AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782825118290
L'Age d'Homme (11/07/2012)
5/5   4 notes
Résumé :
Avec la parution, en 1936, de Prague aux doigts de pluie, s'achève la période la plus riche de l'auteur, celle qui a commencé à la fin des années 1920 et qui l'a conduit peu à peu de la poésie au surréalisme. Inspiré par la vieille capitale tchèque, où Nezval s'est installé à l'âge de 20 ans, ce recueil est à l'image de la ville qui fut à Nezval ce que Paris fut à Baudelaire.
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Prague aux doigts de pluieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Prague aux cents clochers
Aux doigts de tous les saints
Aux doigts de fausses promesses
Aux doigts de feu et de gruau
Aux doigts de musicien....

Il y a quelques années, quelqu'un sur Babelio a posé une question : "quel(le) est votre poète(tesse) préféré(e) ?"
Une question simple et sans équivoque, mais qui m'a sacrément déstabilisée. Voyons, si la poésie se marie à nos états d'âme, la "préférence" peut facilement varier plusieurs fois au cours de la même journée...
Mais jouons le jeu : quand on lit de la poésie, il y a forcément un nom qui se détache devant tous les autres. J'ai donc répondu "T.S. Eliot", avec un pincement au coeur pour "tous les autres". Dur.
La médaille d'argent irait probablement à Keats, et le bronze à Lermontov. Viennent ensuite les fameuses "médailles en chocolat", et c'est ici où les choses se corsent, car leur alléchant assortiment serait trop large même pour l'établissement merveilleux de Willy Wonka.
Une chose est cependant certaine : Vítězslav Nezval est un fin chocolatier qui ne m'a jamais déçue, malgré le changement des années, des saisons, des humeurs... et même des régimes politiques.

Nezval était - que cela puisse encore gêner quelqu'un de nos jours, ou pas - un sympathisant communiste depuis 1924... ce qui ne l'a pas empêché de devenir un authentique surréaliste dix ans plus tard. Il connaissait Breton, il connaissait Eluard, il a rencontré Picasso. Il était ami des peintres comme Jan Zrzavý, Toyen ou Adolf Hoffmeister, des écrivains devenus synonyme du "patrimoine littéraire tchèque" comme Vladislav Vančura, il avait d'excellents rapports avec la scène du Théâtre Libéré de Prague... une époque d'incroyable effervescence culturelle, où la vague des "-ismes" et d'expériences artistiques a secoué l'Europe.
Avec ses amis, Nezval a mis au point le programme du "poétisme" ; une sorte de surréalisme allégé de références politiques, consacré uniquement au subconscient et aux jeux magiques de la langue, qui ne dédaigne aucune inspiration. Que ce soit la grande culture antique ou chrétienne, ou la culture populaire des foires et des "romans sanglants" vendus par les colporteurs à quelques centimes le fascicule.
L'époque où "la nuit frémissait comme une prairie/sous les frappes de la céleste artillerie"... comme il a écrit dans l'excellent "Edison", juste avant que la prise du pouvoir par le parti communiste en '48 ne mette une fin définitive aux libertés artistiques.
Nezval a choisi de coopérer. "Paralysé par la peur", comme il a expliqué en cachette à un ami, qui a divulgué cet aveu bien plus tard. Il se fâche avec Breton, et il devient même le président de l'Association des écrivains tchèques ; un poste suprême. Il écrit de la poésie "sur commande" dont il se moque lui-même, en détestant cordialement ses propres vers au service de l'idéologie régnante :

"Jeune est le poète qui pour les jeunes flamboie,
jeune est la chanson, colombe artiste.
Nous tous sommes jeunes, Occident bourgeois,
jeune, quiconque est communiste." (Je constate que c'est encore pire en traduction française)

