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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Ma vie est une vie faite de toutes les vies : les vies du poète. », écrit Pablo Neruda pour présenter ces souvenirs qui s'achèvent quelques jours avant sa mort par un hommage posthume à son ami Salvador Allende, Président du Chili, trahi... assassiné... Que de pages admirables où se dessine la personnalité de Neruda, un homme passionné, attentif, curieux de tout et de tous, le poète de la terre et de l'amour qui se révèle être aussi un merveilleux conteur.
Pablo Neruda, (de son vrai nom Neftali Reyes) raconte ses souvenirs d'enfance, évoque les gens célèbres qu'il a connu – Aragon, Breton, Eluard, García Lorca, Picasso – et bien d'autres. Une oeuvre admirable avec des pages précieuses, d'une poésie éblouissante, dont la traduction ne semble pas amoindrir la beauté. Résumer ce livre immense, à l'image de la démesure de l'homme, me paraît peu raisonnable. Résume-t-on en quelques lignes Picasso ?

Ces mémoires incluent bien des poèmes en proses, ainsi quand il décrit les chevaux, « Les volcans auraient eu cette allure s'ils avaient pu trotter... ». C'est le poids du passé qui apparaît à travers les statues de Bouddha et statues de Christs, « sourire de pierre, pieds de dieux gisants »...

Formidable récit d'exil à travers la montagne andine en 1946. Neruda vit caché pendant un an et demi pour ne pas être arrêté par la police du dictateur Gonzalez Videla, acrobate d'assemblée, comme il le définit si bien. Il compose alors le Chant Général – Canto General – qui sera mis en musique par Mikis Theodorakis, rencontré en Europe où Neruda a réussi à se réfugier .

Sa rencontre avec Che Guevara représente bien l'ambiguïté de toute action, toujours incertaine. Neruda homme d'action et de doute, terriblement humain.

Rares sont les écrivains qui ont su allier à ce point leur travail littéraire, leur engagement et leur participation à des hautes fonctions au niveau de l'Etat (consul, sénateur, ambassadeur...). Et rares aussi les écrivains qui ont su aussi bien expliquer leur choix pour des convictions communistes lui valant encore aujourd'hui bien des inimitiés calomnieuses. Choix du courage dans la lucidité.

La rédaction de ces mémoires a été interrompue par la mort du poète le 23 septembre 1973, 12 jours après le coup d'Etat de Pinochet. En octobre 2017, un groupe de seize experts internationaux mandaté par la justice chilienne a conclu que la mort de Pablo Neruda n'est pas due à un cancer comme l'indiquait le certificat de décès. L'assassinat reste une hypothèse sérieuse, largement documentée maintenant par les témoignages et recoupements ; les coups spéciaux, les coups pour eux, largement utilisés en Amérique, en Afrique... Où on croise l'empoisonneur de Pinochet, Eugenio Berrios et les services secrets de Nixon.

Pablo Neruda, 1904-1973, prix Nobel de littérature 1971 – prix décerné à un auteur « ayant fait preuve d'un puissant idéal » –, est de ces grands destins qui ont allié littérature, poésie, solidarité, carrière diplomatique et politique. le film « le facteur » de Michael Radford (1994) avec un Philippe Noiret époustouflant interprétant Pablo Neruda, est une bonne entrée pour découvrir l'auteur. Dire qu'il est un grand de la littérature mondiale me semble évident. Raison de plus pour le lire et ne pas trahir sa mémoire avec des controverses surtout destinées à l'ensevelir une bonne fois pour toutes dans L Histoire telle qu'elle est rédigée par les vainqueurs.
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Dans J'avoue que j'ai vécu, le poète Pablo Neruda avoue avoir commis un viol sur la personne d'une pauvre femme tamoul, de la caste des parias, qui chaque jour venait pour lui vider les latrines.
"Un matin, décidé à tout, je l'attrapai avec force par le poignet et la regardait droit dans les yeux. Je ne disposais d'aucune langue pour lui parler. Elle se laissa entraîner sans un sourire et fut bientôt nue dans mon lit. Notre rencontre fut celle d'un homme et d'une statue . Elle resta tout le temps les yeux ouverts, impassible. Elle avait raison de me mépriser."

Cet "aveu" ternit certainement un peu l'éclat du grand poète socialiste solidaire de la lutte des peuples et des malheurs de l'humanité. Et aussi le déroutant silence - qui en dit long - sur le destin de son unique fille, Malva Marina, atteinte d'hydrocéphalie, née à Madrid en 1934, de son mariage avec Marika Hagenaar.

