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EAN : 9782876780040
139 pages
L'Aube (30/11/-1)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Invité à participer en juin 1935 au Congrès International des écrivains pour la défense de la culture, Vitezslav Nezval retrace dans "Rue Gît-le-Coeur" son séjour à Paris.
Mais au-delà du document historique, c'est à l'amitié fervente qui le lie aux surréalistes que l'auteur consacre son récit, dans lequel se croisent Ernst, Dali, Duchamp, Péret, Crevel, Eluard, Breton... Ce texte, inédit en français, est à lire absolument par les amoureux du surréalisme et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« A l'époque de la méfiance universelle, de l'égoïsme généralisé et des ruses constantes entre les hommes, l'on doit apprécier ce qui dans l'amitié est en mesure d'imprégner les jours et les heures de l'aurore de l'immortalité. »

Ce petit livre est le touchant récit de souvenirs d'un poète, et il vibre très fort du sentiment de l'amitié. L'auteur est très ému de se retrouver à Paris pour revoir et passer quelques jours avec André Breton, Paul Eluard, et leurs amis.
« Rue Gît-le-Coeur » est un essai de Vítězslav Nezval (1900-1958) qui est un poète, essayiste et romancier, qui a dominé la scène littéraire tchèque pendant la première moitié du XXe siècle. Les années 1920 et 1930 sont les décennies des avant-gardes et Nezval devient la figure de proue de ces courants qui révolutionnent la littérature. Il est d'abord cofondateur du
« Poétisme », en 1924, un mouvement qui cherche la poésie dans la vie de tous les jours, dans le jeu et dans l'optimisme. Puis sous l'influence d'André Breton, il fonde en 1934 le Groupe surréaliste tchèque, avec les peintres Jindřich Štyrský et Toyen (Marie Čermínová).

Nezval entretenait une correspondance avec André Breton et Paul Eluard, qu'il avait reçus à Prague et il souhaitait vivement les retrouver à Paris, où il avait été invité en tant que délégué, à participer au « Congrès international des écrivains » en juin 1935, où d'après les lettres de ses amis, les surréalistes français devaient également prendre la parole.
Vítězslav Nezval ressent pour André Breton une profonde amitié et il est aussi un inconditionnel du surréalisme. Il considère les principes de ce mouvement comme siens et sa poésie en est profondément marquée.
C'est à peu près à cette époque qu'il écrit « L'adieu et le mouchoir », un de ses poèmes les plus célèbres, qu'il aimait réciter lui-même :

« Adieu et si c'était pour ne plus nous revoir/Cela fut merveilleux et cela fut parfait/Encore un rendez-vous mais combien dérisoire/Ce ne serait pas moi peut-être qui viendrait

Cela fut merveilleux hélas tout doit finir/Que se taise le glas je connais sa tristesse/Baiser mouchoir sirène et cloche du navire/Deux ou trois fois sourire après quoi on se laisse »

« Rue Gît-le-Coeur » témoigne du fait que Nezval est accueilli par les surréalistes parisiens avec non seulement amitié, mais aussi avec beaucoup de respect. On le suit dans ses balades parisiennes, où beaucoup de lieux l'attirent comme des aimants. Il est littéralement tombé sous le charme de Paris, et on le sent très ému et très intéressé de faire la connaissance de nombre de personnes du monde de la culture. Il rend visite à Man Ray et admire ses travaux, il rencontre les grands peintres surréalistes, Max Ernst, Salvador Dali, il assiste à l'inauguration d'une exposition d'Yves Tanguy et ne peux s'empêcher de soupirer lorsqu'il songe aux conditions dans lesquelles vivait ce peintre étonnant…
J'ai trouvé assez saisissante la manière dont Nezval brosse les portraits de ces personnalités, comme par exemple celui de Max Ernst : « Rien ne saurait incarner mieux le romantisme allemand que cet homme de grande taille, aux cheveux blancs, au nez d'aigle et aux yeux clairs. Sa tête ressemble étrangement à celles des oiseaux fantastiques qu'il aime coller sur les corps humains, comme s'il cherchait à reproduire son portrait imaginaire dans les variations les plus diverses. »

Accompagné de Breton et d'Eluard, Vítězslav Nezval se rend dans les cafés fréquentés par les membres du mouvement surréaliste, dont le café de la rue Gît-le-Coeur, et il partage pendant quelques jours leurs vies… Il dit de Breton, qu'il admire beaucoup : « Je ne connais pas un homme d'une telle simplicité, laissant autant libre cours à l'expression de son tempérament naturel. » Pour Nezval, Breton est le grand prêtre du surréalisme.

