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EAN : 9782073034625
Gallimard (30/11/2023)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Le concept de "tolérance naturelle" s'oppose et complète celui de "sélection naturelle "qui domine la biologie et notre vision du monde. Lié à une Critique du darwinisme et du capitalisme, il énonce que la sélection naturelle est censée fonctionner selon les lois du marché : survie du plus fort, maximisation des profits, compétition de tous contre tous et que "faire du surplace" est une recette de mort.
Daniel Milo nous montre qu'il n'en est rien. La nature,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je conseille vivement la lecture de ce livre qui a profondément bouleversé ma compréhension de la théorie de l'évolution. Daniel Milo insiste sur le fait que le darwinisme, ce sont deux théories en une : d'une part, l'évolution des espèces dont on sait aujourd'hui qu'elle se fait essentiellement par la transmission des caractères hérités ; d'autre part, « la sélection naturelle », expression que Darwin aurait finalement rejetée au profit de « la survie du plus apte ». Or, si l'auteur adhère pleinement à la première théorie, il cherche à invalider la seconde. Son argument est que l'évolution des espèces ne relève pas de la survie du plus apte mais de l'élimination des espèces inaptes. La différence est majeure car, entre les deux, un espace très important est laissé à « la survie des médiocres », ces espèces que Milo qualifie de good enough.
Les deux-tiers du livre sont consacrés à la critique de l'hypothèse de survie du plus apte dans la nature. Les arguments apportés par Milo sont nombreux et généralement convaincants : l'espèce girafe survit malgré une évolution qui semble avoir dégradé son potentiel adaptatif plutôt que de l'avoir amélioré ; l'archipel des Galapagos ne constitue en rien un laboratoire naturel de la sélection naturelle ; les homininiens (de l'australopithèque à homo sapiens) ont flirté avec l'extinction durant des millions d'années et n'ont manifesté un réel avantage adaptatif qu'il y a 60.000 ans.
Finalement, la survie du plus apte n'est le propre que de la « sélection artificielle » que l'humain met à l'oeuvre lorsqu'il tente de domestiquer la nature : malheur à l'espèce de blé qui ne satisfait pas les objectifs de rendement attendus, elle est rapidement remplacée par une espèce plus productive. À l'inverse, la nature est généralement bonne fille puisqu'elle tolère un grand nombre de mutations neutres du point de vue adaptatif. Mieux encore, la nature tolère un grand nombre de mutations qui réduisent l' « aptitude » de la plupart des espèces, ce que Daniel Milo appelle la tropéité : la girafe est trop grande, notre cerveau est trop gros, les plumes du paon sont trop longues, etc. Et lorsque cette tropéité implique la « sélection sexuelle », l'auteur rebondit sur l'idée que la nature y est indifférente.
N'étant pas spécialiste de ces questions, je suis incapable d'évaluer l'originalité des propositions de Daniel Milo. Celui-ci affirme que, si le discours des biologistes reste majoritairement basé sur l'hypothèse de la sélection naturelle, ils sont de plus en plus nombreux à considérer la survie du plus apte comme l'exception tandis que la survie des médiocres constitue la règle. Par ailleurs, il me semble que son argumentaire est très proche de la « théorie neutraliste de l'évolution » ou de la dérive génétique (qu'il laisse de côté car le grand public ne se l'est pas encore approprié).
Dans le troisième tiers du livre, Daniel Milo explore les deux principales raisons pour lesquelles homo sapiens a sans-doute définitivement gagné la bataille de l'évolution. La première est l'invention du futur qui suscite l'ailleurisme (le désir de migrer). La seconde est l' « humanité providence » qui explique qu'il y ait moins de sélection contre l'excès dans nos sociétés que dans la nature. Les causes en sont l'inversion des fins et des moyens, la spécialisation, la délégation, le chômage neuronal, l'industrie du « moi » et l'infantilisme. À titre d'exemple, les comportements de certains animaux dans le cadre de la sélection sexuelle (parades nuptiales, traits exagérés) ont évolué chez l'humain vers la compétition, la recherche de l'excellence et de l'exagération mais qu'il s'agit de moyens sans fins puisque la réussite et l'exploit ne sont plus les conditions de la reproduction sexuelle. Autre exemple, alors que nos neurones se sont à l'origine développés pour permettre à chaque individu d'assurer sa propre autonomie et celle de ses proches, ils sont depuis longtemps en grande partie au chômage du fait de la spécialisation des tâches et de la délégation, d'où l'ennui pascalien et la nécessité du divertissement pour se créer (individuellement et socialement) des problèmes à résoudre, des contraintes, des sources de stress… et des inventions/innovations dont la plupart aggravent notre tropéité.
Soulignons encore que le dernier chapitre ne critique ni le darwinisme social (ç'aurait pu être le cas, d'autant qu'Herbert Spencer, père du darwinisme social, est sans doute à l'origine de l'expression « survie du plus apte ») ni le capitalisme (contrairement à ce que le sous-titre de la version française du livre laisse entendre). Non, ce sur quoi Daniel Milo insiste, c'est sur le fait que les valeurs de nos sociétés contemporaines (la réussite, l'excellence…) trouvent en partie leur justification dans l'interprétation qui est faite de la théorie de l'évolution : si la nature favorise la survie du plus apte, il n'y a aucun mal à ce qu'il en soit de même de la société ! Or, on l'aura compris, pour Daniel Milo, cette interprétation est erronée : la nature est indifférente à la survie des médiocres… et il vaudrait mieux que nous nous en inspirions pour lutter contre nos multiples excès qui détruisent la planète.
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critiques presse (5)
LaTribuneDeGeneve
10 avril 2024
Le philosophe Daniel S. Milo publie un essai qui s?en prend au naturaliste et nous invite à regarder la médiocrité d?un autre ?il. Déconcertant et brillant.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Bibliobs
03 avril 2024
Contrairement à la vulgate darwinienne, le monde naturel tolère l’inutile, le moyen et le mal fichu. Pendant quinze ans, Daniel S. Milo a épluché la littérature scientifique et en a tiré cette thèse iconoclaste.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
21 février 2024
Derrière son titre provocant, La Survie des médiocres est un grand livre parce qu’il déconstruit un mode de pensée qui est devenu souvent spontané : la fusion du capitalisme avec la théorie darwinienne de l’évolution et surtout de la sélection naturelle. Une fusion qui tend à faire accroire que les privilèges des gagnants correspondent à l’ordre même des choses.
Lire la critique sur le site : LeMonde
OuestFrance
20 février 2024
Le philosophe franco-israélien Daniel Milo dénonce le mythe capitaliste de la « lutte pour la vie » issu de Darwin et lui oppose l’adaptation « neutre » de la nature réelle – ce qu’il appelle le « good enough », le « suffisamment bon ».
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LeMonde
05 février 2024
Dans un essai stimulant, le philosophe se livre à une réjouissante critique du « darwinisme social » et de son influence sur le néolibéralisme.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
la glande du sens

