Père de deux adolescents, Lauri Defoe, 36 ans, est un homme qui souffre, un homme épuisé physiquement, moralement : à la suite d'un accident de la route, son mari, Aurélien, vit depuis plusieurs jours sur un lit d'hôpital, dans le
coma, et ses relations professionnelles avec son supérieur hiérarchique sont plus que tendues.
Un soir où il erre dans les rues de Paris, exténué, incapable de se confronter à un retour au bercail, il trouve refuge dans une sorte d'échafaudage où il est surpris, endormi, puis attrapé par la Police. Dans les brumes de ce mauvais réveil et le brouillard de ses malheurs, il se débat contre ces flics qu'il prend pour des agresseurs et finit au commissariat. L'engrenage de la Justice se met en route et le conduit en Internement psychiatrique. de prime abord, la décision parait brutale, disproportionnée, injuste, le lecteur comme le narrateur sont dans l'incompréhension, Lauri ne se sent pas à sa place au milieu des patients de l'HP. Mais n'est-pas le ressenti d'une bonne partie des résidents de ce type d'établissement ? La très grande majorité du roman est le récit de ce séjour pendant lequel, dans l'attente qu'un juge se décide à le faire sortir de là, Lauri va tenter de s'adapter à cet univers bien particulier et créer des liens avec quelques patients remarquables.
J'ai dévoré «
Coma ». D'abord poussé par la curiosité qui s'est trouvé titillée dès les premières pages : la plume de
Sébastien Monod se montrait d'emblée amoureuse des mots, dans leur choix comme dans les tournures que prenaient les phrases et les événements auxquels se trouvaient confronté un narrateur un peu perdu. Ensuite attiré par une histoire en milieu psychiatrique et une galerie de personnages susceptibles à tout moment de basculer mais rendus particulièrement attachants, grâce, notamment, à des dialogues vivants et à des scènes d'apparence réaliste. Enfin, intrigué par le déroulement d'un récit qui semble vous mener par le bout du nez, un récit dont on s'attend au fil des pages à une chute qui vous fera revoir votre lecture d'un autre oeil : malgré une construction qui peut sembler assez simple,
Sébastien Monod réussit à faire monter une sorte de suspense qui conduit le lecteur à imaginer quelques scénarios possibles sur le dénouement de l'histoire. Par de petits détails, la lecture file tout droit vers une vérité qui ne veut pas se dire, cachée derrière une lucidité de façade : des excès de précisions tenant plus du TOC (dans le comptage des secondes ou des marches), au jeu des synecdoques qui rendent à certains moments quasi fantomatiques les soignants et les salles de l'hôpital, l'ensemble du récit à la première personne parait nous conduire, yeux bandés, au bord d'une falaise dont on ne peut qu'imaginer la chute. Et quand vient la fin… Chut !
C'est un très bon moment de lecture que ce
Coma signé
Sébastien Monod, aux
Editions de la Trémie. La plume est affutée, à la fois, fluide, et riche, elle jongle avec un talent certain avec le sombre et le lumineux, la dureté et la douceur, l'humour et le drame pour finir son numéro par un dénouement dont la surprise est à la hauteur de la tension installée au fil de pages. Il ne reste en refermant le roman qu'un élément fort intriguant et dont on aura jamais la réponse : quelle est donc dans ce roman qui se dit « librement inspiré de faits réels » la part de réalité ?