"On ne me prend jamais, moi !" disait-il de sa voix joyeuse.
Oui, mais s'ils te prennent quand même ? Dis-moi, Milos ? S'ils te prennent ?
- Mais pourquoi avez-vous fait demi-tour ?
- Pour nous battre, expliqua Bartolomeo. Tu sais, je viens de me promener entre les tombes. C'est idiot, mais j'aime ça. Même la nuit. A l'internat, au lieu d'aller chez ma consoleuse ou en ville, il m'arrivait de monter au cimetière. Milos me traitait de fou. Il disait qu'il valait mieux profiter autrement de nos heures de liberté. Mais moi, ça me plaît. Je ne trouve pas ça triste. Au contraire. Ça oblige à penser vraiment à sa propre vie, et à ce qu'on en fait. Et justement, Milena et moi, on est décidé à faire quelque chose de notre vie : on veut lutter contre la Phalange.
... elle chanta avec tous les autres, et ce fut sa façon à elle de revenir une fois pour toutes parmi les vivants.
Cette année-là, l'hiver n'arrivait pas à prendre fin. Mi-mars, il y eut quelques journées qui rassemblèrent à une ébauche de printemps, mais le froid revint. Il neigea de nouveau en abondance. C'était comme si la nature ne parvenait pas à se dégager de sa gangue de glace et de gel. Elle avait beau s'étirer, se mouvoir : elle y retombait toujours, épuisée, frigorifiée et vaincue.
Quand Helen et Milena entrèrent dans le village des consoleuses, une bruine glacée les enveloppait, comme une poussière liquide.