Après la victoire de Franco en Espagne, des centaines de milliers de réfugiés politiques, hommes, femmes et enfants, militaires ou civils, franchissent la frontière des Pyrénées, dans des conditions épouvantables, espérant être accueillis dignement en France. Ce qui se passe sur le terrain dépasse en ignominie tout ce que l'esprit peut concevoir. Rien n'a été prévu par les autorités françaises pour gérer ce flot humain. Ce qui domine surtout c'est l'inquiétude provoquée par cette "invasion" anarchiste, socialiste et communiste. Dans un premier lieu, il faut préserver la population française de tout contact avec ces rouges révolutionnaires. Cela semble être le souci premier du gouvernement de cette époque.
Les nouveaux arrivants sont parqués dans des camps de fortune, sur les plages ou à l'intérieur des terres. le seul équipement prévu dans ces camps ce sont des miradors et des barbelés. Hommes, femmes, enfants, vieillards, blessés dorment à même le sol, dans des trous sur la plage... Les blessés agonisent sans soin dans un premier temps. Les épidémies se propagent à une vitesse effarante... Oubliés de tous ou presque ces lieux d'internement se nomment : Rivesaltes, Argelès, St Cyprien, le Vernet... Sans oubliés les camps d'internement d'Afrique dont le régime est proche de celui des bagnes militaires.
Le deuxième souci de l'administration française c'est de "trier" : les miliciens et militants considérés comme les plus dangereux d'un côté, les civils d'un autre ; familles éclatées... Les pressions s'intensifient pour que les réfugiés retournent en Espagne alors que l'on sait pertinemment que. de l'autre côté des Pyrénées, le sort qui attend ceux qui acceptent c'est l'emprisonnement ou la mort.
Petit à petit les conditions d'accueil s'améliorent légèrement, mais ce n'est pas pour rien que l'on emploi, dès ce moment, le terme de "camp de concentration".
Plutôt que de raconter une énième fois cet épisode de notre histoire française,
Frederica Montseny a choisi de donner la parole aux personnes concernées. Ce livre est donc une succession de témoignages tous plus poignants les uns que les autres recueillis quelques années après la guerre.
La haine du fascisme sera plus forte encore que la colère contre ces "démocrates" français qui les accueillent comme des parias (sauf quelques exceptions bien sûr ! et l'auteure ne manque pas de le signaler). Dès que les premiers maquis se constituent, les Républicains espagnols répondent massivement "présent" et constituent le noyau de beaucoup de maquis, dans le Massif Central, mais aussi en Savoie ou dans le Vercors. D'autres ont rejoint tout d'abord la Légion étrangère puis l'armée de la France Libre, y compris parmi les libertaires qui rejettent la militarisation et qui devront tracer une croix sur leur idéal. Ces soldats espagnols républicains sont présents sur tous les fronts et la plupart du temps en première ligne. N'oublions pas que les premiers véhicules blindés de la division Leclerc qui pénètrent dans Paris libéré portent les noms de batailles livrées contre les Franquistes !
Ouvrage d'histoire, certes, mais qui trouve sa place dans l'actualité quand on voit les débats qui accompagnent aujourd'hui l'accueil des réfugiés provenant de tous ces pays où la guerre économique et les conflits armés empêchent de nombreux hommes et femmes de vivre librement.
La traduction de cet ouvrage étant l'oeuvre de militants plus que d'intellectuels, on pardonnera sans difficulté les quelques erreurs qui émaillent le récit et n'en compliquent en rien la lecture...
Beau travail des éditions CNT R.P.