La formidable frappe claire et sonore des marteaux du poétisme s'est transformé en "Le chant de la paix" spongieux, mais je doute que Nezval ait été en paix avec lui-même ; peut-être seulement en travaillant sur les traductions autorisées de la poésie française ou américaine, où il a pu encore faire appel à son talent. Il nous reste heureusement ses oeuvres écrites avant la date fatidique, et tout un monde à découvrir.
"Prague aux doigts de pluie" (1936) devrait contenter tout amateur de poésie surréaliste et de rencontres fortuites d'un parapluie avec une machine à coudre.
Le sujet (Nezval) et le topos magique d'une ville aux cent clochers, avec ses fenêtres, ses passages secrets, ses pavés, ses vues. Avec la mauvaise herbe qui pousse sous les ponts de sa rivière, surveillée par les statues baroques des saints. Poèmes de longueurs différentes, dédiés aux personnes différentes ; un hommage à Prague pleine de mystères et miracles, au sous-ton délicieusement apocalyptique.
Le recueil n'a pas l'optimisme d'"Edison", ni la charge ludique du "Magicien Merveilleux", et pourtant... on se laisse prendre avec plaisir dans la fine toile collante d'images surprenantes, parfois inquiétantes... la beauté d'une ville, mais aussi ses pathologies. La Prague moderne des années 30, dont les projecteurs électriques créent autant de lumière que de zones d'ombre, et un regret sous-jacent pour les becs de gaz, les cabarets de nuit et la magie (noire) des temps de jeunesse où "Bohême" et "bohème" étaient synonymes. Une ville déboussolée sur son chemin vers le grand inconnu, et un homme qui ressemble à
... "quelqu'un qui ne peut pas mourir
Et erre comme dans un rêve
A quelqu'un qui cherche
Le fardeau qu'il a laissé
A un endroit déserté
A quelqu'un qui a oublié qu'il vivait
A quelqu'un qui cherche son siècle perdu"
Commenter  J’apprécie          6925
Grand moment de lecture, un recueil que l'on dévore tant les images vous fascinent et le rythme vous emporte. Un tout spécial Merci donc à Bobby_The_Rasta_Lama de m'avoir fait découvrir cet immense poète.

J'ai quelques fabuleux souvenirs de Prague visitée dans ma jeunesse, j'en garde le souvenir d'une ambiance magique que d'ailleurs Nezval partage généreusement dans ses vers :

"Vont-elles se cacher encore longtemps ces petites places inconnues
Avec leurs fenêtres d'où les tapis vous tirent la langue."

Il y a ce brin de jeunesse, d'étourderie que l'on nommerait bien surréalisme ou simplement inspiration fulgurante :

"Quand le Pont Charles sera couvert d'herbes
Viens ma mie avec ta baguette chasser les oies"

Cette amie pour laquelle on s'attend à un poème d'amour nous annonce un simple retour à la nature où cacardent les oies, comme si la ville elle-même se recouvrait d'une forêt enchantée qu'a invitée la baguette de la magicienne. Prague protéiforme se transforme au gré de la musique des vers et des rêves du poète. C'est à chaque texte une nouvelle vision de la cité, sa ville que Nezval défait et refait selon son inspiration, éternellement recommencée.

Il y a surtout ce parfum de début de siècle dans lequel Cendrars et Apollinaire aimaient à se promener

"Tandis que sur le boulevard le temps prend ses jambes à son cou
Comme le coureur cycliste qui s'imagine dépasser le véhicule de la mort
Tu ressembles à l'horloge du ghetto dont les aiguilles tournent à l'envers
Si je suis surpris par la mort je mourrais comme un gamin de six ans"

C'est par un poème-litanie que commence le recueil, un hymne à la ville, une prière devrait-on dire pour qu'elle se nourrisse et croisse de tous les sentiments, les sensations, les couleurs, les goûts, les appréhensions, les émerveillements humains.

"Prague aux cent tours
Aux doigts de Toussaint
Aux doigts de faux serments
...
Aux doigts d'inspiration
Aux longs doigts sans phalanges
Aux doigts avec lesquels j'écris ce poème"

La ville est inspirante autant qu'inspirée et c'est bien elle qui écrit le poème... et tous ceux qui suivent.

