#Prixdesauteursinconnus2022
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#PAI2022
OUVRAGE SÉLECTIONNÉ DANS LE CADRE DU PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2022 – Catégorie LITTÉRATURE BLANCHE dont je suis l'un des jurés.
À la lecture de l'extrait proposé dans le cadre des présélections, j'avais émis un avis favorable dans le sens où cet extrait me donnait envie de connaître la suite du livre. Pourtant, je n'avais pas aimé sa couverture dont le graphisme me faisait trop penser à un ouvrage pour adolescentes et jeunes femmes en quête de feel-good (ce qui, je dois l'avouer, n'est pas mon genre de prédilection). Pourtant, j'avais été embêtée par le résumé de quatrième de couverture qui, s'il indiquait les thèmes du roman, rendait aussi l'issue du roman par trop prévisible. Raisons pour lesquelles on ne retrouvait pas ce roman dans mes sélections finales. Néanmoins, le retrouvant parmi les finalistes, je me suis pliée à la volonté commune du jury et j'ai lu cet ouvrage dans son intégralité. Et, j'ai bien fait, car il s'avère intéressant.
MES COMMENTAIRES SUR LE FOND
En effet, ce roman de 396 pages publié en autoédition chez LIBRINOVA a le mérite d'aborder, au travers du parcours d'Amandine (34 ans) et de Mathilde (22 ans), des thématiques pas très souvent abordées dans la littérature contemporaine : la différence d'âge dans un couple et le regard de la société sur cette différence d'âge ; la façon dont la nouvelle conjointe (non mariée) doit et peut composer avec l'ex-famille de l'homme aimé et divorcé ; le désir de grossesse inassouvi et, avec lui, la crainte fondée ou infondée, d'être insuffisamment aimée pour aller jusqu'à avoir des enfants et fonder ainsi une nouvelle famille ; les difficultés de communication dans un couple et les erreurs d'interprétation que peuvent générer les non-dits ou l'enfermement dans certaines croyances nées d'une mauvaise interprétation ; la difficulté de survivre à la perte de l'homme aimé et l'impossibilité à gérer, seule et non accompagnée, les différentes étapes du deuil (pertes de repères, isolement, colère, boulimie, anorexie…) ; le déni de grossesse et la difficulté à se projeter dans sa future maternité quand il faut faire face à celle-ci seule (garder ou ne pas garder l'enfant ? s'organiser et avancer ou s'enterrer et stagner dans le refus de vivre ? avoir ou ne pas avoir droit au bonheur au travers de cet enfant à naître ?) ; la souffrance rencontrée par les enfants en cas de perte de l'un de leurs parents et les difficultés relationnelles qui en découlent avec le parent survivant ; le temps nécessaire pour trouver le chemin de sa résilience et parvenir à s'engager sur la voie de la reconstruction.
Car tel est l'objectif du livre. À travers cette fiction,
Typhanie Moiny nous montre que la résilience (Déf. de
B. Cyrulnik : « capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable en dépit du stress ou d'une adversité qui comporte normalement le risque grave d'une issue négative ») est au bout du chemin dès lors que l'on accepte de faire confiance au miracle de la vie.