En 2019, l'écrivaine néerlandaise Hagar Peeters a choisi de donner voix, dans un roman, En het vergeten zo lang (Es tan largo el olvido), à Malva, cette fille oubliée, délaissée de son père.

Dans une lettre à son amie Sara Ternú, Neruda s'appitoie sur son propre sort. Il lui décrit sa fille comme un "être parfaitement ridicule, une sorte de point-virgule [en raison de la disproportion de la tête provoquée par l'hydrocéphalie] une vampiresse de trois kilos".

En 2004, le chilien Antonio Reynaldos a fait des recherches et s'est entretenu avec des témoins, dont le frère adoptif de la petite, qui lui a permis de découvrir dans un vieux cimetière de Gouda dans les Pays-Bas, la tombe de Malva Marina, décédée à l'âge de huit ans. Ses photos, publiées pour la première fois, nous troublent par leur confondante ressemblance au poète. L'enquête de Reynaldos nous apprend aussi les vicissitudes de sa mère, Maryka, pour subvenir aux besoins de sa fille et aux soins que requérait sa grave maladie. Sans ressources et sans soutiens, elle finit par devoir la confier à la charité d'une famille d'adoption, la famille Julsing, qui s'est occupée de l'enfant jusqu'à sa mort. le "grand homme", "l'immense poète" n'avait rien à foutre.


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Pablo Neruda a eu une vie de roman, tant d'aventures, de rencontres, de changements, de luttes, de voyages semblent impossibles pour un seul homme.
Et pourtant il a bel et bien était poète, sénateur chilien et diplomate pour son pays dés le plus jeune âge.
Il a rencontré Picasso, Aragon, Garcia Lorca et tant d'autres...
Il a traversé et vécu en Asie, en Europe, en URSS, en Amérique Latine bien sûr, reçu un prix nobel, publié des dizaines de receuil de poèmes, de romans, une pièce de théatre ; il a organisé des réunions, des lectures publiques, tenté de faire surgir la démocratie et la république dans son pays adoré, le Chili vers lequel il est toujours revenu.
Il a participé à la guerre d'Espagne, et bien d'autres choses...

Publié juste après sa mort, ce livre retrace sa vie et les épisodes qui l'ont marquée.

C'est une biographie parcellaire, des morceaux choisis par Neruda pour se raconter. Des épisodes lumineux, d'autres sombres, quelques passages sujets à controverses et à critiques ("viol" d'une jeune tamoul à Ceylan, exfiltration des communistes de France lors de la Guerre d'Espagne alors que Trostkystes et anarchistes restaient sur le carreau) sur lesquels chacun devra se faire un avis, car Neruda ne donne que le sien, sans s'appesantir. On découvre ainsi le jeune poète, pauvre comme job, puis le diplomate presque exilé et toujours aussi désargenté, enfin le succès vient petit à petit et l'engagement communiste avec. Pacifiste convaincu, il oeuvre au congrès mondial pour la paix et continu à parcourir le monde pour chanter la démocratie et l'humanisme. Il publie encore et toujours des hymnes à l'amour, à Mathilde, sa femme.
On découvre son exil qui a fait récemment l'objet d'un film, la campagne pour Salvador Allende et sa chute...

C'est le roman d'une vie que l'on peut lire là, dans le style dépouillé mais très beau de Neruda, une prose poétique bien sûr, simple et belle qui se lit vite et bien, sans à coup, comme un grand fleuve que l'on descendrai en pirogue. Ses descriptions de paysages sont admirables et les portraits qu'il dresse tout au long du livre très drôles et graves. L'humour et partout présent dans ce bouquin qui s'avale dans un grand maelstrom qui mélange habilement histoire personnelle, Histoire et littérature.
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Il s'agit selon moi d'un livre puissant et héroïque, qui traverse des époques tourmentées avec la grâce lyrique que l'on connait à l'auteur. Certains passages, comme ses débuts comme poète désargenté, son travail dans les services diplomatiques (a Rangoon, notamment) ses voyages en Chine et en Russie et surtout, la guerre civile Espagnole, sont des témoignages d'une valeurs inestimables.
La fin, en particulier, aborde sa carrière politique avec une modestie charmante, et dans cette ultime aventure il souligne grandement son amour pour son peuple.
Il parle dans son ouvrage du communisme comme lui l'a vécu, en pacifique, en idéaliste. Il ne renie jamais ses positions et exprime ce qui lui tiens à coeur avec justesse et courage. Un véritable grand homme.