Pendant l'entre-deux guerres, dans les années 1920-1930, sous la Première République tchécoslovaque, les artistes tchèques avaient un tropisme français très fort. Les échanges et les rapprochements entre artistes tchèques et français étaient nombreux, et fructueux.
A cette période, la traduction tchèque du français est très riche.
Paul Eluard et Benjamin Péret consacraient du temps à Nezval à Paris, pour revoir ensemble la traduction de ses poèmes.
Ils l'aideront aussi à rédiger le discours qu'il souhaitait délivrer lors du
« Congrès international des écrivains » auquel il avait été invité à participer. Nezval prépare une allocution qui est un plaidoyer ardent pour la défense des surréalistes et des communistes et dans laquelle il cite abondamment Breton et Eluard.
Mais Vítězslav Nezval ne se fait aucune illusion sur le sens réel d'une telle réunion qui se veut un rassemblement international pour la défense de la culture. Il se doute déjà que le congrès sera une affaire hautement politique, mais il ne peut pas savoir encore dans quelle mesure cette rencontre des écrivains sera marquée par l'animosité, la rivalité et l'intolérance des participants….
Au congrès, Nezval rencontre Louis Aragon qui avait déserté le mouvement surréaliste et qui ne cesse de jeter des regards vers Breton, qui pendant des années avait été son maître, et qu'il tentait dans des articles infamants de faire passer pour un malfaiteur public.

Nezval ne lira jamais son discours devant l'assemblée, car les adversaires des surréalistes dans la présidence réussiront à différer son intervention à plusieurs reprises, jusqu'à la clôture officielle du congrès.
A ce moment-là, Nezval est encore sous le charme de la personnalité de Breton. Il ne sait pas encore qu'il trahira Breton lui aussi et qu'il désertera le surréalisme pour des raisons politiques…
En quittant Paris, il ne peut pas savoir encore non plus qu'il va vivre des moments difficiles. En 1938, lorsque la Tchécoslovaquie sera menacée par la progression du nazisme allemand, Nezval se joindra à l'effort des communistes de former un front populaire et considérera cette nouvelle situation comme incompatible avec le surréalisme. En tant que fondateur du groupe surréaliste tchèque, il le dissoudra en mars 1938, puis viendra la Guerre mondiale suivie de la dictature communiste.
Nezval, considéré comme le poète officiel de la Tchécoslovaquie communiste, mourra en 1958.

Dans « Rue Gît-le-coeur », Nezval évoquera son départ de Paris par ces paroles prophétiques :
« Rien n'est plus triste que de quitter des personnes mortelles lorsqu'on est soi-même voué à la mort. Il suffit de presque rien et nous ne nous reverrons plus. Il suffit d'un petit malentendu et un mur d'une épaisseur d'éternité nous séparera, nous qui sommes maintenant là, liés par l'amitié.
Il suffira d'un petit malentendu, d'une circonstance futile, et jamais plus nos yeux ravis ne reformeront cette constellation merveilleuse. »

Ce livre qui foisonne de personnalités de la culture tchèque et française de l'entre-deux guerres est intéressant à plusieurs titres. Non seulement il nous permet de découvrir des facettes de la personnalité de ce grand auteur de la culture tchèque, qu'est Vítězslav Nezval, mais il nous invite aussi à constater que culture et politique ne font pas toujours bon ménage !

