LE DÉSIR
LA bonté du soleil n’apaise pas nos yeux.
Nous avons les prés clairs où l’eau met des buées,
Les collines aux plis charmants continuées
En des bandes couleur de perle au bord des cieux ;
Nos chênes sont si hauts, si vaillants et si vieux
Qu’ils connaissent la foudre et parlent aux nuées.
Les forêts de cent ans que l’on n’a pas tuées
Sont les chœurs où l’accord des voix chante le mieux.
D’où vient qu’ayant l’odeur vive des matinées,
Les pourpres du couchant dans le ciel entraînées,
Les molles nuits d’été qui s’allument pour nous,
Nous sentions nos désirs s’enfler comme des voiles ?
Pourquoi les horizons sont-ils d’un bleu si doux ?
Pourquoi chercher au loin de nouvelles étoiles ?
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VI
ÉTOILES
SES yeux, tout un printemps, éclairèrent ma vie
Je marchais ébloui, la tenant par la main.
Elle était le rayon, l’étoile du chemin,
Et tant qu’elle a brillé sur moi, je l’ai suivie.
Ainsi mes jours passaient sans but et sans envie
Puis vint l’été ; ce fut un triste lendemain.
Je ne vis plus l’étoile au doux regard humain,
Et la sérénité du ciel me fut ravie.
Et souvent, dans l’azur profond des soirs d’hiver,
Lorsque la lune au front du paysage clair
Pose comme un décor sa lueur métallique,
Seul, dans l’apaisement des soirs silencieux
Suivant l’éclosion lente et mélancolique
Des étoiles, j’ai pu reconnaître ses yeux.
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LA LANDE
La ligne impérieuse et fauve de la lande
Change d’aspect, et forme au-dessus du flot clair
Un golfe harmonieux de verdure. Dans l’air
Court un parfum mêlé d’algues et de lavande.
Des barques de pêcheurs semblent en longue bande
Un vol silencieux de blancs oiseaux de mer.
Tout est calme. Le vent retient son souffle amer
Et la lune au couchant se lève toute grande.
C’est ici-bas que sont les paradis charmants.
Un tout petit ruisseau sous les saules dormants
Cause, malgré le bruit de l’Océan farouche ;
Loin de ces pars coteaux jusqu’à l’aube oubliés,
La lumière fuyant frissonnante se couche,
Vague orient des mers qui roulent sous nos pieds.
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LA FONTAINE
LES femmes lentement descendent le chemin
Et s’arrêtent au bord de la margelle usée.
Sur leur tête la cruche en argile posée
Demeure droite et tremble à peine dans la main.
Le plaintif Océan, d’où monte un râle humain,
Jette aux pierres du quai son amère rosée.
Elles regardent l’eau, car la lame apaisée
Peut grossir, et l’homme est en mer jusqu’à demain.
Un geste harmonieux, comme le col d’un cygne
Élevant l’un des bras, en arrondit la ligne,
Et laisse mollement le grès rose osciller.
Ces femmes ont marché sur la terre biblique :
Et, plus tard, Phidias les fit étinceler
Blanches sur les frontons de marbre pentélique.
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La Berge.
Malgré le froid, le ciel est en fête, et l’azur,
Pâle encore, adoucit la lumière adorable;
Penché sur l’horizon, le soleil favorable
Se répand et ne laisse aucun détail obscur
La colline, montrant au loin sur un fond pur
Le profil dépouillé d’un saule ou d’un érable,
Abrite des maisons blanches, et sur le sable
De la grève un vieux banc se chauffe près d’un mur.
Le jour clair, les coteaux courant comme des ondes,
Et les blanches maisons, et les tonnelles rondes,
Se fondent en accords comme dans un concert:
Un concert où, tenant le devant de la scène,
Entre les joncs fredonne à petit bruit la Seine
Un de ces airs légers que l’on chante au dessert.