Peu de choses nous sont plus insupportables que l’absence de signification. Nous soupçonnons celui qui se déclare désintéressé de cacher son jeu, et considérons le juste milieu comme un moyen de ne pas se mouiller. On nous lave le cerveau en nous rabâchant que n’avoir pas d’opinion est une lâcheté, et que ne rien vouloir revient à mourir de son vivant. Jésus-Christ exprime bien l’anathème jeté sur le ni… ni… : « Parce que tu es tiède, ni froid, ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. » (Apocalypse, 3,16).

Accepter vraiment l’absence de sens est surhumain, parce que nous portons dans le crâne un organe allergique au hasard et à l’inutilité. La nature abhorre le vide, et le cerveau humain a horreur du n’importe quoi. Il lira entre les lignes, il manipulera les données, il se racontera des histoires à dormir debout, il fera tout et son contraire pour que fonction jaillisse.

« Il y a quelque chose dans le hasard — écrit le philosophe russe Alexandre Herzen (1812-1870) —, qui répugne à un esprit libre. Il trouve si offensant de reconnaître sa force irrationnelle, il s’efforce tellement de la surmonter, que, ne trouvant aucune échappatoire, il préfère s’inventer un destin menaçant et s’y soumettre. » Herzen a raison, il y va de notre dignité. Lorsque le parano est amoureux, il lit l’indifférence de sa bien-aimée comme un symptôme d’hostilité : « Elle m’a ignoré toute la soirée, donc elle me déteste. » Lorsque le mégalo est amoureux, il interprète l’indifférence comme une preuve d’affection : « Elle m’a ignoré toute la soirée, donc elle m’aime. » La palette de la paranoïa va du noir — « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (Matthieu, 12,30) — au rose — « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous » (Luc, 9,50). Suivant la logique du Christ, les Chinois et les Bantous du ier siècle avaient été pour lui parce que, ignorant son existence, ils n’avaient pas été contre lui… C’est là que paranoïa et délire des grandeurs font un.

