Crossfire croise divers types romanesques. Il est à la fois thriller fantastique, roman policier et roman social. le tout, majoritairement pris d'un point de vue féminin.
D'un côté, on a la jeune Aoki Junko, 25 ans, mignonne, engagée sur la justice. Et détentrice du pouvoir de pyrokinésie dont elle se sert pour réduire en barbecue de dangereux voyous. Ça vous fait penser à la petite
Charlie, de
Stephen King? C'est normal, et le clin d'oeil de l'auteure n'est pas fortuit.
De l'autre côté, il y a Ishizu Chikako, 47 ans, policière, inspectrice au service des incendies criminels. On s'en doute, la combustion des victimes de Junko ne peut que l'intriguer. Esprit rationnel et pragmatique avant tout, elle est loin d'imaginer ce qu'il en est réellement.
Plus que l'intrigue elle-même, c'est le cadre que lui donne Miyabe Miyuki qui m'a le plus plu. La touche fantastique avec la pyrokinésie est une originalité dans sa bibliographie. Mais comme dans
Une carte pour l'enfer, elle dépeint la société nipponne, en particulier les dérives et points inquiétants.
Crossfire se déroule en 1998; le Japon subit depuis l'éclatement de la bulle immobilière de 1990, une crise économique d'importance. Les conséquences se retrouvent dans le roman avec des usines et établissements désaffectés faute d'activités, des mises au chômage au dénouement parfois dramatiques, ... Elle montre aussi une augmentation d'un certain type de délinquance : celle d'adolescents ou de très jeunes adultes pour le plaisir de faire du mal, jusqu'à tuer dans une sorte de "sport killing" des plus terrifiants.
Autre point que l'auteure met en avant est la condition des femmes dans le monde professionnel. A fortiori dans un secteur majoritairement masculin et macho comme la police. Son personnage de Chikako est formidable d'équilibre, prenant avec humour des remarques limites et l'attitude de certains de ses collègues. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette femme de caractère, intelligente et qui ne lâche pas facilement le morceau.
Différente par l'âge et par les actes, Junko est un protagoniste intéressant à suivre dans ses introspections quant à sa croisade vengeresse et à son rapport avec son propre pouvoir. Est-ce elle qui le contrôle ou l'inverse?
Pour le reste, l'intrigue se suit de façon agréable même si quelques points semblent un peu trop gros. Mais les figures féminines (la troisième étant la petite Kaori que je vous laisse découvrir) et le cadre contextuel rachètent allègrement ces petits bémols. Miyabe
Mizuki assure sa place méritée dans le milieu du roman policier japonais, où les femmes auteures brillent sur l'archipel et à l'international.