N.B. : des photos en noir et blanc de son séjour parisien agrémentent et ponctuent agréablement ce petit livre plein d'enseignements.
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Évocation des rencontres entre les surréalistes français (Breton, Eluard et Péret pour ne citer qu'eux) et les artistes tchécoslovaques du mouvement Devětsil dont Vitezslav Nezval fut membre. Évocation aussi d'un Paris des années 30 par des yeux étrangers, ceux de Nezval mais aussi Karel Teige entre autres. Poèmes, photographies ponctuent la lecture de ce livre passionnant pour les adeptes du mouvement d'avant-garde. C'est en plus de cela, un formidable livre sur l'amitié extraordinairement touchante qui liait des artistes d'horizons différents. La jeunesse qui se dégage de ce court et simple récit montre la sincérité et la fascination envers ses modèles d'un auteur peu connu en France et qui a pourtant, dans son pays, joui d'une importante considération.

Difficile à trouver (pas de réédition connues) mais à ne manquer sous aucun prétexte.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
André Breton nous proposa d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant, rue « Gît-le-Cœur ».
Je n’avais jamais été auparavant dans cette rue au nom enchanteur. Je me demande aujourd’hui comment son nom avait pu disparaître de ma mémoire, alors qu’André Breton, dans « Les Vases communicants », dit qu’elle est pour lui « la petite artère noire, comme sectionnée », ce qui ne pouvait me laisser indifférent. Cette image de Breton, à elle seule, a dû sans aucun doute frapper tellement mon imagination que je ne voyais que l’artère sectionnée, sans m’arrêter à l’image du cœur qu’elle traversait…
Je suis parfois triste à Prague où les noms des rues manquent de cette poésie magique que soufflent à nos oreilles les petites plaques en tôle bleue au coin des rues et ruelles de Paris. Mais je sais quelle rue de Prague porterait pour moi le nom « Ci-gît-le-cœur ».
Le bistrot où nous entrâmes rappelait, avec sa calandre à repasser, plus une épicerie qu’un restaurant. Nous prîmes place dans une salle pouvant contenir à peine huit personnes. C’est ici que Breton rencontrait Guillaume Apollinaire. J’ai vu, à son expression, tout l’amour qu’il portait à la rue Gît-le-Cœur. Il l’avait fait entrer en poésie.
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Au congrès, je me suis tenu à coté de Breton. La parole était à André Gide. Breton l'appela en souriant "le vieux comédien", ce qui le décrivait à merveille. Il parlait lentement, avec ampleur, en graduant le ton, faisant des poses pour les applaudissements.
Quand il déclara que toute littérature de qualité avait été jusqu'à ce jour une littérature d'opposition, André Breton, tout seul, se mit à applaudir avec un tel enthousiasme que de nombreuses personnes prirent cela pour une provocation.
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Quant à mon voyage, il avait une raison plus objective, mais j'y pensais à peine, ou plutôt avec déplaisir. J'avais été invité, en tant que délégué, à participer au "Congrès international des écrivains" où, d'après les lettres de mes amis, les surréalistes français devaient également prendre la parole. Bien que cette invitation ait été suivie d'un télégramme signé André Gide, Romain Rolland, Henri Barbusse et André Malraux, je ne surestimais nullement la nécessité d'y participer. Je ne me faisais aucune illusion sur le sens réel d'une telle réunion ayant en mémoire le caractère superficiel de ce genre d'assemblées; je pouvais en juger d'après mes souvenirs du " Congrès des écrivains soviétiques" auquel j'avais participé à la fin de l'été 1934 à Moscou.
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Car rien n'est plus triste que de quitter des personnes mortelles lorsqu'on est soi-même voué à la mort. Il suffit de presque rien et nous ne nous reverrons plus. Il suffit d'un petit malentendu et un mur d'une épaisseur d'éternité nous séparera, nous qui sommes maintenant là, liés par l'amitié. Il suffira d'un petit malentendu, d'une circonstance futile, et jamais plus nos yeux ravis ne reformeront cette constellation merveilleuse.
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C'est le livre de l'amitié. Pourquoi ne pas retracer en son honneur quelques jours émouvants, quelques hasards, quelques épreuves personnelles et quelques découvertes merveilleuses du désir, de ce désir qui, de la naissance à la mort, joue de son éventail au fond de l'homme.
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Video de Vitezslav Nezval (1) Voir plusAjouter une vidéo

Charles Level au Petit Conservatoire
MIREILLE aide Charles LEVEL à installer sa guitare tout en plaisantant et en prodiguant ses conseils. Sur une musique écrite par lui, il chante un poème de Vitezslav Nezval.
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