D'après moi, une oeuvre intemporelle. La fin, . À lire absolument.
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Je n'ai pas beaucoup d'attirance pour la poésie, quelle qu'elle soit, c'est ainsi ; ni pour les poètes dans l'exercice de leur art. Si Neruda, est un poète, fierté de son pays le Chili, mondialement reconnu et récompensé d'un prix Nobel, Neruda est également un homme engagé, un combattant de la liberté, du droit et de la défense des faibles.
Dans ma découverte de la littérature et de l'histoire chiliennes, c'est davantage l'homme et l'homme engagé que je souhaitais découvrir. C'est naturellement que je me suis dirigée vers ses mémoires, plutôt que ses recueils de poésie.

A la fois chronologiques (mais pas strictement) et thématiques, ces souvenirs m'ont captivée d'un bout à l'autre.
Le poète ne se destinait pas à la poésie, pas plus qu'à la politique. Ce sont ses affectations successives de diplomate qui ont forgé sa conscience politique et son engagement au parti communiste, et plus particulièrement lors de la guerre civile espagnole alors qu'il prend clairement position pour les républicains.
De là se construit son engagement politique comme élu dans son pays et son compagnonnage avec Salvador Allende qui lui valut la clandestinité et l'exil.

Jamais sa carrière littéraire ne fut séparée de sa poésie ; c'est au fil de ses affectations diplomatiques, de ses voyages, de ses luttes qu'il a construit son oeuvre couronnée au crépuscule de sa vie par un Prix Nobel (pour lequel il était pressenti depuis de nombreuses années).

J'ai beaucoup apprécié ce livre qui bien entendu a enrichi ma connaissance de ce pays, et qui de part les extraits, m'a confronté pour la première fois au poète.

Neruda est assurément une figure importante du Chili ; sa vie fut d'une extrême richesse, ses rencontres nombreuses et fécondes et ces souvenirs traduisent bien cela, avec modestie et grâce.

