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3,97

sur 1248 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un tour de force que ce remarquable huis clos oppressant et exigeant en matière de style. Dans ce roman crépusculaire lentement monte l'angoisse et insidieusement s'installe la menace. Les éléments de réponses sont livrés au compte-gouttes et l'intrigue s'étale sur près de 640 pages de la découverte de lettres anonymes au spectaculaire, cauchemardesque et très cinématographique final où tout s'accélère. La trame pourtant simple et la « mise en scène » minimaliste sont portées par une cadence particulière, un rythme ralenti (qui ne plaira sans doute pas à tous malheureusement), un style très visuel et sensoriel qui détonne dans la production littéraire actuelle avec ses phrases longues, peu ponctuées qui déferlent dans un torrent de mots et un vortex de détails obligeant le lecteur à reprendre son souffle et où se mélangent efficacement monologues intérieurs, dialogues, pensées, ressentis, séquençages de gestes et descriptions fournies. L'âme humaine et la psyché sont disséquées minutieusement. L. Mauvignier taille les failles de ses personnages, creuse autour de leur solitude pour mieux les mettre en relief. Il étire le temps, freine les mouvements, diffuse le suspense, accroît l'inquiétude et joue avec nos nerfs. Tout débute dans le hameau isolé d'une campagne désertifiée « l'Ecart des trois filles seules...un fantôme sur une carte IGN ». Trois bâtisses se dressent : une à vendre, inhabitée, puis celle de la famille Bergogne avec Patrice un terrien renfrogné aux allures frustes mais en réalité serviable et sentimental, sa mystérieuse femme Marion dont il est fou amoureux et leur jeune fille Ida. Ils ont comme voisine et amie Christine, 69 ans, une artiste peintre néorurale « exubérante et barrée » ayant fui Paris et ses excès. Alors que s'organise l'anniversaire de Marion l'intrusion de trublions revanchards perturbe le calme apparent...L'écrivain n'a pas son pareil pour exprimer les non-dits, les frustrations et les difficultés de communication. Dans ce roman polyphonique concentré en un seul lieu sur une seule journée chaque protagoniste livre sa vérité jusqu'au chaos final. Une formidable aventure littéraire que ce roman qui se démarque et qui marque.
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Si le titre se réfère à un recueil d'histoires pour faire frémir les enfants , dont Ida, 10 ans se délecte chaque soir, le roman mérite lui le terme de thriller, ces histoires que les adultes recherchent pour eux aussi frémir en tout impunité.

Cela commence par une légère angoisse, des lettres anonymes, qui ne mobilisent pas la gendarmerie locale. Mais peu à peu, les menaces se précisent et les portraits qui se dessinent sont ceux de vrais méchants prêts à nuire. Et le stress ne cesse augmenter, avec ces chapitres qui s'achèvent sur des notes qui attendent leur résolution, dans une dissonance pétrifiante.

Tout cela, cette histoire qu'il ne faut sans doute pas détailler, est écrit de main de maitre, qui utilise jusqu'au le rythme de l'écriture, des phrases longues, décrivant avec une précision clinique les faits mais aussi les ressentis, qui sont autant de monologues intérieurs des personnages, avec les fluctuations de la pensée qui rebondit et d'adapte aux événements qui arrivent avec un crescendo terrifiant.
C'est en écrivant ces lignes que j' rends compte de la musicalité de ce roman que je décris comme une symphonie.

Les personnages ont beaucoup à révéler de leur passé, des non-dits qui les caractérisent encore, et de l'escalade des malchances qui les auront menés vers ce drame final.

