Hellboy: House of the Living Dead

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome parue en 2011, contenant 49 pages de BD. le scénario a été écrit par Mike Mignola, les illustrations sont de Richard Corben et la mise en couleurs a été effectuée par Dave Stewart.

Dans le recueil d'histoires The Bride of Hell and Others, se trouve une histoire appelée "Hellboy in Mexico", se déroulant en 1956 et relatant comment il s'est associé avec une équipe de catcheurs mexicains pour lutter contre des créatures surnaturelles. Or le séjour d'Hellboy au Mexique a duré près de 5 mois cette année là et il n'a pas tout raconté à Abe Sapien. Après le sort funeste d'Esteban, Hellboy désabusé et déprimé est retourné à la vie de catcheur mexicain sur les rings de Mexico. Entre 2 combats, il fêtait tristement la dive bouteille en solitaire. Un soir Hellboy est interrompu au début de sa première bouteille par un inconnu qui vient lui faire une étrange proposition. L'inconnu explique qu'il sert d'intermédiaire pour un mystérieux commanditaire qui souhaite qu'Hellboy se batte contre son champion. du fait d'un immonde chantage mettant en jeu la vie d'une certaine Sonia Montejo, Hellboy n'a d'autre choix que d'accepter de relever le défi. Il se retrouve dans une vieille demeure devant le champion et le commanditaire.

La courte dédicace de Mike Mignola en début de volume indique l'intention de l'auteur qui remercie Boris Karloff, Glenn Strange, John Carradine et Lon Chaney junior. Mignola donne donc dans l'hommage, pour une histoire dérivative des modèles que sont les films de monstres de studios Universal. Il a décidé de poursuivre le thème développé dans "Hellboy in Mexico" : Hellboy est en proie à une forte mélancolie et il combat les monstres plus par habitude que par conviction. Cette forme de vague à l'âme imprègne l'atmosphère du récit pour le rendre moins agréable que celle découlant de l'attitude sarcastique et moqueuse habituelle d'Hellboy. Mike Mignola insère un ou deux trop rares moments d'humour (mais très réussi en ce qui concerne la fin du vampire).

Le récit en lui-même suit la trame habituelle des histoires courtes d'Hellboy avec combat de monstres, savant fou, bossu, destruction en pagaille et dérision des victoires pas toujours significatives. Il est probable que vous retirerez un plus grand plaisir de lecture si vous avez vu les films des acteurs à qui cet ouvrage est dédicacé. le récit s'achève de manière claire et apporte une clôture à cette aventure. La morale délivrée à la fin semble bien fade et peu convaincante.

À nouveau, Mike Mignola a collaboré avec Richard Corben, illustrateur underground de légendes des années 1970. Il a un vrai don pour les textures et un sens du grotesque qui fait mouche, avec une sensibilité convaincante pour les éléments horrifiques. Dans la scène d'ouverture par exemple, Corben sait trouver la bonne composition et le bon dosage d'encrage pour créer une statue de la Vierge abîmée par le temps, avec derrière elle un mur recouverts de vieille coupure de journaux. le dessin rend parfaitement l'usure du temps. Corben maîtrise parfaitement l'apparence d'Hellboy (pourtant créé spécifiquement pour le style graphique de Mignola) et respecte sa morphologie tout en la représentant avec son style propre.

Le sens du grotesque de Corben se révèle dans l'apparence du monstre dérivé de celui de Frankenstein. Il s'agit pourtant d'une gageure parce que des interprétations de ce monstre, ce n'est pas ce qui manque dans les comics. Et pourtant, contre toute attente, Corben propose une interprétation différente aussi saisissante que malsaine. Son inhumanité ressort aussi bien que le tragique de son existence.

Richard Corben est un maître pour faire naître le malaise et un sentiment diffus d'horreur uniquement avec des personnages humains ordinaires. À ce titre la séquence de 2 pages dans laquelle l'inconnu vient faire la proposition à Hellboy est incroyable. Corben joue avec la texture du mur en arrière plan, avec les aplats de noir et avec les expressions de ce monsieur en costume avec une cravate, et les cheveux coiffés en arrière. Sur son visage, le lecteur peut déchiffrer une forme de résignation, d'appréhension, d'inquiétude diffuse, de détermination, et de malaise sous-jacent. Les mimiques du savant fou ne sont pas outrées ou grandiloquentes. Corben joue à la fois sur une bonhommie factice et sur la conviction de l'homme de sciences obsédé par ses certitudes et sa supériorité intellectuelle. Et il y a cette scène avec le vampire, remarquable d'économie et de lisibilité qui possède une intensité comique irrésistible.

Il est compréhensible que ce projet ait été spécial pour Mike Mignola et qu'il ait voulu un format différent des autres aventures d'Hellboy. Il s'agit d'une aventure très classique pour ce personnage sur la base d'un hommage à un type de films d'horreurs des années 1930 et 1940. Ce récit un peu convenu et sans grande conséquence permet à Richard Corben de mettre en avant ses atouts graphiques peu communs (sauf la nudité qui n'a toujours pas le de place dans le monde d'Hellboy) pour tirer le récit dans un monde étrange et fantasmagorique, incroyablement savoureux par sa touche discrète d'autodérision, derrière des apparences très premier degré.