L’aversion à la neutralité est inscrite dans la langue. De nombreux synonymes du mot « neutre » sont accompagnés de préfixes négatifs non-, dé-, im-, in-, a-. Exemples : non-aligné, désintéressé, détaché, impartial, insouciant, asexué… Tout se passe comme si être aligné, intéressé, attaché, souciant ou sexué allait de soi, alors que le manque d’alignement, d’attachement, d’intérêt poserait problème. La linguistique qualifie le mot « neutre » de marqué, c’est-à-dire que le sens existe par défaut, et « non neutre » de non marqué, c’est-à-dire extra-ordinaire ou peu commun.

Mais la langue a tort : dans la vie, la vraie, c’est l’indifférence qui est la norme et son inverse l’exception. En doutez-vous ? Combien de nouvelles que vous apprenez à la télé vous intéressent-elles vraiment, et combien vous laissent de marbre ? Combien de coïncidences, dont vous vous délectez, ont une quelconque signification, et combien sont le fruit du plus pur des hasards ? De même, dans l’histoire de la nature, c’est l’évolution qui est l’exception et la stase qui est la règle, et sur mille good enough il y a un seul fittest. Pourtant c’est l’anomalie qui nous attire, c’est le rare qui nous reste gravé en mémoire. Notre cerveau a une prédilection marquée pour le sensationnel. Ce biais explique, on s’en souvient, l’élection de la girafe comme icône de la théorie de l’évolution.
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[Démarche de recherche]

Je me suis résigné à abandonner les icônes, non pas parce que je ne croyais pas à leur valeur scientifique (valeur scientifique, ou valeur dans un raisonnement scientifique ?), mais parce que les biologistes, mes nouveaux interlocuteurs, n’allaient pas les accepter telles. À juste titre de leur point de vue, la science ne reconnaissant que les résultats expérimentaux et les observations. Je suis donc parti à la recherche de données que la sélection naturelle ne pouvait expliquer sans les tirer par les cheveux. Pour ce faire, j’ai emprunté la piste du trop et de l’excès. Pour rappel, ce sont les jambes excessivement longues de la girafe qui ont éveillé mon doute sur la sélection naturelle.

Je me suis alors plongé dans la littérature professionnelle, un univers qui m’avait été étranger pendant plus de cinquante ans, pour ne pas dire hostile. Les trois premières années de ma recherche ont été consacrées à la collecte de traits biologiques qui me semblaient inutiles, et de traits qui me paraissaient exagérés. En est sortie une présentation, « Accounting for toomuchness », qui m’a servi de carte de visite partout où j’allais prêcher la mauvaise nouvelle. Les biologistes m’ont écouté, m’ont pris au sérieux, et ont même admis qu’ils rencontraient partout des phénomènes analogues à ceux dont je parlais. Sean B. Carroll, mon hôte à Madison (Wisconsin), a eu le cran d’avouer que ses tiroirs en débordaient. « Mais pourquoi n’en trouve-t-on pas trace dans tes écrits ? », me suis-je exclamé. Lui et moi en connaissions la cause : l’excès n’est pas publiable, justement parce qu’il est irréconciliable avec le paradigme sélectionniste. Sean et moi avions un instant caressé l’idée de fonder une revue qui publierait des résultats qui ne sont même pas soumis aux comités de lecture pour cette raison précisément. Le titre Mayhem (« Pagaille ») est tout ce qui est resté de cette initiative.

J’ai rencontré ce déjà-vu partout où j’ai présenté la tropéité dans la nature. Mes interlocuteurs ont confirmé que l’existence, non, la prévalence de l’excès est un des non-dits de la corporation. L’accord tacite, c’est bien, mais pour intégrer la littérature, il n’y a que deux chemins : des résultats de première main, c’est-à-dire acquis en laboratoire ; ou des résultats et données publiés par d’autres. Malheureusement, je suis arrivé trop tard pour l’expérimentation, de plus je ne suis pas doué pour tout ce qui est technique. Je me suis donc tourné vers les données de seconde main. Ce voyage en gaspillage m’a permis d’établir une énorme collection unique d’inutilités, exagérations, inefficacités et autres non-sens dans la nature. Unique, parce que personne ne semble chercher à m’imiter ou à me concurrencer…
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Video de Daniel Milo (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Daniel Milo
Darwin, dont la théorie de la sélection naturelle dans l'évolution est largement reconnue, aurait-il commis une erreur ? Pourquoi existe-t-il encore et depuis des milliers d'années des "anomalies" de la nature ? Et si nous n'étions pas juste faits pour toujours nous améliorer ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Daniel Milo, philosophe et maître de conférence à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris.
Photo de la vignette : Duncan1890 / Getty
#darwin #science #savoir --------------------------------------------- Découvrez tous les invités des Matins dans "France Culture va plus loin" https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins
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