Une lecture des plus addictives… à tel point que j'ai dû me raisonner pour interrompre ma lecture à 4 h du matin… le suspens étant à son comble… Mais réveil- boulot oblige ; je me suis raisonnée pour m'arrêter à plus de la moitié, l'ayant acheté le matin même!!!
Le décor : un hameau au fin fond d'une campagne désertée, en « désaffection » ; deux maisons habitées, l'une par un fils-fermier de la région, Bergogne, sa femme, Marion, rencontrée sur le Net, leur petite fille, marion, la maison attenante, occupée par une parisienne,Christine, artiste peintre, venant de tout temps se ressourcer dans ce coin perdu, pour finir par s'y réfugier définitivement, rejetant la ville et les mondanités de la Capitale… et une troisième maison, vide, à vendre !...
Le décor est planté… le récit va se faire, en détails, en profondeur, passant d'un personnage à l'autre, le décrivant dans son quotidien, son passé, son présent, sa personnalité, ses failles…
Quatre personnages principaux: Christine, parisienne, artiste-peintre, qui a fui la ville, s'est retirée au fin fond de nulle part…près de la ferme un des fils de fermier –ami qu'elle connaissait depuis toujours, venant de temps en temps dans ce coin perdu. Ce fils, surnommé Bergogne est le seul des trois fils à être resté à la ferme, pour la sauver ,au prix de lourds endettements, sa femme , Marion, et leur fille, Ida, qui adore, Christine, sa tatie, chez qui elle va goûter, dessiner,et peindre…
Deux univers aux antipodes se côtoient à travers ces deux maisons : celui d'une citadine, artiste-peintre, avec les tourments de la création, tout un monde de références culturelles, intellectuelles, et le monde paysan, méprisé, dit « frustre »…qui se meurt, se bat désespérément pour survivre… et dans tout cela, des personnes avec des blessures, des personnalités attachantes, complexes, remplies de failles et de doutes, avec une petite fille, Ida, qui grandit dans cet univers complexe, en observant et essayant de comprendre ce curieux monde des adultes..
« Mais c'est qu'il est sensible au fait que l'agriculture intensive a bousillé la vie de son père et celle des paysans de la région- avec d'autres qui ont plus ou moins son âge, et les quelques jeunes qui se lancent encore dans cette folie, il veut une agriculture à taille humaine, soucieuse des bêtes et
des hommes. (p. 51) »
[ christine, l'atiste-peintre ] « Mais non, elle avait préféré vivre au milieu de nulle part, répétant que pour elle rien n'était mieux que ce nulle part, vous vous rendez compte, au milieu de nulle part, dans la cambrousse, un endroit dont personne ne parle jamais et où il n'y a rien à voir ni à faire mais qu'elle aimait, disait-elle, à tel point qu'elle avait fini par quitter sa vie d'avant, la vie parisienne et les galeries de peinture et toute la frénésie, l'hystérie, l'argent et les fêtes qu'on fantasmait autour de sa vie, pour venir se mettre à travailler vraiment, racontait-elle, se colleter enfin avec son art dans un endroit où on lui foutrait la paix. »
De très belles et très intéressantes remarques, analyses du travail de peintre :
« Ne pas parler mais peindre, ne pas user des forces précieuses à ergoter pour dire les mêmes banalités que les autres, mais peindre ce que la parole ne peut tenir comme promesse, avoir la vision de ce qui n'est pas encore advenu (...) (p. 27)”…
et puis au fil des descriptions psychologiques des personnages, une tension certaine apparaît, s'amplifie…va converger vers une soirée de fête à préparer : l'Anniversaire de Marion, ses 40 ans…chacun participe, consacre son attention à ce rassemblement festif jusqu'au moment insolite où un homme, sorti de nulle part, apparaît, se présente à l'artiste, Christine, seule dans le hameau, à ce moment-là, lui annonce qu'il vient visiter la maison à vendre… qu'il attend la personne de l'agence… Christine, fortement intriguée, lui rétorque que c'est elle qui a les clefs, mais qu'elle doit être prévenue par les propriétaires eux-mêmes, et qu'il n'y a pas d'agence nommée pour cette habitation en vente, qu'elle ne lui fera pas visiter les lieux… L'inconnu part…
Christine retourne à son atelier, sa peinture …et aux pâtisseries qu'elle doit préparer pour l'anniversaire de la voisine…et les événements vont s'accélérer, deux autres hommes inconnus vont surgir de façon aussi mystérieuse et brutale… La petite Ida, rentrant la première, Bergogne à qui il est survenu des soucis imprévus, arrive en retard,…l'angoisse monte…monte… et la dernière arrivée : l'héroïne de la fête : Marion….arrive enfin… et on pressent que ces inconnus ont peut-être à voir avec le lointain passé de Marion… Je n'en dirai pas plus, j'en ai déjà trop dit !!!. Un huis clos monte en angoisse, incompréhension, mystère…
Le talent incroyable de Mauvignier est d'aborder, au sein d'un véritable thriller, de tous les sujets possibles : la famille et ses dysfonctionnements,l'enfance malmenée, les violences
des hommes envers les femmes, les effets de la peur, mais aussi de la terreur, auxquelles on peut être confronté, le monde rural, la création artistique, la folie, la vie des villes et la vie des champs…la solitude, la difficulté d'être différent… la vie des Anciens, la vie âpre des agriculteurs, le monde moderne broyant les individus sur son passage, etc.
Ce dernier texte de
Laurent Mauvignier me faisait de l'oeil dès sa parution …mais j'en retardé la lecture, d'autres curiosités et élans boulimiques m'ont accaparée entre temps… Je ne regrette pas le délai… car je découvre avec un enthousiasme sans réserve le deuxième texte de cet auteur, après un premier coup de coeur pour «
Continuer »…
Juste un bémol : un texte fouillé avec des descriptions des plus minutieuses, qu'elles soient psychologiques ou concernant les décors de l'action…En lectrice impatiente, trépignante…quelques longueurs, à mon goût… mais ce détail reste des plus arbitraires et subjectifs !!