instrument de précision dont la fonction dépasse la narration : elle déstabilise le lecteur et le place dans la même situation d'inconfort que chacun des protagonistes de son thriller en huis-clos. On sent chez l'auteur la volonté (l'obsession) de peser chaque mouvement, de disséquer chaque pensée, d'aller au bout de la psychologie de ses personnages, parfois jusqu'à la nausée.
On est emporté, subjugué par la puissance de certaines scènes. Laurent Mauvignier excelle à parler (quelques exemples parmi tant d'autres) de l'agonie (p145), du doute (p297), de la peur (p333), de l'emprise, de la manipulation ou de la célèbre citation d'al Capone : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu'en étant juste poli » (p503).
Je prédis que le roman « Histoires de la nuit » fera partie de la liste du Goncourt et qu'il en sera le grand favori.
Bilan : 🌹🌹🌹
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le pitch complet pourrait se dérouler en une poignée de lignes, le livre quant à lui compte plus de six cents pages. C'est dire combien le rythme des évènements y est lent, très lent, même si le lecteur ne s'endort jamais, bien au contraire, embarqué qu'il est dans un thriller rural sous tension psychologique où tout semble y être disséqué, le long d'un incessant courant de phrases marathoniennes qui délivrent au compte goutte les informations sur les protagonistes, leurs sentiments, leurs émotions, leur passé, leurs intentions, leurs actions, leurs relations, leurs moindres gestes et j'en oublie. Ça se passe au hameau isolé des Trois Filles Seules, où réside néanmoins un héritier mâle, Bergogne le paysan local, qui a rencontré sur le tard Marion la citadine tumultueuse et sexy, au passé incertain. Ils sont mariés, Ida est née, le bonheur est dans le pré pourrait-on croire, si ce n'étaient les problèmes d'un couple bancal, auxquels Bergogne fait front en allant quelquefois aux putes dans la ville voisine pour éponger sa frustration sexuelle. Ajoutez-y une artiste peintre avec son chien en tant que voisine, Christine, véritable Tatie poule pour Ida, quelques vagues menaces sous forme de lettres anonymes et vous tenez les ingrédients principaux avant que tout s'emballe en une journée éreintante dans un huis-clos suffocant. Et au déroulé lent, le lecteur au supplice d'une tension permanente. Diablement pris, ensorcelé, les neurones empêtrées dans les circonvolutions de pensées ou autres louvoiements de réflexions, désirant toujours en savoir un peu plus avant d'aller respirer un bon coup. Laurent Mauvignier n'en finit pas de scanner tout ce qui semble pouvoir l'être et même plus, sa prose intarissable se déploie au diapason d'un laser sensible au moindre fourmillement, il sillonne la plus minime ride et ne s'essouffle jamais, tenant ses personnages comme un marionnettiste virtuose et entortillé dans son entrelacement de fils. Et ça fonctionne plutôt très bien, j'ai eu la sensation de tenir un thriller d'un genre quelque peu expérimental (mais on est chez Minuit quand même), où le plaisir de lecture semble néanmoins intellectuel avant d'être émotionnel.
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Première lecture d'un livre de Laurent Mauvignier et quelle lecture !
D'entrée de jeu, j'ai été fascinée, hypnotisée par cette écriture qui s'enroule dans un labyrinthe sans fond, cette écriture qui est littéralement fondue enchaînée comme une succession de photos qu'on regarderait en diaporama à toute allure.
Laurent Mauvignier fait plus que développer un suspense qu'on pressent déjà morbide, toutes ces phrases nous mènent sur le chemin du drame qui va se jouer dans cet petit hameau où vit une famille et une voisine.
Marion, la maman de la petite Ida lui lit chaque soir une histoire tirée d'un livre intitulé : Histoires de la nuit. Cette nuit opaque, terrifiante qui en fait repose sur sa maman qui a du fuir l'horreur pour sauver son enfant.
L'intrigue dont je ne dirais plus un mot est savamment ficelée avec des clins d'oeil satiriques et salvateurs de l'art de la peinture. Christine, la voisine et amie de la famille, une personne qui s'est marginalisée ne pouvant vivre en ville sa vie d'artiste avec tous les clichés qui vont avec.
Tous les personnages dans ce roman sont attachants y compris " les méchants" dont leur vie a été abîmée très tôt conduisant l'un d'eux à la folie.
Laurent Mauvignier cultive l'art de nous faire rentrer dans les coeurs, dans ces âmes meurtries en disséquant les sentiments, les nobles comme les plus vils.
Un très bon moment de lecture !
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Une découverte et un choc.

