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sur 943 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Retour de lecture sur “Eureka street” un roman de Robert McLiam Wilson, publié en 1996. Ce roman raconte la vie chaotique de différents personnages, tous très hauts en couleur et très attachants, dans le Belfast des années 90 à la fin du conflit Nord-Irlandais. Parmi eux, Il y a tout d'abord celle du narrateur, Jake Jackson qui travaille dans la récupération d'objets impayés, un catholique au coeur d'artichaut qui essaye d'oublier sa rupture avec Sarah et qui tombe amoureux comme il change de chemise, successivement d'une serveuse du bar qu'il fréquente avec ses amis, d'une jeune caissière, d'une passagère rencontrée dans un train…Il fait également la rencontre de Roche, un jeune enfant qui vit dans la rue et qu'il prend sous son aile. Il y a ensuite l'histoire du véritable héros de ce roman, Chukie Lurgan, l'ami protestant de Jake, qui devient très riche, presque contre son gré, à la suite de sombres arnaques totalement improbables et qui, malgré un physique désavantageux, réussit à séduire Max, une américaine fille d'un diplomate tué à Belfast. de nombreuses autres histoires viennent ensuite s'ajouter, toutes relatant la vie de gens vivant dans un climat de violence omniprésent lié aux attentats, des gens qui sont soit catholiques, soit protestants, qui sont d'aucun parti et qui essayent juste de vivre normalement. Ces personnages sont tous particulièrement touchants et très attachants, l'auteur n'hésite jamais à les affubler de faiblesses très humaines qui peuvent nous renvoyer à nous-mêmes. En ouverture du livre Robert McLiam Wilson écrit « Toutes les histoires sont des histoires d'amour », c'est ce qu'il essaye de nous démontrer, car toutes ces histoires, tous ces parcours, ont ce point commun. La peinture de la situation nord irlandaise avec l'affrontement entre la communauté protestante et la catholique, est faite de manière très subtile. Il dénonce, de manière indirecte, la stupidité de cette rivalité qui s'est installée et maintenue avec le temps, et qui a pratiquement perdu tout son sens. Il se contente de la décrire, de juste l'intégrer dans son décor puisqu'elle est maintenant ancrée dans l'âme des habitants, elle fait partie de l'ADN de cette ville. Les différences se sont gommées avec le temps, les gens s'éloignent de plus en plus de la religion, il ne reste plus qu'une haine ancestrale sans véritable fondement. Il dénonce plus ouvertement la violence qu'elle entraîne et la stupidité des attentats qui frappent aveuglément des habitants qui n'ont rien demandé à personne. C'est d'ailleurs un attentat particulièrement meurtrier qui est un des principaux points de basculement de ce roman, en affectant pratiquement la totalité des personnages et en ayant un impact sur leur destin. On pourrait croire que tout cela est bien noir, et pourtant ce n'est absolument pas le cas. Robert McLiam Wilson nous livre là un roman très lumineux, c'est une ode à la vie, à l'amour, à l'amitié et à cette ville de Belfast qu'il aime plus que tout. L'écriture du livre est particulièrement bien maîtrisée et le rend très agréable à lire, il y a beaucoup d'humour et énormément de tendresse quand il nous partage la vie et le quotidien de ses protagonistes, tout en restant très percutant dès qu'il s'agit de décrire le climat de violence. C'est au final un livre à découvrir, sur ce sujet très particulier du conflit nord-irlandais, un très bel hommage à ce peuple et surtout à cette ville meurtrie par des décennies de conflits entre communautés.

