On oublie trop souvent, en incriminant l'esprit de la Renaissance, que deux des plus grands et des plus saints papes du quinzième siècle, Nicolas V et Pie II, sortaient des rangs des humanistes. La mort héroïque du dernier, expirant à Ancône au moment où il se préparait, vieillard infirme, à mettre à la voile pour aller combattre les Turcs, ne proclame-t-elle pas bien haut combien il restait de jeunesse, d'ardeur et de trésors de conviction dans les esprits les plus familiarisés avec les séductions du monde antique !
Le secret de cette domination. Joyeusement acceptée par tant de peuples, n'est ni dans la situation privilégiée de l'Italie sur la Méditerranée, ni dans sa richesse, ni peut-être même dans les qualités natives de la race, mais bien dans une conception plus normale des lois de la nature et du rôle de l'homme, dans un esprit d'initiative et un esprit de méthode supérieurs, dans des aspirations plus élevées, en un mot dans l'ensemble d'idées et d'efforts qui constituent la RENAISSANCE.
Dans l'histoire si mouvementée de la Péninsule italique, le quinzième siècle n'est certes pas l'époque la plus éclatante. Partout l'individualisme, comme l'a si bien démontré Jacques Burckhardt, se substitue aux grands efforts nationaux ou religieux, à la communauté d'aspirations, à l'esprit de discipline dont le moyen âge a le droit de se montrer si fier.
L'expédition de Charles VIII en Italie est, avec la découverte de l'Amérique,
l'événement capital de la seconde moitié du quinzième siècle, le point de départ, pour notre pays, d'une ère nouvelle, et, pour l'Italie, d'un affaissement dont les suites se sont fait sentir jusqu'à nos jours.