Dedans, c'est un vieux palais oriental avec des bassins où nagent des poissons indolents et un jardin : « Un jardin tellement grand, un jardin sans fin. Un jardin sauvage qui avait été habité par des princes et des princesses. Des vrais, pas ceux des histoires inventées. »
Dehors, c'est la ville furieuse, la ville où « tous les bruits étaient engloutis par les coups de feu, les explosions de bombes et les cris. »
Dedans deux enfants terrifiés.
Dehors, une révolution menée au nom de Dieu par des barbus vociférants.
Entre ces deux mondes, un mur infranchissable...
Jusqu'au jour où…
Sur fond de révolution iranienne, une petite BD sans prétention, qui vaut d'abord par l'extrême beauté de ses images et par la qualité de la mise en page et du papier.
Une évocation douce-amère de l'enfance confrontée à la violence indéchiffrable des adultes.
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Le format est grand, comme un livre d'images, sage et beau, avec un graphisme aux traits épais, des grandes illustrations où le noir est posé comme en linogravure, épais et intense, avec du grain comme par un procédé d'encrage artisanal, on sent le grain du papier, la matière douce des couleurs, on sent la feuille se décoller du support, bois ou lino, avec le bruit de l'encre qui se décolle, faisant apparaître l'image sur la feuille qu'on retourne délicatement, parfois le trait est grossier, et parfois plus fin, souvent pour les éléments décoratifs, les ornements des portes tout droit sorties des Contes des mille et une nuits, c'est le jardin de l'ambassade d'Italie à Téhéran, luxuriant Eden, le dedans pour la fille de l'ambassadeur, et les informations de l'extérieur apparaissent parfois, au compte goutte, la gamme de couleurs se restreint, les verts omniprésent du dedans disparaissent laissant des pages rouges et noires agressives et dures. Il n'y a presque pas de phylactères, une voix off nous suit tout au long du récit, celle d'une petite fille qui ne comprend pas toutes les règles, l'effervescence et la violence du dehors.
Elle nous raconte ce qu'elle vit dans cette ville, cela se passe juste après la crise des otages, un Iran inquiétant, c'est le dehors, et il y a ce petit garçon qui s'amuse à franchir le mur, c'est trop facile, faut-il s'en inquiéter ?
L'histoire est courte, vite lue, peu de pages, un bref échange entre enfants dans ce monde d'adultes qui semble irréel, une belle histoire perdue derrière un mur, protecteur et faillible, injuste et inacceptable, mais qui laisse un parfum d'espoir, léger et pourtant très puissant par sa poésie, sa beauté
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Dedans, c'est une villa avec un jardin sans fin et sauvage qui avait été habité par des vrais princes et princesses. Des vrais, pas ceux des histoires inventées.
Dehors, ce n'est pas les oiseaux que l'on entend, mais le bruit des bombes et des cris.
En novembre 1980, le père de Chiara est nommé ambassadeur d'Italie à Téhéran.
Prix des Sorcières 2018 bien mérité. Dessins et couleurs de style persan qui accompagnent bien ce texte tout en finesse et intelligence.
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La beauté de ces illustrations, volontiers ornées d'arabesques à la mode persane, offre un support majestueux au message de paix envers et contre tout. J'ai beaucoup aimé.
Lire la critique sur le site : Ricochet
La ville était devenue noire. Les femmes et les hommes aussi. Les gens faisaient la queue pour avoir à manger. Partout il y avait des soldats aux grosses bottes et aux grandes barbes, ils portaient des fusils en bandoulière. La ville-monstre nous faisait très peur.
Nos ennemis très méchants portaient des barbes et des turbans. Ils haïssaient la musique : on chantait. Ils haïssaient la danse : on dansait. Ils avaient peur de la beauté : on ramassait des fleurs pour décorer nos cheveux.
« Pourquoi les hommes se font-ils la guerre ? » je lui demandais. « Parfois les hommes deviennent fous, de rage, de haine, ils perdent les mots, ils choisissent les armes. La vérité est que je ne sais pas répondre à ta question », disait maman.
« Quand j’ai un doute, je serre le petit chat au fond de ma poche. Je pense à lui et je trouve le courage de franchir les murs. Il y en a plein, des murs, partout, c’est juste comme ça, la vie. Il y a des dedans où l’on est bien et des dehors qui font peur, il y a des murs et il y a des chats, courageux comme toi, lui et moi, qui sautent d’un côté à l’autre. »
Les oiseaux s’arrêtaient sur leurs branches pour se reposer et donner des conférences.
Avec Hervé le Tellier, Chiara Mezzalama, Martin Rueff et des lectures par Emmanuel Noblet.
Pour la première fois, nous avons décidé d'étendre l'exercice du grand entretien façon Oh les beaux jours ! à une figure de la littérature aujourd'hui disparue, l'immense écrivain italien Italo Calvino (1923-1985), dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance. Né à Cuba, Calvino grandit dans une Italie fasciste et intègre les brigades Garibaldi en 1943. Cette expérience de résistance au nazisme sera présente dans son premier roman, le Sentier des nids d'araignée.
Intellectuel engagé, auteur d'une oeuvre prolifique traduite dans le monde entier, qui emprunta tout d'abord au néoréalisme avant de se tourner vers le récit fantastique et le conte philosophique, Italo Calvino était aussi passionné par les sciences. Compagnon de route de nombreux écrivains – Queneau, Perec, Barthes… – il s'installe à Paris en 1967 et devient membre de l'Oulipo en 1973. Il puise alors dans ce courant littéraire prônant la littérature sous contrainte une créativité multiforme, qui donnera naissance à Si par une nuit d'hiver un voyageur. Pour évoquer ce compagnonnage, il était donc naturel de convier un Oulipien, de surcroît fin connaisseur de son oeuvre, Hervé le Tellier, qui se livrera à un exercice d'admiration en règle. Sur le plateau également, Martin Rueff, à qui l'on doit l'excellente retraduction en français de plusieurs romans de Calvino, dont sa célèbre trilogie, Nos ancêtres, et l'écrivaine Chiara Mezzaluma, qui apportera un regard italien sur cette oeuvre majeure traduite dans le monde entier.
Animée par Fabio Gambaro (journaliste et lui-même auteur d'un livre sur Calvino), en compagnie d'auteurs passionnés, cette rencontre vous fera entrer dans l'univers d'un écrivain hors du commun, entre réalisme et fantaisie, humour et philosophie, à travers la projection et l'écoute de documents d'archives. Un voyage dans les mondes imaginaires de l'auteur de Monsieur Palomar et des Villes invisibles, dont des extraits seront lus sur scène par le comédien Emmanuel Noblet.
Une table ronde animée par Fabio Gambaro et enregistrée en public le 27 mai 2023 au Mucem, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
À lire (bibliographie sélective) :
— Italo Calvino, « Les Villes invisibles », traduit de l'italien par Martin Rueff, coll. « du monde entier », Gallimard, 2019.
— Italo Calvino, « Nos ancêtres », traduit de l'italien par Martin Rueff, coll. « du monde entier », Gallimard, 2018.
— Italo Calvino, « Si par une nuit d'hiver un voyageur », traduit de l'italien par Martin Rueff, Folio/Gallimard, 2015.
— Hervé le Tellier, « L'Anomalie », Gallimard, 2020 (prix Goncourt 2020).
— Chiara Mezzalama, « Après la pluie », traduit de l'italien par Léa Drouet, Mercure de France, 2022.
En coréalisation avec le Mucem et en partenariat avec l'Institut culturel italien de Marseille.
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2023
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