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“J'ai traversé Shaftesbury Square. Bien qu'il fût encore tôt, les clients de chez Lavery's débordaient déjà sur le trottoir. Des groupes de jeunes d'une saleté peu commune traînaient jusque sur la chaussée, un verre de bière à la main. Tandis que je passais devant le bar en enjambant leurs chevilles tendues, j'ai remarqué l'odeur d'urine tiède émanant de l'intérieur. Je détestais Lavery's. C'était forcément le bar le plus crade, le plus populeux et le plus rebutant de toute l'Europe de l'Ouest. Moyennant quoi il avait un succès fou. très Belfast. Einstein avait tout faux : la théorie de la relativité ne s'applique pas à Lavery's. le temps de Lavery's est un temps différent. On entrait un soir chez Lavery's, âgé de dix-huit ans, et on en ressortait écoeuré, en titubant, pour découvrir qu'on avait trente ans bien sonné. Là, les gens tuaient leur vie en buvant. Lavery's était pour les ratés. Je bossais comme carreleur et je ne pouvais pas entrer chez Lavery's : je réussissais trop bien.”
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Eureka Street est un livre qui secoue. Narrant le quotidien absurde de deux jeunes hommes vivant au jour le jour, ces deux amis, Chuckie et Jake, que seuls l'oisiveté, les beuveries, et l'attrait pour la glande semblent réunir. Leurs quotidiens et les péripéties qui les jalonnent, peignent le Belfast des années 90. RobertMcLiam Wilson, auteur nord irlandais nous offre ainsi une fresque véritable de ce Belfast tourmentés, terres qui l'on vu naître et sur lesquelles il est revenu après quelques années à Londres.

Ce Belfast rongé et abimé par les guerres et les conflits civils entre les populations hétérogènes qu'il abritent. Jack et Chuckie y évoluent et y grandissent, car la vie continue, malgré tout. Jack, catholique, qui après une rupture attend que le bonheur lui revienne, enchaine des petits boulots pour lesquels il n'a aucun intérêt et renoue avec la violence. Tout au long de ce livre, sa résilience se construira petit à petit... Chuckie, protestant plutôt cool, pantouflard et hippie dans l'âme, bien qu'un peu mesquin, au départ bouffon de la bande, va devenir une version de lui-même que personne n'aurait imaginé …

Puis, autour de ces deux personnages, gravitent une kyrielle de personnages tout aussi uniques et particuliers les uns que les autres. Les personnages féminins sont résolument féministes, et tout aussi importantes même si elles apparaissent en filigrane du déroulement du récit, et ce ballet de personnages nombreux, est si bien orchestré que l'on apprend à tous les connaitre sans qu'ils ne disparaissent au profit d'autres. Au contraire, ils sont comme les touches finales données à une peinture, apportant à l'ensemble le relief, la profondeur. Il n'en fallait pas moins pour mieux saisir les enjeux et les particularités de la Ville de Belfast et de ce qui l'anime dans ces années-là. Et parmi eux, un personnage revenu du premier roman de RobertMcLiam Wilson…
Cette fresque nous apprend énormément des mouvements sociaux de cette Irlande du nord déchirée, et sur le quotidien bouleversé de ses habitants.
Cette amitié entre ces deux jeunes hommes si différents sont autant de symboles forts qui permettent d'entrevoir la lumière dans la nuit de Belfast. Aussi, l'anticapitalisme et le féminisme s'offrent à voir à travers plusieurs symboles intéressants.
C'est un récit profondément absurde par moment, humoristique – ce qui me fait comprendre pourquoi RobertMcLiam Wilson est contributeur au journal Charlie hebdo depuis 2016 – tout en gardant un sens du drame qui ne dénature pas la réalité. La poésie se mêle au trash, et donne un contraste saisissant. La structure du récit, chronologique dans son ensemble avec des flashbacks aisés à replacés, permet de naviguer dans les époques et dans les histoires. Certains chapitres sont cependant indépendants, comme dissociés, tel le chapitre 11, qui raconte un attentat et les morts tragiques de plusieurs personnes.
En refermant ce livre, on ne peut s'empêcher de ressentir une vagua mélancolie à l'idée de quitter tout ces personnages, tout en étant soulagé de quitter, un temps, cette ville si paradoxale, noire, sombre qui est Belfast, en espérant du fond du coeur que les lumières et le bonheur reprendront la main sur le chaos politique et religieux qui la constitue autant qu'il la détruit.
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Plonger dans les rues de Belfast des années 90 à travers les pages d'Eureka Street de Robert McLiam Wilson a été une expérience littéraire saisissante, Ce livre, reçu dans le cadre d'un abonnement Kube et lu dans sa version originale a été une véritable immersion dans une époque et un lieu chargés d'histoire et de tumulte.