Un grand plaisir de lecture, à recommander à tous ceux qui aiment se faire peur, à moindre frais, et avec la possibilité de fermer le livre pour reprendre sa respiration, tant le déroulé suscite le recours à l'apnée pour se mettre à l'unisson avec les personnages.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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De ce roman , une seule façon de sortir : s'abandonner et accepter l'inéluctable, l'épuisement...Épuisement pour sortir de cette journée et cette nuit relatés en six - cents pages , six- cent pages d'intensité dramatique, de tension extrême, six - cent pages qui " transpirent " l'arrivée imminente d'une catastrophe , d'un drame , qui " suintent " le danger sous une croûte de tranquillité faussement rassurante , une vie en équilibre précaire en des lieux presqu'improbables et " faussement " rassurants . Un hameau , trois maisons , Marion et Patrice et leur fillette Ida vivent dans la première, Christine , une artiste en mal de tout occupe la seconde , la troisième recherche locataires .Un équilibre apparent mais un isolement qui , déjà interpelle , menacé par des lettres anonymes....Dés le début de ce roman magistral , un " je ne sais quoi " de malaise s'empare de nous , dès la première et longue phrase , et l'on sait , on sait qu'on est pris , englué, entraîné, ballotté par des flots hypocrites qui , sous une apparence " bonhomme " , ne nous offrent aucune chance , aucune planche de salut .On va investir les lieux pour ne les quitter , et dans quel état !!! qu'à la toute dernière page. Attention , c'est un roman noir , " doré à l'or fin " , dont les phrases , étirées comme des jours sans fin nous " entortillent " bien plus efficacement encore qu' une longue et dangereuse liane dans une jungle profonde . Donner un ressenti de cette atmosphère asphyxiante est à peine humain , à peine descriptible , à peine racontable . Un jour et une nuit . Seulement . Et pourtant un jour et une nuit si longs au cours desquels bien des non- dits vont remonter à la surface . Un pendant , un avant , un après , dont on ne saura même pas lequel est le plus dramatique ...
Mes libraires me conseillent ce roman depuis sa parution .Le Père- Noël les à écoutés , lui pour mon plus grand plaisir . Terminer une année 2020" pourrie " par un tel roman n'est pas dû au fait du hasard .Laurent Mauvignier est talentueux et compte de nombreux fidèles. Avec ce livre , il ne risque pas , bien au contraire , de perdre ni admiratrices ni admirateurs .Ses personnages , peu nombreux dans ce huis - clos étouffant, sont brillamment dépeints, touchants , bouleversants dans ce qu'ils ont de plus intime , imprévisibles face aux émotions qui vont s'exprimer , oui , les émotions si bien transposées par des mots , des phrases envoûtants.
Ce roman figurera parmi les tous meilleurs qu'il m'aura été donné de lire cette année mais ça, mes chers amies et amis , ce n'est que ...mon humble avis .
Par contre , ceux qui sont assurément les meilleurs , ce sont les voeux que je vous adresse à toutes et à tous , à vous qui me faites l'honneur de lire mes critiques et de souvent m'adresser de si sympathiques commentaires . L'année 2020 agonise sans émouvoir grand monde, vive 2021 et ses espoirs. Plein de " bonnes choses " à vous et ceux qui vous sont chers .
A l'an prochain .
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Dans un hameau isolé, trois maisons se dessinent dans le soir naissant. La première va s'endormir paisiblement. La deuxième sent le gâteau au chocolat tout chaud pour l'anniversaire de la voisine. La troisième a été mise sur son 31 par un mari aimant, afin d'accueillir les invités surprise qu'il a conviés à l'anniversaire de sa femme. Et ça des surprises, il va y en avoir. Des lettres anonymes, un chien retrouvé mort… Trois hommes armés, que personne n'attendait. Qui sont-ils, que veulent-ils, que vont-ils faire ?