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Un livre d'un homme extraordinaire sur sa vie, son action politique, ses rencontres et ses expériences... Après ce livre, vous ne vivez plus pareil.
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une ode à la vie avec des convictions. A lire absolument
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L'autobiographie d'une vie exemplaire.
Moi qui ne suis pas fan de poèmes, j'ai adoré l'humain qui tenait la plume pour les écrire.
En visitant sa maison à Islas Negras sur la côte Pacifique du Chili, j'ai pu comprendre ses sources d'inspiration : les poétiques autant que les humanistes.
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Pablo Neruda, de son vrai nom Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, est avant tout un poète, puis écrivain et diplomate de son pays le Chili qu'il adore. Né en 1904 à Parral, à environ 150 km au nord-est de Concepción, dans la région du Maule.
Donc jeunesse dans la région du Maule. C'est dans cette région qu'a eu lieu le dernier gros tremblement de terre du Chili en 10. La région n'est pas franchement accueillante, et plus on va vers le sud, moins elle l'est. C'est pourtant là que grandit « le jeune provincial » comme il se nomme dans « J'avoue que j'ai vécu », son livre de mémoires en prose. « Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés / Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. C'est la découverte du monde du vent et du feuillage. ». Son père conduit les trains qui vont empierrer les voies.
La première fois que je suis allé au Chili, c'était précisément dans cette région en avion jusqu'à Tumaco et ensuite en bus vers Pucon un peu plus au sud, au pied du volcan Villarica. Long transport dans une région qui sera affectée un peu plus tard par un tremblement de terre, suivi d'un tsunami, comme si les volcans ne suffisaient pas. Il faut dire que les tremblements de terre sont nombreux dans la région et souvent dévastateurs. Et Pablo Neruda en sait quelque chose. « Je me suis réveillé au moment où le sol des rêves a manqué sous mon lit. / Une colonne de cendre aveugle titubait au milieu de la nuit, / je te demande: Suis-je mort ? ». Mais, qu'à cela ne tienne. La région est aussi l'endroit de cures thermales liées au volcanisme et les chiliens s'y rendent pendant leurs vacances d'hiver, lors de l'été austral. Je me souviens avoir été aux thermes de San Luis avec des japonais enchantés de retrouver les bains chauds, malgré une piscine relativement délabrée. de retour à Pucon, le volcan Villarica, toujours très actif, faisait rougeoyer le ciel. Il a eu une crise plus importante il y a un an ou deux qui a nécessité l'évacuation de quelques 3000 personnes, sous la menace essentiellement d'inondations subites dues à la fonte des neiges qui couvrent le volcan et sur lesquelles on peut skier.
Souvenirs heureux de Pablo Neruda, qui découvre ainsi la forêt et ses habitants, via les spécimens que les ouvriers du train de son père lui ramènent (dans les premiers chapitres de « J'avoue que j'ai vécu »). Il découvre aussi les indiens araucans, ou mapuches. A l'époque, début des années 1900-1920, il y en avait encore. C'est important ce point, je pense, cela enracine une vie. Mais comme il le raconte, on les a beaucoup chassé en utilisant « le tir à la carabine, l'incendie des chaumières et plus tard […] l'alcool », comme souvent ou toujours.
Puis une vie diplomatique, avec des postes à Rangoon, Colombo, Batavia et Calcutta. Arrive la Guerre d'Espagne et la rencontre avec Federico Garcia Lorca, juste avant de commencer son « Canto General ». Il parle beaucoup de cette période dans ses mémoires sous le titre de « L'Espagne au coeur ». C'est aussi le titre d'un ouvrage qu'il fit en Espagne, où « les soldats du front apprirent à manier les caractères d'imprimerie ». Cette période espagnole est riche pour lui « Non, l'homme ne vit pas seulement d'étoiles… ». Il y rencontre nombre de gens qui vont être ses amis, Federico Garcia Lorca, bien sûr, mais aussi Jorge Guillén et surtout Rafael Alberti et Maria Teresa Leon qui vont influencer sa façon d'écrire. «Je déclare ici que personne n'est passé près de moi qui ne m'ait partagé. J'ai brassé jusqu'au coude et rebrassé dans une adversité qui n'était pas faite pour moi dans le malheur des autres.». Retour au Chili, puis ambassadeur du Chili en France et prix Nobel en 71. Hélas, le président Allende est renversé et assassiné en septembre 73. Pablo Neruda meurt quelques jours plus tard, officiellement d'un cancer de la prostate, mais le gouvernement de Pinochet ne peut éviter les soupçons d'empoisonnement par un biochimiste chilien. Sa maison à Valparaiso est incendiée et ses livres brulés. Quand on ne peut détruire la pensée, on la brûle.