Wilson a réussi à capturer l'essence de cette époque tourmentée avec une précision déconcertante. Dès les premières lignes, j'ai été happée par l'atmosphère sombre et vibrante de cette ville en pleine ébullition, juste avant et juste après le cessez-le-feu de l'IRA. À travers les yeux de Jack, un catholique désabusé vivant dans Poetry Street, et de Chuckie, un protestant déterminé à changer de vie, il nous plonge au coeur de la vie quotidienne dans une ville en pleine reconstruction après des décennies de conflit. L'écriture de Wilson est un véritable tour de force. Malgré la noirceur des sujets abordés, son style est empreint d'humour et d'ironie, offrant un contraste saisissant avec le contexte difficile dans lequel évoluent les personnages.

Les dialogues pétillants et les situations loufoques apportent une touche de légèreté à un récit souvent sombre et poignant.

« « How's business? » I asked him.

« Amazing. You would not believe it. »

He told me how business was. I would not believe it. »

Les personnages, pour leur part, sont des anti-héros attachants, complexes et profondément humains. Leurs luttes personnelles et leurs relations tumultueuses offrent un aperçu saisissant de la condition humaine dans toute sa splendeur et sa misère. J'ai été particulièrement touchée par leur résilience face à l'adversité, leur capacité à trouver de la lumière même dans les moments les plus sombres.

Ce roman est bien plus qu'une simple histoire, c'est aussi une réflexion profonde sur la condition humaine. Au-delà de l'aspect humain même, Eureka Street est aussi une réflexion poignante sur les conflits religieux et politiques qui ont déchiré l'Irlande du Nord pendant des décennies et malheureusement toujours d'actualité sur d'autres conflits de nos jours. Wilson parvient à critiquer habilement la société contemporaine à travers ses personnages, tout en offrant un regard nuancé sur les enjeux complexes qui ont façonné leur réalité. Cette manière de manier l'absurde tout en gardant une profondeur émotionnelle est l'une des grandes forces de ce livre. le chapitre 11, en particulier, m'a glacée jusqu'aux os, témoignant du talent de l'auteur à capturer l'essence même de la tragédie humaine.

En conclusion, Eureka Street est bien plus qu'un simple roman. C'est un voyage au coeur de l'âme irlandaise, une exploration profonde et bouleversante de l'humain dans toute sa complexité. Avec sa plume incisive et son exploration sans concession de la nature humaine, Robert McLiam Wilson offre une lecture aussi captivante que bouleversante. Sans aucun doute, un coup de coeur absolu pour moi, et une recommandation incontournable pour tous les amateurs de grande littérature. Ma note ? Un indiscutable 5/5 pour cette plongée inoubliable en Irlande, aux côtés de personnages aussi imparfaits qu'attachants.
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Dans le Belfast des années 90, le quotidien est régulièrement ponctué de déflagrations, de slogans haineux, d'annonces de morts, de blessés et autres joyeusetés inhérentes à une ville empêtrée dans un conflit entre deux camps. D'un côté les Irlandais catholiques qui aspirent à l'union de l'Irlande, de l'autre les Irlandais protestants qui souhaitent rester dans le Royaume-Uni. Et au milieu, un tas d'habitants qui aimeraient seulement vivre leur vie.

Parmi eux, il y a Jake Jackson, catholique, issu de la classe populaire, comme tous ses amis. Un Belfastois désabusé, qui ne s'étonne plus en entendant une bombe éclater en prenant son café. Son meilleur ami, Chuckie Lurgan, est protestant. Ce qui n'a jamais été un sujet entre eux. Les moments de camaraderie et les pintes descendues au pub valsent bien au-dessus du conflit politique qui embrase l'Ulster.