MES COMMENTAIRES SUR LA FORME
J'ai été gênée dans ma lecture par la table des matières avec ses titres soulignés (ce qui alourdit la lecture) d'autant qu'ils ne renvoient pas à une pagination ; par l'alternance de titres de chapitres avec des dates et avec des mots, même si j'ai compris par la suite qu'il s'agissait d'alterner le propos entre l'évocation du passé (dates = vie avec son amoureux) et l'évocation du présent (mots = vie après la mort de son amoureux) ; par un style d'écriture certes agréable et fluide, mais à mon sens un peu trop simpliste et ronronnant ; par l'effort de concentration nécessaire lorsque la voix du défunt (en italiques) se mélange dans une même phrase ou un même paragraphe avec celle d'Amandine. Et puis, il y a ce choix stylistique de l'auteure d'utiliser à l'envi la syntaxe inversée des verbes du 1er groupe au présent de l'indicatif avec le pronom personnel « je » (ex : « Je ne crois pas, mens-je » ; « Et pourquoi pas ton frère ? l'interrogé-je » ; « Je ne mords pas, tu sais ? commenté-je. »). J'ai, personnellement, trouvé ce choix discutable et fatigant à la longue dès lors qu'il alourdit le sens de la phrase et qu'il impose au lecteur le besoin de relire ce qui vient d'être lu. J'interprète cela comme un « tic d'écriture » qui devrait pouvoir se corriger à l'avenir. J'ai remarqué quelques coquilles d'orthographe, même si globalement elles restent rares (ex : têtes de mule ; événement ; fous rires ; âges à écrire en lettres ; inélégance du mot « sapeuse-pompière » …). J'ai enfin trouvé que le temps mis à raconter cette histoire de deuil était un peu longuet (même si j'ai bien compris que c'était une façon de faire comprendre au lecteur que faire son deuil demandait du temps). Mais aussi que, parfois, l'auteure se perdait dans des détails du quotidien sans réel intérêt. J'ai aussi bien compris que le personnage d'Amandine évoluait dans son ressenti au fur et à mesure de ses mois de grossesse… et donc qu'il fallait laisser du temps au temps… Mais, parfois on décroche !
Si certains aspects du style ont pu me gêner, il est une chose qui est parfaitement bien rendue et maîtrisée, c'est l'expression de l'intériorité des sentiments d'Amandine face à ce qu'elle vit ! Tellement bien rendu qu'on se demande si cette expérience de culpabilité (vis-à-vis d'Olivier et de son ex-famille) et ses expériences de deuil et de maternité difficilement assumée ne sont pas des expériences vécues par l'auteure. J'ai aimé aussi le choix de la citation de
Victor Hugo en ouverture du livre, la description des paysages du Cotentin, ainsi la présence de quelques belles formulations imagées.
J'ai tout particulièrement aimé le personnage de Mathilde (la fille d'Olivier) qui, en quelque sorte, dans son comportement jusqu'au-boutiste et son ressenti exprimé ou non, fait fonction de miroir réfléchissant à Amandine l'obligeant ainsi à sortir de son état de léthargie et de déni. J'ai apprécié les réparties particulièrement incisives entre l'une et l'autre. Ces joutes verbales et comportementales étaient délicieusement bien rendues (dans les répliques, mais aussi dans la description du langage du corps). Mais, si cela a l'air violent, à première vue, c'est que cette violence servant d'exutoire est nécessaire ! Car, en voulant « soigner » l'une, l'autre se soigne également. Et vice-versa.
Enfin, le dernier tiers du livre devient particulièrement intéressant tant on a hâte de savoir si, grâce au temps qui passe, à l'accompagnement de ses proches, de ses amis, mais aussi grâce à Mathilde qui se rapproche d'elle, Amandine ira au bout de sa grossesse et dans quel état d'esprit : malgré ses peurs légitimes (qui, rappelons-le, déjà en temps normal touchent toute femme amenée à donner la vie), saura-t-elle être une mère efficace et aimante alors qu'elle aura tout à gérer seule ? Quant à la fin que je qualifierai de magistrale, je dis bravo à
Typhanie Moiny ! Moi qui m'étais quelque peu ennuyée en chemin, j'ai fini ma lecture en larmes et particulièrement bouleversée !
Donc, un livre que je vous recommande si les thèmes évoqués précédemment font résonner en vous quelque chose de l'ordre de l'intime.
J'ai appris après-coup qu'il s'agissait du troisième ouvrage de l'auteure qui a déjà écrit un autre roman ainsi qu'un recueil de nouvelles.
Pour commander ce livre : https://www.fnac.com/livre-numerique/a17127848/Typhanie-Moiny-
Elle-a-tes-yeux-mon-amour#omnsearchpos=1
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