Elle sait qu'elle est le point lointain et blafardement lumineux où convergent toutes les attentions des affolées et des détraquées ; elle sait que pas un vice, entre femmes, ne se réalise dans les élégantes alcôves ou sur les bancs des promenades ou dans les fossés de banlieue, sans s'autoriser de son extraordinaire exemple. Elle est la reine, pas présente, mais acceptée, de la cour des Miracles femelle du mal ; c'est vers elle, vers le dressement, dans une ombre rousse et touffue, de sa féminilité stérilisée, que monte comme un étrange encens l'universelle odeur des sexes de femme, ouverts ! Et elle a cette fierté de ne pas pouvoir être calomniée. Elle a conçu et parachever plus qu'on ne croit qu'elle a pu faire. Elle a dépassé l'hypothèse des solitudes et des hystéries. Elle est véritablement la parfaite damnée !
Il y a peut-être mieux qu'un rapport, il y a peut-être identité parfaite entre les Fausts conquis par les Méphistophélès et tous les convoiteurs de Paradis artificiels qui demandent à la puissance décevante des Drogues la réalisation, dans l'humanité, du plus qu'humain. On les croit ivres, ils sont possédés. Puisque la toute-vertu céleste a sa présence réelles dans le Pain et le Vin, il se pourrait que la diabolique malice fut consubstantielle à l'opium, au haschich, à la morphine ; l'avaleur d'alcool boit Satan ; l'hémétique est un exorciste.
Un extrait de l’émission « Heures de culture française » diffusée le 10 février 1959 sur France III Nationale. Intervenant : Gabriel Timmrory.