C'est ce quotidien que nous raconte Robert McLiam Wilson. Avec un humour cinglant qui m'aura fait éclater de rire plus d'une fois, il décrit la vie de ces jeunes gens, les difficultés de la classe ouvrière, la société de consommation dans laquelle elle aimerait entrer alors qu'elle est engluée dans le chômage et la pauvreté. le conflit politique qui se rappelle à eux tous les jours. Un décor morose pour une jeunesse sans illusions, qui nous offre pourtant de beaux moments d'espoir, notamment avec Chuckie qui devient le roi du pétrole grâce à son bagout et à une bonne dose de candeur assez incroyable.

On rencontre continûment des personnages hauts en couleur drôles et attachants qui sont la plus belle preuve d'amour que l'auteur adresse aux Belfastois. Malgré une ville symbole de guerre et de morts, la vie palpite dans chaque foyer, dans chaque relation d'amitié. Il y a aussi un très beau chapitre dédié à Belfast, aussitôt laminé par une description effroyable d'un attentat terroriste. Belfast est dans un sempiternel entre-deux : vivre en gardant en tête que la mort peut être à notre porte le lendemain.

Ce roman est un immense coup de coeur. J'ai adoré les personnages, la relation du quotidien, l'insertion de plus en plus affirmée au fil du roman du contexte politique, et cet humour corrosif dont je suis particulièrement friande. Lisez-le, il est génial.
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Très beau livre qui nous parle de l'Irlande du Nord principalement et surtout de Belfast. J'ai aimé retrouvé l'atmosphère que j'avais un peu connu des différents quartiers de cette ville et je suis "fan" de la période dite "des Troubles" comme on dit (j'ai particulièrement aimé les livres de Sorj CHALANDON sur le sujet). On retrouve ici les deux principaux personnages qu'on va suivre en parallèle. Ils sont très atypiques et il va leur arriver plein de rebondissements. le livre est très bien écrit et les presque 500 pages passent très vite. On est pressé de connaître la suite de l'histoire. le passage de Chuckie en Amérique du Nord vaut aussi le détour. En résumé, voici un livre que je recommande tout particulièrement et qui vous donnera une bonne idée de ce que fût cette période très troublée entre catholiques et protestants dans les milieux populaires.
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Écrivain nord-irlandais, " Robert Mcliam Wilson ", né dans un quartier ouvrier et catholique de Belfast, nous délivre un message sur l'amour qu'il porte à sa ville, et ceci sans fioriture ni misérabilisme ; et d'ailleurs je pense que l'on peut parler de constat sur cette ville interlope, où régnera pendant plusieurs dizaines d'années, le bruit des bombes et la fureur des émeutes.

Année 80, avant l'accord de Belfast signé le 10 avril 1998 qui met fin à la guerre en Irlande du Nord. Une rue : " Eureka Street " ; un catholique trentenaire qui a du mal à admettre sa médiocrité : Jacke Jackson ; et son ami protestant de toujours : Chuckie Lurgan, un lourdaud qui vit toujours chez sa mère. Ils vivent au jour le jour, entre discussion sans fin à refaire le monde, s'inviter à des soirées de beuveries, des amourettes d'un soir, bref le sommet de la vacuité.

Un grand moment de lecture, avec la verve et la bravoure de l'auteur pour la description, de la folie des hommes, lors d'une explosion d'une bombe et ses effets : distorsion du temps, silence et calme dans le secteur, les couleurs qui disparaissent ; la terreur, l'horreur, l'incompréhension et plus tard les cris et les pleurs déchirants des êtres humains. Un tel réalisme d'écriture me laisse pantois. Comment justifier l'acmé de tels actes : du patriotisme, de l'aveuglement politique, de la stupidité, sans aucun doute !

