Y aura-t-il encore de l'air dans le Grand Nord ? Une fable climatique endiablée et rusée, aux confins de l'intime et de l'économique.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/02/note-de-lecture-
camp-zero-michelle-min-sterling/
Pas de note de lecture proprement dite pour ce premier roman de
Michelle Min Sterling, publié en avril 2023 et traduit simultanément en France chez Bragelonne par
Claude Mamier, puisqu'il fait l'objet d'un court article de ma part dans le Monde des Livres du jeudi 29 juin (daté vendredi 30 juin 2023), à lire ici. Simplement quelques remarques supplémentaires, donc, plus ou moins en forme de notes de bas de page à l'article suscité proprement dit.
☀️
Michelle Min Sterling utilise un certain nombre de motifs connus du roman d'apocalypse climatique, motifs qui se sont largement répandus dans la science-fiction ces dernières années, longtemps après des précurseurs hautement spéculatifs tels que, naturellement, la « Trilogie climatique » (2004-2007) de
Kim Stanley Robinson. Mais elle prend soin de trafiquer fort habilement les marqueurs les plus évidents de la dégradation irréversible pour y inscrire avec force tout autre chose que ce auquel on s'habitue doucement. Son maniement des insertions économiques et féministes au coeur d'intrigues qui n'en prenaient pas d'abord le chemin, tout particulièrement, donne une tonalité bien spécifique – et fort intrigante – à ce «
Camp Zéro ».
🔭 Un motif particulièrement rare est ici utilisé avec une belle maestria, celui du commando d'élite entièrement féminin, projeté en pleine toundra subpolaire (mais convoquant ainsi au passage l'imagerie presque ancestrale de la station polaire, avec son cortège de possibilités, de spéculations et d'horreurs potentiellement en gestation – qui n'a pas en tête, instinctivement, en pareil cas, le
John Carpenter de « The Thing », par exemple ?). Qu'il ne constitue pas un aboutissement, loin de là, mais au contraire une prémisse particulièrement habile, est tout à l'honneur de l'imagination et du talent de conteuse de
Michelle Min Sterling.
⚙️ Alors qu'il est souvent tentant, chez trop d'autrices et d'auteurs, de manier en matière de fiction climatique contemporaine un manichéisme outré mais de bon aloi,
Michelle Min Sterling, à l'image rusée et subtile d'un
Kim Stanley Robinson (dans la « Trilogie climatique » déjà mentionnée, mais aussi dans «
New York 2140 » et dans « le ministère du futur », qui devrait arriver en français cet automne), se garde bien de cet écueil : les « méchants » ne sont pas toujours celles ou ceux que l'on croit, et vice versa, tandis que les gradients de température d'abjection sont par moments renversés, et que la politique (et sa lutte des classes de moins en moins larvée, logiquement) s'insinue – et ô combien à raison – dans les lieux les plus inattendus.
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