Citations sur L'île d'Arturo. Mémoires d'un adolescent (23)
Une mère était quelqu'un qui aurait attendu à la maison mes retours, en pensant à moi jour et nuit. Elle aurait approuvé tout ce que je disais, loué toutes mes entreprises et vanté la beauté supérieure des bruns, aux cheveux noirs, de taille moyenne et même peut-être au-dessous de la moyenne. p. 80
Jamais, ailleurs que chez moi à Procida, je n’ai connu des silences aussi fantastiques. Il semblait que dehors, il n’y eût plus eu de village avec ses habitants ; mais un grand estuaire désertique sur une mer calme, à une heure où les mouettes et les autres animaux aquatiques ou terrestres se reposent et où il ne passe aucun navire.
Ainsi donc la vie est restée un mystère. Et moi-même, je suis encore, pour moi, le premier mystère !
Je dis peur parce que, alors, j’aurais été incapable de définir mon trouble par un autre mot plus exact. Bien que j’eusse lu des livres et des romans, même d’amour, j’étais resté en réalité un petit garçon à demi barbare ; et peut-être aussi mon coeur profitait-il, à mon insu, de mon immaturité et de mon ignorance pour me défendre contre la vérité ? (…) je découvre que le coeur est aussi bizarre, adroit et fantasque qu’un maître costumier. Pour créer ses masques, il lui suffit même d’une trouvaille de rien parfois, pour travestir les choses, il remplace simplement un mot par un autre… Et la conscience se laisse entraîner dans ce jeu bizarre comme un étranger dans un bal masqué, parmi les fumées du vin. (p. 276)
Chacun de ses gestes, chacun de ses propos avait pour moi un caractère de dramatique fatalité. De fait, il était l’image de la certitude, et tout ce qu’il disait ou faisait était le verdict d’une loi universelle de laquelle je déduisis les premiers commandements de ma vie. C’est en cela que résidait la plus grande séduction de sa compagnie. (p. 35)
Mais il faut reconnaître qu'in n'est pas facile de franchir les dernières frontières de cet affreux âge ingrat sans avoir près de soi quelqu'un à qui se confier : sans un ami, sans un parent ! Alors, pour la première fois de ma vie, je sentis vraiment toute l'amertume d'être seul. p. 426
A certains moments, la joie triomphante de la nature était plus forte que moi et me poussait à d'extraordinaires exaltations. Les fleurs fantastiques des volcans, qui envahissaient le moindre pouce de terrain inculte, semblaient me dévoiler pour la première fois certains motifs délicieux de leur forme et de leurs couleurs, m'invitant à une fête joyeuse et changeante... p. 423
A Procida, lorsque naissait une fille, la famille était mécontente. Et moi, je pensais au destin des filles. Quand elles étaient petites, elles n'étaient pas encore plus laides que les garçons, ni très différentes, mais, pour elles, il n'y avait pas l'espoir de pouvoir devenir, en grandissant, un beau et grand héros. Leur seul espoir était de devenir l'épouse d'un héros : de le servir, de se parer de son nom, d'être sa propriété exclusive que tout le monde respecte; et d'avoir de lui un bel enfant, ressemblant à son père.
Là, non seulement les pauvres mais aussi les riches semblaient éternellement occupés de leurs intérêts ou de leurs gains présents : tous, depuis les petits mendiants qui se battaient pour une pièce de monnaie, pour un croûton de pain ou un petit caillou de couleur, jusqu'aux propriétaires de barques de pêche qui discutaient le prix du poisson comme si c'eût été là la chose la plus importante de leur existence.
incipit
L'une de mes premières fiertés avait été mon prénom. Je n'avais pas été long à savoir ( et ce fut-lui-, il me semble, le premier à m'en informer) qu' Arturo est une étoile : la lumière la plus rapide et la plus radieuse de la constellation du Bouvier, dans le ciel boréal!