Ce tome fait suite à The shape of things to come (épisodes 6, 7, et 9 à 11) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il contient les épisodes 12 à 14, 16 et 17, initialement parus en 2014, tous coécrits par
Mike Mignola et
Scott Allie, tous mis en couleurs par Dave Stewart.
Max Fiumara a dessiné et encré les épisodes 12 à 14.
Sebastián Fiumara a dessiné et encré les épisodes 16 et 17.
Quelque part dans la banlieue de Gallup (ville du Nouveau Mexique), un jeune homme fait le guet sur le toit d'une maison penchée, montant la garde, prêt à tirer sur le premier monstre apparaissant. À l'intérieur, Grace (une jeune femme ayant perdu ses enfants lors de la catastrophe ayant détruit la ville), est menottée aux barreaux du lit. Lorsque Abe Sapien passe à portée de vue, le jeune homme lui tire dessus, croyant voir en lui l'incarnation du serpent biblique.
Dans les histoires suivantes, Abe Sapien a pris à sa charge Grace. Ils continuent leur périple à pied. Dans un premier temps, ils croisent le chemin d'un couple, avec leur bambin dans un landau, infecté par des spores. Puis ils rencontrent une vieille femme, avec d'étranges capacités surnaturelles. Enfin, ils arrivent à Rosario au Texas, la ville où Abe Sapien s'était fait tirer dessus une première fois. Ils découvrent une étrange communauté, lui vouant un culte.
Tome après tome, Mignola et Allie montrent Abe Sapien, cherchant un sens à ses mutations, une place dans le nouvelle ordre des choses, sans arriver à concilier sa façon de se percevoir avec son apparence de plus en plus étrangère à l'humanité. Cette découverte de soi se poursuit au travers de ces 5 épisodes.
Le premier épisode se place un peu à part des 4 autres. Pour commencer, le lecteur constate que les auteurs ont adopté une forme narrative particulière. La partie majeure partie des pages comprend 3 cases de la largeur de la page, disposées l'une au-dessus de l'autre. Il n'y a aucun dialogue, tout est écrit par un narrateur, tout à tour omniscient, ou exposant l'état d'esprit et les pensées du jeune homme. Malgré des variations d'usage très importantes d'aplats de noir d'une case à l'autre, cette forme de narration fonctionne assez bien, et apporte une représentation inattendue d'Abe Sapien, renforçant son caractère étranger à l'humanité. 4 étoiles.
Par la suite, le lecteur a donc la surprise de voir que les auteurs ont décidé de doter Abe Sapien, d'un compagnon de voyage, Grace, une femme ayant vécu plusieurs traumatismes lors du bouleversement de l'ordre mondial (l'apparition des monstres). Au début cette présence semble un ajout artificiel (issu de l'épisode 12). Puis petit à petit, le lecteur s'habitue à sa présence, à l'instar d'Abe Sapien. Leurs interactions commencent par être maladroites, comme entre individus perturbés, ne se connaissant pas. Peu à peu Grace reprend confiance et montre à Abe Sapien une facette de la réalité qu'il ne veut pas voir. Elle s'énerve face à ses motivations égoïstes, contre son introspection déconnectée des drames humains autour de lui. Les dialogues de
Scott Allie manquent toujours de grâce, mais ils sont assez naturels pour que la personnalité et les émotions des individus soient perceptibles.
De séquence en séquence, le lecteur fait face à la situation intenable d'Abe Sapien du fait de sa morphologie. Les 2 frères Fiumara accentuent cet aspect, avec une morphologie de plus en plus allongée, de plus en plus profilée, de plus en plus différente de celle d'un être humain, tout en restant anthropomorphe. Cette capacité à donner une apparence différente donne plus de force aux réactions des humains normaux, quand ils aperçoivent Abe Sapien.
Au travers de ces 5 épisodes, le lecteur constate que les 2 frères réalisent des dessins dont l'apparence se rapproche.
Sebastián Fiumara insiste un peu plus sur les noirs et les traits gras. L'un comme l'autre, ils dessinent les personnages de manière réaliste, sans exagérer leur morphologie. À ce titre, le lecteur fait connaissance avec de nouveaux personnages visuellement marquant, qu'il s'agisse de Grace ou de Dayana, ou encore de Stazz & Callas (2 agents humains du BPRP). Il retrouve avec le même plaisir Tuck et Elliot, 2 jeunes rencontrés près du lac dans un tome précédent.
Qu'il s'agisse de Max ou de
Sebastián Fiumara, chaque séquence dispose d'un environnement campé avec un niveau de détails suffisant, même s'il peut disparaître au cours d'un dialogue un peu plus long, ou d'une séquence d'affrontement physique. Comme d'habitude dans les séries dérivées d'Hellboy, Mignola impose aux artistes que les monstres disposent d'une personnalité graphique affirmée. Les 2 Fiumara respectent cette particularité du cahier des charges, et s'impliquent pour lesdits monstres ne soient pas génériques.
Pour ce cinquième tome consacré à Abe Sapien, le lecteur est partagé entre des dialogues qui restent un peu fonctionnels, ayant du mal à générer de l'empathie chez le lecteur, et le cheminement très personnel d'Abe Sapien. Les dessins le plongent dans un monde sombre (encore plus lors de l'épisode pendant lequel le soleil est masqué), marqué par les catastrophes engendrées par le réveil des monstres. le lecteur constate par lui-même qu'Abe Sapien devient de plus en plus étranger à l'humanité, ce qui le rapproche des monstres. Ce glissement se fait progressivement, inexorablement, sans que le personnage perde sa capacité à émouvoir le lecteur.