Le perroquet
Aux jours de sa vieille détresse
Elle avait, la pauvre négresse,
Gardé cet oiseau d'allégresse.
Ils habitaient, au coin hideux,
Un de ces réduits hasardeux,
Au faubourg lointain, tous les deux.
Lui, comme jadis à la foire,
Il jacassait les jours de gloire
Perché sur son épaule noire.
La vieille écoutait follement
Croyant que par l'oiseau charmant
Causait l'âme de son amant.
Car le poète chimérique
Avec une verve ironique
A la crédule enfant d'Afrique
Avait conté qu'il s'en irait,
A son trépas, vivre en secret
Chez l'âme de son perroquet...
La poussière s'étend sur tout le mobilier,
Les miroirs de Venise ont défleuri leur charme;
Il y rode comme un très vieux parfum de Parme,
La funèbre douceur d'un sachet familier.
Plus jamais ne résonne à travers le silence
Le chant du piano dans des rythmes berceurs,
Mendelsohn et Mozart, mariant leurs douceurs,
Ne s'entendant qu'en rêve au soir de somnolence.
Émile Nelligan – Prière du soir