Dans ce thriller implacable de 630 pages, Laurent Mauvignier parvient à instaurer un suspense qui rend dingue, à l'aide d'un style que je n'attendais pas dans ce genre littéraire : Des phrases à n'en plus finir qui suivent le dédale des souvenirs et pensées de chaque personnage, nous permettant de saisir en un clin d'oeil des éléments de leur passé nébuleux et caché qui expliqueraient la situation ubuesque présente, de leur présent heureux mais sur le point de basculer, et même de leur futur menacé. Oui, pour les habitants du hameau le futur est incertain et l'on sent qu'il va dépendre de toutes les informations dont ces longues phrases recèlent, dont il nous appartient de dévorer les mots comme le Pacman ses pac-gommes. En tant que lecteur nous ne pouvons que ressentir cette tension, dans la mesure où nous aussi sommes pris en otage par les phrases de l'auteur, délicieux supplice maintenant le suspense, qui en disent beaucoup sur chacun mais jamais assez pour comprendre ce qui est véritablement en train de se jouer. Elles capturent notre attention, la retiennent le temps d'une révélation, la maintiennent en étirant le mystère en même temps que le souvenir décrit. Vous lisez en apnée, retenez votre souffle jusqu'à la fin de la phrase qui sera la fin de l'action, ou de la réflexion, ou de quoi que soit qui ait commencé avec la majuscule et finira par un point, le point qui vous permettra de reprendre votre souffle, ce point que vous attendez comme un soulagement et en même temps avec délice, une hâte excitante car pendant que vous l'attendez tout est encore possible, mais tout votre corps se tend vers la délivrance de ce léger stress, vers la résolution de cette énigme qui occupe désormais votre esprit tout entier, occultant toute autre sensation comme le fait que vos mains en deviennent moites, que votre front transpire et que vos yeux se rapprochent dangereusement de la feuille dans un effort désespéré pour parvenir à lire plus vite, pour accélérer cette délivrance comme si, par une telle action, pour pouviez également délivrer les personnages du cauchemar dans lequel ils sont enfermés, pris au piège, et alors que vous engrangez les informations délivrées par l'auteur vous ne pouvez cesser de vous demander : Comment la phrase va-t-elle se terminer, où veut-elle en venir ? (Désolée si vous êtes mort d'asphyxie avant d'atteindre la fin de cette phrase, peut-être ai-je mal dosé, n'est pas Mauvignier qui veut^^) Procédé bien rôdé qui ralentit le temps de l'action et permet, le temps d'une phrase comme une pensée, de nous en dire énormément mais jamais assez puisque la phrase s'arrête finalement avant de nous dire ce que l'on veut tous savoir, lecteurs et personnages : Qu'est-ce qui est en train de se passer sous nos yeux ?!


Vous aimerez ou vous détesterez. Perso, j'ai lu 630 pages comme j'en aurais lu 30 : Sans les voir passer alors que, dans le même temps, j'avais hâte de finir par savoir ce que voulaient ces types ! Alors pourquoi seulement 4,5 / 5 ? Lisez ma réponse uniquement si vous avez déjà lu le livre, et dans ce cas n'hésitez pas à me répondre !