Ainsi se mêle la vie, entre amitié, pauvreté et idéalisme, dans cette ville attachante, et pour l'auteur qui l'a résumé, " La ville est un roman ", une ville qui palpite de ses habitants vivants mais dont sa terre est richement semée de morts innombrables. Une apologie d'une ville riche d'un passé tumultueux sur un fonds de troubles religieux, mais dont les protagonistes s'avèrent attachants. Un livre à garder précieusement.

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Il est parfois difficile de parler d'un livre dont l'auteur appartient à un bord totalement opposé au vôtre.
Parfois.
Mais force m'est de constater que la prose de Robert Mc Liam Wilson m'a emportée , convaincue, et finalement terrassée. Est-ce l'effet de son humour, de son humanisme ou d'autre chose, je ne saurais le dire; toujours est-il que cette chronique de la vie à Belfast m'a vraiment plu, et fait réfléchir. Une qualité rare pour les romans actuels, qui mérite d'être soulignée.
Mais voyons les choses le plus simplement possible. Nous sommes dans les années 90, à Belfast, Irlande du Nord. Jake, le catholique, vient de se faire larguer par Sarah, il déprime et emmerde son chat pour évacuer sa frustration. Chuckie, le protestant, ne sait pas quoi faire de son gros corps et il déprime aussi , enfermé qu'il est dans une routine débilitante avec sa maman, ex-jolie fille. Au pub, forcément, tout le monde échafaude de grandes théories sur la vie, sur les filles, sur le boulot, et évite soigneusement de causer politique. Mais sortis de là, les mecs ne savent pas vraiment quoi faire de leur peau, sauf se poser des questions sur un mystérieux graffiti "OTG" qui envahit les murs de la ville.
Et puis un jour, par désoeuvrement, Chuckie devient riche. Et pas qu'un peu. Il embraye aussitôt en levant la plus belle fille du coin, une américaine sobrement nommée Max. Puis il s'envole pour les USA, et fait un tabac partout où il pose son auguste postérieur. Jake, lui, reste sur place, fait du sur-place, est dans la place, et assiste aux petits et aux grands drames de la vie locale avec une amertume toujours renouvelée....
La vie, ses détours, ses travers, ses surprises, tout cela ne ferait pas l'objet d'un roman sans le grand talent de Robert McLiam Wilson. Et de petits riens, il fait un tout, un univers, un cosmos. D'une vie banale, un récit épique. D'une amitié entre beaufs, une histoire digne d'Achille et Patrocle. Vraiment, j'ai appris bien des choses en le lisant, et j'espère que ses braves gars de Belfast trouveront grâce à vos yeux, car ils le méritent !
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Dès les premières pages d'Eureka street, on sent que l'on a affaire à un bon roman. Au fil de la lecture du livre de Robert McLiam Wilson, on sent surtout que l'on a affaire à un grand écrivain. du genre de ceux que l'on ne veut plus lâcher une fois qu'on les tient, parce qu'on sait qu'ils vont nous émouvoir, nous enrichir, nous aider à un moment ou à un autre.
Je n'ai jamais cru que les livres avaient vocation à être nos amis. Mais j'ai très vite eu le sentiment que je connaissais Chuck et Jack comme des amis, en tout cas que j'avais envie de savoir comment ils allaient et d'où ils venaient, que je m'intéressais à eux comme à des amis, que j'éprouvais à leur égard une forme d'affection.
L'écriture de MLW est directe, brute, elle fait penser en de nombreux points à celle de Jack London, à cette manière de ciseler finement mais simplement une matière épaisse, grossière, celle d'une vie prolétaire à la fois plus belle et plus compliquée que ne le pousse à croire le point de vue bourgeois.
Entre les deux parcours de Chuckie et Jack, dans une forme de recit amoébée parfaitement orchestré, on assiste à des morceaux de bravoure mémorables qui se laissent lire bouche bée, yeux grand ouverts et cerveau en ébullition poétique, comme l'histoire de Max, ou le chapitre consacré à l'attentat. L'écriture est poétique car l'auteur suit son intuition et crée des images magiques, des associations inattendues ; elle est épique et banale parce qu'elle parle, au travers des histoires particulières, de la rencontre de deux nations qui s'entretuent sans plus savoir pourquoi depuis "quatre ou huit siècles", c'est-à-dire depuis toujours.
Je ne me souviens plus avoir tourné les pages du livre tant il se déroule comme un fleuve porteur, large et constant. On voudrait bien sûr que cela continue, comme l'histoire et le temps continuent, mais on ne regrette pas la fin. Un roman de maître.
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A Belfast, aux débuts des années 90, des tas de trios de lettres fleurissent sur les murs : IRA, UVF, UFF, UDA, FTP, FTQ et le nouveau et mystérieux OTG.