le Chili est au coeur de ses écrits. « Cordillères / enneigées, / Andes / blanches, / parois / de ma patrie, / que de / silence / tout autour / de la volonté, des luttes / de mon peuple. / Là-haut les montagnes / argentées, / là en bas le tonnerre vert / de l'océan. / Cependant / ce peuple / creuse les solitudes / hérissées, / sillonne / les vagues verticales, et dans la soirée prend / sa guitare, / et chante tout en marchant ». Il faut reconnaître que le Chili, c'est un grand pays 5500 km du nord au sud et de 200 à 300 km d'ouest en est, de la mer à la montagne. de plus, dans le nord, là où le Chili est le plus large, la cordillère côtière baigne presque dans la mer, mais est séparée de celle des Andes par une vaste région désertique, dont le célèbre désert d'Atacama. Ce qui est magnifique, que ce soit vu depuis Santiago, ou mieux vu d'avion quand on va vers le nord, est cette cordillère qui culmine aux environs de 5000 m, et comme posé par-dessus, il y a l'Aconcagua, qui frôle les 7000 m. Une montagne posée sur les montagnes, grandiose. « L'hiver / les Andes / se recouvrent / de leur nappe infinie, / l'Aconcagua / a cristallisé les crins / de sa tête blanche, / elles dorment / les grandes cordillères, / les sommets / sous / le même immense drap, les fleuves / durcissent, / sur la planète tombe / la neige / comme un frisson multiplié ». C'est à ces moments que l'homme redevient, ou devrait redevenir, un objet modeste dans la nature. L'autre coté du pays, c'est la mer. L'océan Pacifique, froid à cause du courant de Humbold qui remonte depuis l'Antarctique, on s'y baigne en vitesse. Par contre les plages, quand il y en a sont désertes, sauf quelques otaries qui viennent s'y reposer, repues après avoir suivi les bancs d'anchois. Un plaisir de marcher le long de ces plages désertes, mais qui sont envahies par les voitures l'été, les sud-américains aimant avoir leur objet de consommation principal près d'eux. Fruits de mer délicats, des oursins, surtout dont les tests se retrouvent en tas au bord des plages rocheuses, et dont seul le corail est vendu sur les marchés, dont celui d'Antofagasta, où je m'en suis quasiment gavé. Un régal, avec une bière fraiche un peu corsée par le jus de un ou deux limons. Toujours sur la plage, les oiseaux, des frégates par bancs entiers, des mouettes aux pattes rouges qui s'envolent en criant. « Je dis bonjour au ciel. / Plus de terre. Elle s'est détachée / hier cette nuit du navire. / Derrière est resté le Chili / et seuls quelques oiseaux sauvages / continuent à voler levant / le nom obscur et froid de ma patrie. »
Entre la mer et la montagne, la cote, souvent déserte, ou avec des villages perdus. Seule consolation, dans la courte étendue plate au pied de la cordillère, une fois par an, vers aout-septembre, un peu de pluie, ou plutôt de la condensation sur les pentes qui vient arroser les quelques plantes. Et alors durant une petite semaine la magie du « desierto florido », le désert fleuri, du violet-parme, jaune et rouge à perte de vue. A y voir de plus près, il s'agirait plutôt de touffes éparses qui sont posées de ci de là. Mais c'est si rare… la contrepartie, c'est aussi que de l'autre coté de la cordillère, à où tout est nu et désertique, il se forme des bancs de brouillard le matin. Comme c'est aussi l'endroit où passe la route goudronnée, toute droite sur des kilomètres, c'est toujours une surprise que de rouler à 120-130 km/h dans le brouillard, et d'apercevoir soudain la masse d'un camion, tous feux éteints bien sûr, qui lui se traine à 40-50 km/h. Magie du désert, mais pourtant désert très différent des déserts de sables comme le Sahara. Désert de pierre, comme au sud d'Atacama ou plutôt d'herbe rase comme sur la côte « Intolérable voix, sel / disséminé, cendre / substituée, thyrse noir / avec sa perle extrême où la lune apparaît / aveugle, en des couloirs de cuivre en deuil. / Quel matériel, quel cygne creux enfonce dans le sable son nu moribond et durcit sa clarté liquide et lente ? / Quel dur rayon brise son émeraude / entre des pierres indomptables, / cristallisant le sel perdu ? » Magie du désert minéral. Et pourtant cela reste très beau, avec de rares traces de vie, peu d'oiseaux, plutôt des lézards et des petits rongeurs. Désert minéral qui change de couleur dans la journée. Froid, voire même glacial la nuit. Chaud et sec le jour. Oh ces couleurs qui changent avec l'inclinaison du soleil au sud de l'Atacama. Seules les ocres des peintures rupestres de Peine au sud du Salar, restaient telles qu'elles étaient et qu'elles seront, malgré la non-préservation du site. Mais avant d'aller voir les peintures, il a fallu passer deux nuits à Peine, avec un confort très relatif, je ne crois pas m'être rasé, et si peu lavé, pendant ce temps.
Et puis le Chili c'est aussi la culture, la chanson et une certaine liberté, quelque peu malmenée pendant la période Pinochet. Toujours une anecdote à propos d'Atacama, et son désert où il existe des terrains interdits. Non pas qu'ils soient accidentés ou zones à protéger. Non, simplement car ils formaient la bordure de camps de prisonniers sous le régime de la junte, et qu'ils sont minés pour prévenir toute évasion. Hélas, les mines en terrain sablonneux ont tendance à se promener. Pablo Neruda n'a pas eu à voir cette époque, mais il la pressentait. « du Nord au Sud, où l'on broya / ou incinéra les cadavres, / leurs os furent enterrés dans les ténèbres / ou brûlés en silence dans la nuit, / entassés dans un trou de mine / ou crachés à la mer : / nul ne peut dire où ils se trouvent, / ils n'ont de tombe, ils sont épars / aux racines de la patrie, / les doigts martyrisés : / les coeurs des fusillés : / le sourire de nos Chiliens, / des valeureux de la pampa, / des capitaines du silence. // Nul ne sait où les assassins / ont enterré ces corps, / mais ils surgiront de la terre / et reprendront le sang versé / le jour de la résurrection du peuple. »
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