« Jolie petite histoire [même si]
Cendrillon, pour ses [4]0 ans
Est la plus triste des mamans » (Téléphone)
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Je ne suis pas objective, j'aime tout ce qu'écrit Laurent Mauvignier. J'aime sa plume déliée, précise, son sens du récit, sa manière de se renouveler sans cesse. J'ai passé en compagnie de ses ouvrages des moments de lecture mémorables tant il sait m'éblouir à chaque fois, qu'il raconte la guerre d'Algérie (des hommes), le drame du Heysel (dans la foule) ou un fait divers dramatique (ce que j'appelle oubli). Son roman continuer, où une mère et son fils parcourent le Kirghizistan à cheval, est dans mon top 5 personnel, quelle merveille !
Je ne pensais pas pouvoir être épatée encore. Et bien si !
j'ai découvert dans ce dernier opus, que Laurent Mauvignier maniait avec beaucoup d'élégance l'art de maintenir le lecteur en haleine et sous pression, dans ce huis clos rural d'une rare intensité. 630 pages toutes en tension et noirceur qui m'ont accompagnée tout au long de ma semaine. 630 pages au hameau des trois femmes seules avec Bergogne, un agriculteur, sa femme Marion dont on prépare l'anniversaire, leur fille Ida et Christine leur voisine, une peintre parisienne avide de campagne. Une plongée dans leurs désirs, pensées et intimité, rythmée par l'écriture saccadée, dense d'un auteur qui connaît sa partition et sait faire monter lentement l'angoisse. Parce que les 40 ans de Marion ne se passeront pas bien sûr comme prévu. Un texte passionnant. Admirable. Encore un ❤️
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De la grande littérature ! Laurent Mauvignier propose un pointillisme haute définition. Chaque pixel, pardon, chaque mot compte. Chaque image, pardon, chaque phrase, étaye un propos ou magnifie une situation. Un peu comme ce portrait de « la dame en rouge », peint par un personnage du roman, qui dévoile un secret à chaque observation méticuleuse. La comparaison s'arrête là ! L'adage dit qu'une image vaut mille mots. Les éditions de Minuit prouvent le contraire (on ne pourra pas me suspecter de complaisance vue la manière dont j'ai éraflé les précédentes sorties de cette maison) : c'est le rôle de l'écrivain d'épuiser les mots, de les polir avec autant de maestria, et non de servir docilement le scénario d'une future adaptation TV.
Chez Laurent Mauvignier, les non-dits sont criant de vérité, les silences interrogent, les répétitions chahutent. L'écriture devient un instrument de précision dont la fonction dépasse la narration : elle déstabilise le lecteur et le place dans la même situation d'inconfort que chacun des protagonistes de son thriller en huis-clos. On sent chez l'auteur la volonté (l'obsession) de peser chaque mouvement, de disséquer chaque pensée, d'aller au bout de la psychologie de ses personnages, parfois jusqu'à la nausée.
On est emporté, subjugué par la puissance de certaines scènes. Laurent Mauvignier excelle à parler (quelques exemples parmi tant d'autres) de l'agonie (p145), du doute (p297), de la peur (p333), de l'emprise, de la manipulation ou de la célèbre citation d'al Capone : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu'en étant juste poli » (p503).
Je prédis que le roman « Histoires de la nuit » fera partie de la liste du Goncourt et qu'il en sera le grand favori.
Bilan : 🌹🌹🌹
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Une découverte et un choc.

Jamais rien lu de Laurent Mauvignier et j'avoue que quelque 600 pages  pour évoquer un fait divers, ultra violent , de quelques heures , dans une zone rurale écartée, tout cela me faisait un peu peur...

Dès la première phrase, longue, tortueuse, accidentée,  cabossée, comme un appel d'air  en souffrance , je me suis trouvée embarquée. Et je n'ai plus pu descendre de ce rafiot infernal avant la dernière ligne - fascinée,  subjuguée par cette empathie ténébreuse de la poisse qui emberlificote les personnages et les lie à un destin qu'on devine d'emblée  catastrophique.

Les Trois filles seules.

C'est le nom du lieu-dit, du hameau proche de la Bassée. C'est là que tout se passe,  va se passer, doit se passer...

Trois maisons isolées : l'une abandonnée et à vendre, la deuxième occupée par Christine, une artiste peintre parisienne, la soixantaine bien sonnée,  indépendante et solitaire, une originale déclassée, exilée là avec ses cheveux orange et son chien-loup;  la troisième maison  est celle des Bergogne, un couple et Ida,  sa petite fille d'une dizaine d'années-  un couple mal assorti: elle, Marion, trop belle, trop insolente, trop tout,  et lui, Patrice, gros nounours mal léché,  cul terreux avec son avion de chasse de gonzesse, pas tranquille, pas sûr de lui, pas sûr  d'elle  trop amoureux pour être indifférent, trop amoureux pour ne pas souffrir de tout ce qui vient ou ne vient pas d'elle, damné de la terre, ver de terre amoureux d'une étoile mais protecteur, mais tutélaire. Une sorte de Bon Génie  du lieu maudit. le seul des trois frères à être resté à la ferme après la mort des vieux. Fragile dedans , mais un roc quand même.

Comme dans les contes, tout va par trois.

Trois filles seules, trois maisons, trois femmes, la vieille, la jeune et l'enfant. Trois frères Bergogne moins deux.
Reste Patrice qui en vaut trois: Patrice
le fermier, Patrice le père,  Patrice le mari......

Et comme dans les contes, ces contes de la nuit que Patrice ou Marion raconte le soir à Ida pour l'endormir, il y a aussi les trois Méchants.