Jamais rien lu de Laurent Mauvignier et j'avoue que quelque 600 pages  pour évoquer un fait divers, ultra violent , de quelques heures , dans une zone rurale écartée, tout cela me faisait un peu peur...

Dès la première phrase, longue, tortueuse, accidentée,  cabossée, comme un appel d'air  en souffrance , je me suis trouvée embarquée. Et je n'ai plus pu descendre de ce rafiot infernal avant la dernière ligne - fascinée,  subjuguée par cette empathie ténébreuse de la poisse qui emberlificote les personnages et les lie à un destin qu'on devine d'emblée  catastrophique.

Les Trois filles seules.

C'est le nom du lieu-dit, du hameau proche de la Bassée. C'est là que tout se passe,  va se passer, doit se passer...

Trois maisons isolées : l'une abandonnée et à vendre, la deuxième occupée par Christine, une artiste peintre parisienne, la soixantaine bien sonnée,  indépendante et solitaire, une originale déclassée, exilée là avec ses cheveux orange et son chien-loup;  la troisième maison  est celle des Bergogne, un couple et Ida,  sa petite fille d'une dizaine d'années-  un couple mal assorti: elle, Marion, trop belle, trop insolente, trop tout,  et lui, Patrice, gros nounours mal léché,  cul terreux avec son avion de chasse de gonzesse, pas tranquille, pas sûr de lui, pas sûr  d'elle  trop amoureux pour être indifférent, trop amoureux pour ne pas souffrir de tout ce qui vient ou ne vient pas d'elle, damné de la terre, ver de terre amoureux d'une étoile mais protecteur, mais tutélaire. Une sorte de Bon Génie  du lieu maudit. le seul des trois frères à être resté à la ferme après la mort des vieux. Fragile dedans , mais un roc quand même.

Comme dans les contes, tout va par trois.

Trois filles seules, trois maisons, trois femmes, la vieille, la jeune et l'enfant. Trois frères Bergogne moins deux.
Reste Patrice qui en vaut trois: Patrice
le fermier, Patrice le père,  Patrice le mari......

Et comme dans les contes, ces contes de la nuit que Patrice ou Marion raconte le soir à Ida pour l'endormir, il y a aussi les trois Méchants.

Le cinglé,  le pervers et le go-between.

Ceux-là ne font pas tarder à venir et  à hanter la soirée d'anniversaire de Marion .

À bien la pourrir. À  la pourrir à mort.

La phrase entortillée et captieuse qui m'avait cueillie d'emblée, attrapée dans ses filets et entraînée par le fond dans la noirceur de cette histoire de nuit , épouse tour à tour les pensées et méandres - les pensées méandreuses- de chaque protagoniste.

Elle ne nous fait grâce de rien: nous entrons dans les peurs, les remords, les rancunes, les illusions, les mépris, les haines, les prises de conscience tardives, les audaces dangereuses, les précautions naïves,  les parades dérisoires, les défenses désespérées d'Ida, de Christine, de Marion, de Patrice..

600 pages et quelques qui ne se lâchent pas et qu'on avale sans demander grâce,  parce que la grâce  ça ne se demande pas dans une Histoire de la Nuit.

Il faut juste s'accrocher le plus longtemps possible à la phrase, à son souffle, à Patrice, à Ida, à ceux qu'on a cru faibles ou peu flamboyants mais qui tirent leur force de leur obstination, de leur  ténacité à exister, comme la phrase elle-même , tendue, filandreuse, pleine d'à-coups mais toujours là,  comme une amarre dans l'histoire en déroute, comme un filin  qui retiendrait le rafiot secoué et l'empêcherait de se fracasser sur les hauts fonds ..

Une merveille de bouquin, d'écriture,  de scénario, de personnages.


Une merveille, tout court, si j'ose dire d'un roman de cette longueur : mais pour moi j'aurais aimé qu'elle dure encore,  qu'elle me retienne à l'ancre ou à l'encre...
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