Si l’on pouvait voir les Images en rêve, c’était précisément parce que l’énergie psychique inconsciente s’était investie en elles – la même énergie qui leur conférait leur puissante emprise sur les consommateurs lorsqu’on les utilisait dans la publicité. Mais une Image ainsi livrée au public ne conservait pas éternellement son pouvoir, l’intérêt conscient des masses la vidant rapidement de son énergie intrinsèque.
Chacun, dans le monde arabe, veut rencontrer Aïda. Mais ce n’est pas possible. Ces gens-là sont entourés de gardes, de policiers, de personnalités, de responsables, d’une kyrielle d’assistants, de secrétaires, de domestiques et de serviteurs. Ils vivent dans des grandes villas, dans des quartiers où on ne laisse entrer que les riches. Des millionnaires, des milliardaires se disputent le privilège de s’asseoir à leur table.
Il s’était rapproché d’elle : il avait parlé à son agent ! Il se rendait bien compte que c’était une sorte d’obsession proche de l’amour, un peu comme ce qu’éprouve un gamin de douze ans qui passe devant la maison d’une fille pour qui il en pince. Le fait qu’un fantasme publicitaire postmoderne puisse engendrer le même sentiment proche de l’onanisme aurait peut-être dû le désillusionner, mais il n’en était rien. Peut-être cette sorte d’amour était-elle ce que pouvait espérer de mieux un homme comme lui, dans une époque pareille : une espèce de Roméo et Juliette sous Prozac et LSD.
Les Arabes ne peuvent plus compter sur la charité des pays étrangers. Ils doivent se débrouiller par eux-mêmes. Où sont les pays du Golfe et leurs milliards, dans cette crise ? Où sont les savants et les ingénieurs palestiniens, les Soudanais avec leurs excédents agricoles ? Je vous le dis, les Arabes n’ont réussi à tirer leur épingle du jeu qu’à un moment de l’histoire : quand toute la nation arabe a été unie sous la bannière de l’Islam.
Les Images, de quelque registre qu’elles soient, ne restaient pas longtemps actives ; elles finissaient par perdre leur potentiel attractif, elles cessaient d’inspirer des fantasmes et de pousser les gens à acheter les produits que leur associaient les publicitaires. Elles étaient vidées de leur noumène par l’exposition à la conscience de masse du public consommateur. C’était leur principe même.