Une victime idéale

Je découvre Val Mcdermid avec Carol Jordan et Tony Hill grâce à Babelio et Flammarion. Merci!
J'ai passé un très bon moment avec ce polar où il ne fait pas bon être une jeune femme blonde aux yeux bleus qui ressemble à l'ex-commandant Jordan. Et si en plus l'assassin semble boiter comme Tony Hill, alors....
Les personnages sont attachants, les rapports entre eux intéressants et on a du mal lâcher ce récit addictif.

- Etonnant commenta-t-elle. Je ne vous croyais pas versée dans les travaux manuels. C'est une révélation ?
- C'est une thérapie. Je défais le passé pour fabriquer l'avenir.
C'était une réponse digne de Tony.

On dit pourtant que les profilers et les criminels sont les deux faces d'une même médaille, non ?
- Seulement quand on ne sait pas faire autre chose que répéter des clichés, répliqua Paula avec colère.
Elle se fichait de froisser sa chef. C'était plus important pour elle de l'amener à comprendre qui était vraiment Tony.

- Pourquoi ils ont divorcé ?
- Elle disait que l'Irak l'avait transformé. Il s'était mis à boire beaucoup et elle avait tout le temps peur. Il n'a jamais été physiquement violent evers elle ou Torin, mais il criait beaucoup, il était toujours en colère. Elle avait l'impression d'être sur le fil en permanence. Paradoxalement, après le divorce, ils se sont mieux entendus. Il avait de bons rapports avec Torin. Bev pensait que la vie de famille était une responsabilité de trop pour lui, vu ce qu'il vivait sur le front.

Fielding était autoritaire et formelle tandis que Carol était plus détendue et encourageait le travail d'équipe. Fielding voulait des faits sans se préoccuper de l'histoire qu'ils dissimulaient ; Carol, elle, adorait travailler avec Tony parce que ça l'aidait à comprendre le pourquoi du comment.Fielding était mariée et mère d'un petit garçon, une vie de famille que Carol n'avait jamais été capable de créer.

Tout avait toujours été hésitant entre eux. Deux individus fatigués, émotionnellement blessés et psychologiquement affectés par leurs choix de vie. Pas exactement le genre de personne qu'on choisissait d'aimer. Mais ils avaient fini par comprendre que ce qui les liait était une sorte d'amour. Pas cet amour conventionnel qui terminait rapidement au lit. Ils n'en arriveraient jamais là, vu l'impuissance de Tony.
Au lieu de ça, ils avaient bâti une relaton différente qui s'accommodait de leurs vies professionnelles et personnelles. Ils se faisaient confiance comme à personne d'autre. Même s'ils n'avaient jamais vécu en couple, ils avaient partagé leur quotidien et cela rendait l'absence de Carol très difficile à supporter pour lui.

Qu'est-ce que cela signifiait exactement de faire sortir Carol Jordan de sa vie ? Il fallait aborder le problème pas à pas. Concrètement, elle était déjà sortie de sa vie. Ces dernières années, ils avaient vécu sous le même toit. Tony avait occupé les deux étages supérieurs de la maison, tandis que Carol vivait dans un appartement en rez-de-chaussée séparé de la maison par un escalier et une porte. Ils ne vivaient pas ensemble, mais il savait toujours plus ou moins si elle était là ou non. Il était comme le Seigneur dans la maison des Psaumes : il veillait sur elle.

Au cours d'un interrogatoire, il y avait toujours un moment où le témoin disait quelque chose dont il ne mesurait pas l'importance. L'astuce, c'était de ne pas montrer que c'était important.

- Carol. Je n'ai pas été à la hauteur avec elle. Et elle est sortie de ma vie. Je ne sais pas où elle se trouve. Ce qu'elle fait pour tenir le coup. Elle me manque. Chaque jour, elle me manque.
- Qu'est-ce qui vous fait penser que vous n'avez pas été à la hauteur ?
- Je suis censé comprendre ce qui se passe dans la tête des gens qui ont un esprit aberrant. Mais dans cette enquête-là, j'ai réfléchi de façon trop simpliste. Comme si j'avais oublié que j'avais affaire à quelqu'un dont la caractéristique principale était de prendre tout le monde par surprise. Je n'ai pas exploré correctement toutes les possibilités. Je n'étais pas entièrement concentré sur l'affaire et je n'ai pas assez creusé les choses. Des gens sont morts par ma faute. Dont le frère de Carol et sa compagne.

Il devait exister un algorithme capable de décrire le changement qui se produisait dans le continuum espace-temps quand un adolescent était dans une pièce, songea Paula en s'arrêtant sur le seuil de son salon. Les garçons de cet âge semblaient occuper plus de place que nécessaire. La pièce paraissait spacieuse quand il n'y avait qu'elle et Elinor. On ne s'y sentait même pas à l'étroit quand elles recevaient des amis. Mais avec Torin étalé sur le canapé, les jambes étendues sur le tapis, débraillé et la cravate à moitié dénouée, le salon donnait l'impression d'avoir rétréci. Il fallait qu'elle trouve un spécialiste de Doctor Who à qui poser la question.