Le cinglé,  le pervers et le go-between.

Ceux-là ne font pas tarder à venir et  à hanter la soirée d'anniversaire de Marion .

À bien la pourrir. À  la pourrir à mort.

La phrase entortillée et captieuse qui m'avait cueillie d'emblée, attrapée dans ses filets et entraînée par le fond dans la noirceur de cette histoire de nuit , épouse tour à tour les pensées et méandres - les pensées méandreuses- de chaque protagoniste.

Elle ne nous fait grâce de rien: nous entrons dans les peurs, les remords, les rancunes, les illusions, les mépris, les haines, les prises de conscience tardives, les audaces dangereuses, les précautions naïves,  les parades dérisoires, les défenses désespérées d'Ida, de Christine, de Marion, de Patrice..

600 pages et quelques qui ne se lâchent pas et qu'on avale sans demander grâce,  parce que la grâce  ça ne se demande pas dans une Histoire de la Nuit.

Il faut juste s'accrocher le plus longtemps possible à la phrase, à son souffle, à Patrice, à Ida, à ceux qu'on a cru faibles ou peu flamboyants mais qui tirent leur force de leur obstination, de leur  ténacité à exister, comme la phrase elle-même , tendue, filandreuse, pleine d'à-coups mais toujours là,  comme une amarre dans l'histoire en déroute, comme un filin  qui retiendrait le rafiot secoué et l'empêcherait de se fracasser sur les hauts fonds ..

Une merveille de bouquin, d'écriture,  de scénario, de personnages.


Une merveille, tout court, si j'ose dire d'un roman de cette longueur : mais pour moi j'aurais aimé qu'elle dure encore,  qu'elle me retienne à l'ancre ou à l'encre...
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Les histoires de la nuit, ce sont les histoires que l'on raconte le soir aux enfants pour les endormir. Elles font parfois un peu peur, mais celle que raconte ici Laurent Mauvignier n'est pas pour les enfants, et elle est terrifiante.
Alors, il était une fois, dans un hameau perdu au fin fond de la France, une gentille petite famille, avec Papa Bergogne, Maman Bergogne, la petite Ida, et leur voisine fantasque, Christine. Christine peint de grands tableaux bizarres pleins de couleurs, tandis que Papa Bergogne s'occupe de la ferme et des animaux. Mais surtout, dans le plus grand secret et avec la complicité de Christine et Ida, il prépare une grosse surprise pour l'anniversaire de Maman Bergogne. Quel bon moment en perspective ! Oui, mais d'étranges incidents surviennent, et rien ne va se passer comme prévu.

Bon sang !, j'ai rarement lu un roman qui diffuse une telle tension du début à la fin (600 pages, quand même, sans aucun relâchement). J'avais l'impression d'être dans un western français, un film des années 70 (Verneuil, Chabrol ?) où la banale harmonie de la campagne est rompue par l'arrivée du Mal sous la forme d'un sourire inquiétant. J'ai été saisie par un flux progressif d'angoisse, mon enthousiasme initial se transformant peu à peu en appréhension : j'avais à la fois une envie ardente de connaître la suite, et une peur glaciale de poursuivre ma lecture. Je me sentais glisser, malgré moi, vers l'horreur.
Et pourtant, ce n'est pas que le récit multiplie les rebondissements d'un suspense insoutenable ; au contraire, Laurent Mauvignier instille son angoisse par une plongée asphyxiante dans la psyché de ses personnages. Il développe de longues phrases tortueuses (mais jamais pénibles à suivre) au gré de leurs émotions et atermoiements, qu'il décrit d'une façon si précise et détaillée qu'elle m'a fait penser au procédé du "bullet time" cinématographique (voir "Matrix") : chaque pensée et chaque geste sont décortiqués mot à mot, comme image par image, et j'ai trouvé cela fascinant.
Et puis, il y a une proximité avec les personnages, même sous leurs aspects les moins reluisants, qui les rend émouvants, et j'ai aimé cette manière de les livrer sans fard mais avec une riche palette de nuances, à la fois vulnérables et invincibles.

