Bug O'Shea, dit le grand Bug, ou le Gorille, est un bandit de grand chemin qui a fait courir les autorités américaines. Il vient de décéder à Chicago et c'est le remue-ménage pour rapatrier son corps en Irlande, patrie dont il est originaire. La première partie du roman retrace toute l'effervescence que provoque l'annonce du décès sur la population locale (américaine). Beaucoup lui tirent leur chapeau car même s'il a été recherché, vivait en fuite, le grand Bug termine sa vie comme il l'aurait voulu : chez lui, en Irlande. C'est à bord du dernier Transatlantique que son corps rentre à la maison.
Suite du récit avec une rupture dans l'action : on est en Irlande, non pas à Dublin, ville forte et urbanisée, mais dans les verts pâturages de régions laissées à Mère nature. On suit un personnage, un Yankee dont on ne sait rien si ce n'est qu'il désire trouver demeure là où il pourrait mener une parfaite vie de Robinson. Nous suivons donc sa quête de la demeure idéale, lui arpentant des paysages tous plus sauvages et bucoliques les uns que les autres. Des compagnons de voyage (Cucogri et Lady Glencoe, Irlandais de souche) viennent orienter notre héros vers des maisonnées très reculées et c'est donc de grandes descriptions de paysages bruts de décoffrage, dignes de peintures des origines du monde auxquels nous avons droit.
J'ai trouvé plusieurs intérêts à cette lecture mais le principal a été de poursuivre sur ma lancée après la très bonne lecture d'un
William Trevor qui m'avait incité à aller voir au-delà. J'avais, de plus, envie de me plonger dans ces paysages verdoyants dont je savais que
Morand saurait me parler si bien par l'intermédiaire de son héros. Car en prenant comme porte-parole un Yankee, un frêle touriste plein d'espoirs, c'est un regard tout neuf d'une Irlande bien loin de la civilisation actuelle qui m'était livré.
Bug O'Shea reste au centre de l'histoire avec une évocation du rôle qu'il tenait pour les Irlandais : il faisait figure de héros car, de ses butins, il envoyait une forte somme à ses villages irlandais isolés pour qu'ils gardent leur aspect rupestre. C'est donc grâce à un gangster que ces petits paysages gardaient toute leur féérie, que se dévoilait une Irlande non encore foulée et pleine de mystère. le croisement de deux personnages, l'Américain sans aucune attache et l'Irlandais accueilli comme enfant prodigue, permet de voir qu'un seul pays, l'Irlande, est au centre de nombreux paradis perdus.
Un très beau moment plein de poésie ! Je salue les images invoquées par
Morand et son incroyable aptitude à nous ramener plus de 70 ans en arrière pour nous donner à voir ce que la nature aurait pu persister à être, sans l'intervention de l'homme.