Lu après avoir vu le film (2009) de John Hillcoat avec
Viggo Mortensen et Kodi Smit-McPhee.
Sans chapitres, les paragraphes sont chacun des gros blocs espacés de quelques lignes pour donner cette impression de succession sans fin, de quotidien qui se répète encore et encore et encore. Tous les repères temporels ont disparu car pas de “chapitre 1” ou “chapitre 12”. C'est le tic-tac d'une horloge mais elle n'indique pas l'heure. le personnage principal essaie de se rattacher à une réalité qu'il sait désormais disparue en comptant parfois ses pas ou ses respirations, histoire d'avoir un minimum de repères mais qui ne sont qu'individuels, jamais universels.
le passé pré-apocalyptique n'est jamais mentionné, ni les raisons qui ont conduit le monde à dépérir (dérèglement climatique ? Guerre mondiale ? Simple fin prévue par Dieu ?), seul compte la survie d'un père, de son fils, et du lien qui les unit et qui leur permet d'avoir une raison de vivre.
On ne sait jamais vraiment ni le lieu, ni le jour, mais on sait que tout est moche, recouvert par les cendres, dangereux, crasseux, détruit, brûlé, gris, détruit, poisseux, pathétique, mort. Pire que ça : tout ce qu'on peut espérer être un certain état est dans l'état opposé : ce qui devrait être sec est mouillé et ce qui devrait être mouillé est sec, ce qui devrait être dur est mou, ce qui devrait être mou est dur, ce qui devrait être sombre est clair et ce qui devrait être clair est sombre. Rien ne va, c'est juste la survie dans l'opposé total et absolu du confort et des bonnes habitudes. de plus, quand il fait sombre, les ténèbres sont insondables. Quand un visage est maigre et pâle, il est creusé jusqu'aux os et d'une blancheur cadavérique. Quand un concept est vieux, il appartient à une époque antique et révolue. le négatif est exacerbé du début à la fin. Par conséquent, quand arrivent les rares mots positifs (“savoureuse et nourrissante”), ils apparaissent comme des messies.
Dans les dialogues, les “dit” pullulent et les autres verbes (“hurla”, chuchota”...) sont très rares. Sans des “grogna”, “bafouilla” ou “rétorqua”, les émotions sont mortes. C'est une version littéraire de la survie la plus pure. Par conséquent, ça manque parfois d'impact, pour le minimaliste certes, mais quand des personnages crient sans point d'exclamation…
Attention : “Des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité” nous dit la quatrième de couverture, mais le cannibalisme n'est présent qu'à quelques moments pour renforcer le lien entre père et fils qui sont liés dans le refus de manger de la chair humaine car ils sont “gentils” en opposition aux “méchants”. Et pour ce qui est des défauts, le roman est parfois un peu confus à lire vu une ponctuation peu présente, et il est un peu trop long. Un peu moins de deux-cents pages auraient été largement suffisantes, et c'est pour ça que je préfère le film, qui fait un peu moins de deux heures.