Jake Jackson travaille pour une société de recouvrement, mais n'aime pas son travail. Sa fiancée l'a quitté et il vit seul. Les soirs, ils retrouvent ses amis, catholiques ou protestants, peu importe autour d'une bière.

Son ami Chuckie, qui vit toujours chez sa mère, a une idée de génie pour gagner de l'argent.

J'ai aimé les idées loufoques de Chuckie, son beau parlé qui convainc toujours ses interlocuteurs, et surtout les instances européennes prêtes à donner de l'argent à une idée fumeuse.

J'ai aimé Aoirghe, à prononcer comme un éternuement, une amie de Chuckie qui se fâche avec tous ses potes.

J'ai aimé le regard de l'auteur sur cette province dévastée par les bombes sans que jamais aucune des « armées » ne se soient affrontées.

J'ai aimé son humour sur certaines situations du quotidien, et son regard sur les événements.

Une citation :

ce conflit politique, qui avait marqué toute la vie d'adulte de Chuckie, se résumait à un mensonge. Il s'agissait en fait d'une guerre entre une armée qui disait qu'elle ne voulait pas de battre, et un groupe de révolutionnaires qui affirmaient qu'ils ne voulaient pas se battre non plus. (…) Et puis ces armées ne s'entre-tuaient pas souvent. D'habitude, elles se contentaient de tuer les malheureux citoyens qui se trouvaient disponibles pour le massacre. (p.424)

L'image que je retiendrai :

Celle du bar nommé Wigwam dans lequel se retrouve le groupe d'amis et dont la serveuse parle irlandais alors que personne ne la comprend.
Lien : https://alexmotamots.fr/eure..
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Qu'est-ce que ça fait plaisir de lire un livre pareil !
Hormis des côtés un peu hyperbolique-hollywoodien, je retrouve tout ce que j'aime. C'est drôle. Les personnages prennent bien chair (prennent cher par moments aussi) et leurs personnalités et caractères s'affirment. C'est rempli d'émotion.s, en pagaille. C'est aussi un regard pointu tout en étant ras-de-sol, à la fois désabusé et amoureux, sur ce cadre dramatiquement grotesque ou grotesquement dramatique de cette Irlande du Nord, de cette ville de Belfast dans lequel McLiam Wilson plante son oeuvre, et existe.
Le ton, ce ton, qui me rappelle mes lectures passées de Fante (les deux Fante), parfois aussi de Selby mais avec un spot de lumière interne qui perce nettement sous les strates cyniques et violentes (celles-ci ne sont pas gratuites, ce qui fait toute la différence). Doux amer lumineux. le ton et le rythme font penser, font écho, à du stand-up. C'est presque un texte qui pourrait être dit, sur une scène, plein de punchlines, avec rythme boum boum boum, explosif. Bombesque. Irlande du Nord ! Yep !
Sans être politique directement, McLiam WIlson parvient à faire comprendre et passer beaucoup de choses, beaucoup de valeurs, simples, humanistes. Au fond, oui, c'est simple. Simple comme j'aime ce livre.
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