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EAN : 9782070771356
240 pages
Gallimard (20/08/2004)
4.25/5   2 notes
Résumé :

En 1985 et 1991, Israël, après être longtemps resté indifférent au sort de cette population, décide d'accueillir des Noirs éthiopiens se réclamant du judaïsme. Organisées parle Mossad et baptisées Moïse et Salomon, ces opérations se révélèrent bien moins messianiques qu'elles n'affectaient de l'être. Elles furent surtout l'occasion pour l'Etat hébreu de restaurer son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Je remercie mon amie Cristine Verlédène (Marmara sur Babelio) d'avoir attiré mon attention sur le présent ouvrage.

Bien avant les Falachas noirs, le nouvel État d'Israël, un an après sa création, a organisé l'opération "Tapis Volant" pour le retour de pratiquement tous les Juifs yéménites (environ 46.000) à la Terre Promise. C'était une opération clandestine, gardée très longtemps secrète. Il y a un bout de temps, j'ai lu les souvenirs d'un des pilotes affectés à cette mission et auteur de plusieurs des 380 vols effectués entre Aden et Lydda en 1949 et 1950. le pilote s'appelle Shlomo Barer mais son "The Magic Carpet" n'a pas été traduit en Français, ce qui est dommage car son témoignage se lit comme un thriller.

Petite anecdote : en 1985, j'ai fait le tour d'Israël comme touriste et la mère de mon guide avait fait partie de cette "Alya" (immigration) ; son père en revanche était d'origine allemande et elle avait appris ma langue à Amsterdam.

Contrairement au caractère secret de l'opération "Magic Carpet", le retour au berceau de quelque 20.000 Juifs noirs vivant en Éthiopie a été annoncé par la presse, à la stupéfaction du monde qui ignorait tout de l'existence des Juifs à la peau carrément noire, appelés Falachas, qui est, en fait, un mot amharique signifiant "exilé". Eux-mêmes se considèrent des "Beta Israel" ou la maison d'Israël. En hébreu aussi désignés comme "Etiopim" d'après l'endroit où ils ont vécu pendant des siècles.

Tout comme peu de gens savent qu'ils y aient aussi des Juifs chinois, qui y seraient arrivé au IXe siècle par la route de la soie. Ils ne sont guère nombreux, à peu près 3.000, établis à Kaifeng, dans la province du Henan, à environ 660 kilomètres au sud de Pékin. Les Falachas, par contre, totalisaient l'an dernier 135.000 têtes.

L'auteur de l'ouvrage, Tidiane N'Diaye, est un anthropologue et économiste franco-sénégalais, né en 1950, spécialiste de la diaspora africaine. Il a publié de nombreuses études et plusieurs livres, dont en 2008, "Le génocide voilé" un essai sur la traite arabo-musulmane qui a décimé la population de l'Afrique noire.

C'est sous le gouvernement de Menahem Begin, en 1977, que l'exode des Juifs d'Éthiopie a vraiment démarré. Il y a eu 2 opérations principales : "Moïse" en 1983-1985 et "Salomon" en 1990-1992. En 2017, presque 100.000 étaient ainsi arrivés dans leur terre promise.

Il est évident que leur arrivée, en un nombre si important, a posé de sérieux problèmes pour les Israéliens d'origine européenne et nord-africaine (Ashkhénazes et Séfarades), mais naturellement surtout des problèmes d'intégration pour les les Falashas. C'était bien sûr beaucoup plus qu'une différence de couleur de peau. Les différences étaient multiples : linguistiques, religieuses, culturelles, ainsi qu'aux niveaux d'éducation et de formation professionnelle.

Tous ces aspects ont été clairement approfondi par Tidiane N'Diaye dans son ouvrage fort complet, mais ne se laissent, justement à cause de leur considérable complexité, point synthétiser dans quelques paragraphes d'une critique sans risques d'erreurs regrettables.

La richesse du sujet rend cet ouvrage passionnant et l'auteur, en fournissant un excellent glossaire tout comme des repères géographiques judicieux, le rend accessible à tout lecteur intéressé.
Le livre compte 231 pages, une introduction, 7 chapitres, des tableaux, des cartes géographiques et 14 pages de photos curieuses des Falachas, leur alphabet et leur calendrier.

Comme j'ai eu l'occasion d' expliquer à mon amie Cristine, en attendant l'arrivée de ce livre de Tidiane N'DIaye, je me suis consolé en regardant la photo de Titi, officiellement Yityish Ayanaw, Miss Israël 2013, une reine de beauté falacha.
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La sacralisation du mythe du sang et de l'origine contre les décisions libres et volontaires

Les transferts de population, l'étrange histoire de « juifs noirs vivant en Afrique », la normalisation religieuse par l'Etat d'Israël d'éthiopien·nes « à la judéité suspecte » en regard à l'hostilité particulière du « judaïsme » au métissage.

Tidiane N'Diaye présente l'historique d'un exode moderne, « le retour d'une tribu juive perdue en terre africaine », les débats autour de ces populations, les conditions de transfert et les réalités sociales d'un accueil très particulier.

