L'état poétique, dès qu'on en est conscient, peut se cultiver ailleurs. Par exemple, lorsqu'il fait beau le matin, je sors et, sur le trottoir, j'ai un grand plaisir rien qu'à remuer mes jambes, à marcher sous le soleil de Paris. J'aime, désormais à Montpellier, sortir et me trouver soudain ensoleillé, marcher dans les belles petites rues piétonnes avec toujours des perceptions agréables à l'œil, saluer des voisins ou être salué avec sympathie par des inconnus. Je pense qu'il faut développer en chacun de nous cette capacité d'émerveillement au lieu de l'indifférence au temps, au lieu, à ce que l'on voit, à ce qu'il se passe. Beaucoup de visages nous mettent dans un état poétique, des visages charmants découverts pour la première fois.. Le vol des hirondelles, la beauté féline me touchent particulièrement. Nous pouvons jouir aussi d'une esthétique qui ne vient pas d'un artiste mais de la nature, d'un vol de papillon, nous jouissons beaucoup de la mer, de l'océan, et cette capacité de vivre poétiquement est primordiale : c'est ce qui fait la différence entre vivre et survivre.
Vivre poétiquement, c'est vivre dans la ferveur, dans la communion, dans la fraternité, dans l'exaltation, dans le jeu. C'est-à-dire qu'il y a plusieurs façons de vivre poétiquement, et à chaque fois, cela se manifeste par un état que l'on pourrait appeler état second, à la fois état d'émotion, de plaisir, d'exaltation qui peut mener jusqu'à la transe. Dans une fete, on est toujours près de la transe; dans l'amour, on est près de l'extase, laquelle s'accomplit dans I'union des corps. Ce sont tous ces états-là qui étaient ceux des chamans et des rites archaïques, et qui existent d'une façon plus atténuée et modérée chez nous.
Il faut penser que la dimension poétique de la vie, ainsi que toutes les grandes œuvres d'art, ne sont pas des luxes dont on doit jouir dans des moments de plaisir : ce sont des nécessités humaines, et je dirais cognitives.
Lors de l'édition 2001 des Rendez-vous de l'histoire sur le thème "L'homme et l'environnement", le sociologue et philosophe Edgar Morin dressait un panorama historique de l'apparition de cet "agrégat de détritus cosmiques" qu'est la planète Terre, avant d'examiner son peuplement progressif par l'humanité, "partie intégrante et désintégrante de la biosphère".
Conférence inaugurale de l'édition 2001 des Rendez-vous de l'histoire sur le thème "L'homme et l'environnement, quelle histoire ?".
0:00 Générique
0:33 Conférence
Retrouvez l'épisode sur toutes les plateformes de podcast : https://urlz.fr/qoPB
© Edgar Morin, 2001.
Voix du générique : Michel Hagnerelle (2006), Michaelle Jean (2016), Michelle Perrot (2002)
https://rdv-histoire.com/
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
+ Lire la suite