C'est donc un roman d'une écriture intense, d'une maîtrise impressionnante, que je recommande sans hésiter aux amateurs de polars psychologiques pourvoyeurs de sueurs froides.
A lire bien planqué dans son fauteuil, après avoir vérifié que la porte d'entrée est bien fermée à clef.
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Un hameau, quelques heures entre midi et minuit, « trois femmes seules » (comme le nom du hameau) et trois frères inquiétants, avec un brave gars de fermier paumé entre ces deux trios, un lieu de peu, un temps de rien, un fait-divers au visage de tragédie grecque, le resserrement d'un huis-clos, mais 634 pages – quand même !, et pas un mot de trop – que l'on avale en retenant son souffle, le nouveau roman de Laurent Mauvignier est un diamant noir, un éblouissement littéraire. Après Continuer, ce beau récit de résilience, qui cédait un peu à l'air du temps en adoptant ce thème, on retrouve ici l'auteur au meilleur de son écriture, avec cette aptitude à inventer pour chacun de ses romans une forme nouvelle ajustée à son inspiration. Histoires de la nuit, c'est d'abord un roman noir à l'intrigue sophistiquée, construite avec un art du suspens et des coups de théâtre qui n'ont rien à envier aux scénarios d'Alfred Hitchcock. Dès le début du texte, l'allusion à des lettres anonymes installe une atmosphère de malaise autour de ce hameau où cohabitent un couple, Patrice et Marion, et leur fille Ida, et Christine, leur voisine, une artiste peintre qui a choisi de refaire sa vie dans ce trou perdu. Bientôt, le chien de Christine cesse étrangement d'aboyer, un type louche débarque en voiture au milieu de la cour, sous un prétexte douteux, les préparatifs auxquels s'emploie Patrice pour l'anniversaire de sa femme prennent du retard… Les événements vont se précipiter, comme produits par une machine infernale, obéissant à la logique sanglante d'une vengeance, mais féconde aussi en rebondissements inattendus, jusqu'au paroxysme de l'horreur. Au-delà cependant de cette intrigue, le texte explore l'intimité de chacun des protagonistes, l'histoire personnelle, le tempérament et les émotions, avec une rare puissance, montrant comment du choc des intérêts et des sentiments des uns et des autres, des différences aussi entre les milieux sociaux dans lesquels ils ont vécu, naissent les conflits. Laurent Mauvignier utilise ainsi parfois son personnage de peintre, dans une adroite mise en abyme, comme le porteur d'un discours sur l'oeuvre en cours, sa manière de disséquer et reconstruire les strates de vie superposées des acteurs du récit. Histoires de la nuit, les voix des uns et des autres, leurs différentes histoires finissent par se tresser, devenant alors la seule Histoire de cette nuit de l'âme humaine et de ses pulsions, notre inconscient collectif, notre part d'ombre. Mais ces intentions plurielles du texte n'atteignent pourtant le lecteur que grâce à l'écriture magistrale, cette fois encore, de Laurent Mauvignier, le flux de ses phrases comme des vagues se succédant sans répit, cette prose en périodes cadencées, mélangeant parfois dans un même paragraphe sans point description, discours intérieur et dialogues. Une écriture envoûtante comme une transe, un drame comme la danse d'un derviche tourneur… «C'est extra ! », comme dit Léo Ferré dans une chanson que l'on entend au cours de l'une des scènes les plus poignantes du roman, oui, c'est extra, ce Laurent Mauvignier qui chante la nuit, on aurait presque envie de se le relire en boucle !
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Plus de 600 pages, 600 pages de tension, 600 pages de supplice, parce qu'on voudrait savoir. Un livre qui prend aux tripes, un livre comme une respiration qui s'arrête et reprend parce qu'on ne peut faire autrement.
Laurent Mauvignier maîtrise l'écriture d'une façon remarquable: ces phrases longues qui traduisent si bien le ressenti de chacun, les non-dits qui explosent, l'atmosphère qui devient de plus en plus pesante, ce huis clos dont on pressent très vite l'issue dramatique.
Un coup de coeur.
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