Il aborde, entre autres, les « conditions de filiation par le sang », ce qui fait « sens » au regard des autorités religieuses, les cérémonies de « conversion symbolique » appelées « renouveau d'alliance », le décret de reconnaissance comme « Juifs à tous égards » en rupture avec les pratiques antérieurement en vigueur…

L'auteur analyse les politiques de l'Etat éthiopien, les politiques intérieures et extérieures de l'Etat d'Israël (dont le soutien au régime d'apartheid en Afrique du Sud, les crimes de guerre au Liban, les relations ou le désintérêt envers certaines minorités de la diaspora juive, le « problème noir » qui visait « les Juifs originaires du Maroc, du Yémen ou bien de l'Irak », le soutien à l'Ethiopie contre l'indépendance de l'Érythrée, les thèses de l'inégalité des races et ses conséquences racistes). Il souligne aussi la manipulation de l'opinion internationale autour du retour d'une des « tribus perdues »…

Tidiane N'Diaye propose des éléments de la longue histoire de l'Ethiopie, les diverses conversions « comme mesures d'intégration politique », l'échiquier religieux, la place de l'église monophysite. Il poursuit avec des écrits sur les Falachas – en particulier ceux de Joseph Halévy.

Ce qui m'a le plus intéressé est, sans conteste, l'enquête historique, les hypothèses concernant les origines des Falachas, que ce soit dans les textes religieux sans valeur historique, ou dans les traces bureaucratiques des civilisations qui pratiquaient l'écriture. L'auteur explore différentes pistes, en souligne les contradictions, parle d'indices « n'ayant aucune assisse historique solide ». Une histoire longue de populations, de lieux, de « métissages », de communautés, « Une histoire donc noyée dans l'épais brouillard de l'inconnu et du temps », une « étrange alchimie ethnique »…

Je souligne aussi les détails sur les pratiques religieuses, la place du monothéisme, de la circoncision, le respect du Sabbat, les références ou non au Talmud, les refus du messianisme du Christ…

Une place particulière est donnée à l'Egypte, « la communauté juive d'Egypte est l'une des plus vieille diasporas du monde, s'étant disséminée, bien avant les autres, dans beaucoup de pays de la région », à la fois parce qu'il existe des annales et que celles-ci vont à l'encontre des légendes bibliques sur Moïse, le franchissement de la mer rouge et autres contes écrits plus tard pour justifier des dogmes (en complément sur ce sujet, Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman : La bible dévoilée et Les rois sacrés de la Bible, A la recherche de David et Salomon).
Peu de chose sont certaines. Les Falachas forment une communauté extrêmement ancienne, elles et ils « ont fini par pratiquer un judaïsme strict et veiller au respect des prescriptions de pureté rituelle, au repos absolu du Sabbat et aux jeunes et fêtes de leur calendrier, assez proche de celui de toutes les communautés juives ».

Aujourd'hui, en Israël les Falachas se heurtent « à un non-dit, dressé comme une barrière virtuelle mais infranchissable », du fait de la couleur de leur peau. Iels semblent faire partie d'une tribu pas vraiment « casher », d'autant qu'elles et ils vivent « dans une société fondée sur l'identité juive et qui ignore toute forme de pluralité ethnique ». Les uns sont jugés inassimilables, des autres niés dans leur êtres mêmes – les palestinien·nes. Sans oublier la violence de l'extension territoriale sioniste.

Les immigrant·es amènent toujours dans leurs bagages une partie de leur diaspora, certain·es semblent avoir une (des) identité(s) atypique(s), les mêmes ou d'autres sont « sujet de suspicion religieuse, voire « raciale » », la judéité de certain·es est « jugée ethniquement et religieusement suspecte », que veut alors dire le terme démocratie. Soit il s'agit d'un Etat de citoyen·nes égales/égaux, soit il s'agit d'un Etat juif donc d'une forme de théocratie, forcément excluante.

L'adhésion religieuse ne peut qu'être une décision libre et volontaire. On ne nait ni chrétien·e, ni juif/juive, ni musulman·e, etc. Chacun·e peut éventuellement la/le devenir, mais cela ne devrait entrainer ni privilège ni stigmatisation.

Je souligne les passages sur cette « décision libre et volontaire », ainsi que sur la formation des nations – contre l'ethnocentrisme, les conceptions de la nation organique, les refus de l'histoire et des « métissages » des populations.

Certains termes et analyses me semble très discutables : la caractérisation d'hébreu pour l'Etat d'Israël – confortant la fantasmagorie d'un lien entre des populations actuelles et un ancien territoire, une conception trans-historique de la notion de peuple, l'utilisation de la notion de « retour », le concept d'« ethnie » socialement peu défini (l'auteur indique cependant que « les données biologiques n'ont jamais vraiment livré de références de classement crédible »), l'utilisation du terme sémite pour des populations alors qu'il devrait s'appliquer à des langues, l'idée de « crimes passionnels » masquant de réels féminicides, l'idéalisation du sionisme à ses débuts, le sens donné à « l'an prochain à Jérusalem »…

L'étrange histoire des Falachas. « L'investissement anthropologique et historique peine à saisir bien des aspects de leur cultures et des origines de leurs pratiques religieuses, qui restent encore dans la pénombre voire dans l'obscurité complète ».


Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
C'est à cette époque (1985-1991) que fut révélée au monde entier l'étrange histoire de Juifs noirs vivant en Afrique. Après les avoir ignorés pendant des décennies, Israël decidait d'arracher à la famine et à la guette civile qui ravageaient l'Éthiopie plusieurs milliers d'entre eux, pour les rapatrier au nom de la "loi du retour".

(page 11).
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la communauté juive d’Egypte est l’une des plus vieille diasporas du monde, s’étant disséminée, bien avant les autres, dans beaucoup de pays de la région
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L’investissement anthropologique et historique peine à saisir bien des aspects de leur cultures et des origines de leurs pratiques religieuses, qui restent encore dans la pénombre voire dans l’obscurité complète
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Vidéo de Tidiane N'Diaye
"Le voile qui entoure la traite arabo-musulmane est due à une sorte de solidarité religieuse"
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