C'est aussi par un autre poème litanie, un legs aux générations futures, que prend fin le recueil, qui semble aboutir sur ce rien (l'écriture):

"Ce n'est dans rien
Dans rien qui se peut déduire de la beauté ou du style
...
Je ne veux rien comme si je n'étais qu'une langue
Ta langue la langue de ton accordéon quand il se déplie
...
Je ne suis que ta langue ressuscitée
...
Car le temps passe et je n'ai pas encore dit grand-chose sur toi
... "

La langue (organe) provoque la vision de l'accordéon tandis que le langage (parlé) est ce que la ville lui raconte, lui inspire.
Prague écrit avec ses doigts aux cents tours, parle de sa langue accordéon aux mille mots, tandis que Nezval lui ne revendique que d'avoir marché, parcouru la ville et rien de plus, ni être allé voir plus loin.
Commenter  J’apprécie          3610

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Quand
(à Jaroslav Ježek)

Quand le pont Charles sera couvert d'herbe
Viens, ma chère, chasser les oies à coup de baguette

Quand Prague sera dans les bois
je tomberai amoureux d'une roussalka

Quand le rossignol chantera dans le temple de Týn
Viens l'écouter et laisse tes excuses à la maison

Quand les rois mages sortiront tout droit de prison
Toutes les cloches sonneront comme elles le font aujourd'hui

Quand les arbres brodés pousseront sur les balcons
Le berger y claironnera sa chanson

Quand tu décoreras ton chapeau d'une tempête ou au moins d'un éclair
Ce sera la fin du monde ou que le début
.....................................................................................................


Až bude Karlův most zarostlý trávou
Přijď má milá zahnat prutem husy

Až bude Praha v lesích
Zamiluji se do rusalky

Až bude v Týnském chrámu zpívat slavíček
Pojď si ho poslechnout a nech doma výmluvy

Až vyjdou tři králové přímo z vězení
Všecky zvony budou zvonit tak jako dnes

Až budou růst na balkónech vyšívané stromy
Bude tam vytrubovat pastýř svou písničku

Až si dáš za klobouk bouři nebo alespoň blesk
Bude konec světa nebo teprv začátek
Commenter  J’apprécie          407
Epicerie

Va au cellier
Chercher du lait ou cueillir des fraises
Tu rencontreras une sorcière
Elle te dira bonjour
Dans cette forêt
Où un chat suspect
Garde un trésor
C'est une miche de pain
Ou un piège à souris
......................................................................................................;
Hokynářství

Jdi do sklepa
Pro mléko nebo na jahody
Potkáš čarodějnici
Řekne ti dobrý den
V tom lese
Kde podezřelá kočka
Hlídá poklad
Je to pecen chleba
Nebo past na myši
Commenter  J’apprécie          4717
PLACE DE LA VIEILLE VILLE

Il ne manque que le plafond
Et ce serait un théâtre
Avec une vue panoptique sur les exécutions
Un théâtre de corporations
Où les maîtres-chanteurs
Sous balcons et tonnelles
Célèbrent la Vénus de Nuremberg
Je la vois
Quand dans l'autobus viennent de monter les derniers spectateurs du Théâtre des États
Elle est derrière la vitrine d'un bouquiniste
Penchée sur un très ancien livre
Écrit en souabe
C'est la dernière femme
Elle titube un peu
Son parapluie se referme
Sa coiffure tombe
Et sa bague
Trois fois elle s'incline vers le nord vers l'ouest et vers le sud
Et elle s'en va du côté de l'est
Sa traîne noire frôle l'ombre de la mairie de la Vieille Ville
Où l'horloge sonne
Minuit
C'est une ouvreuse
Ou la mort
Commenter  J’apprécie          190
J'aime les arcades de Prague
A trois ou quatre heures du matin
Quand elles guettent comme un piège l'écho des pas
Il y a quelque part tout près un monde singulier où l'on joue des sonatines

Je rêve de cryptes
Où s'est égaré un groupe d'écoliers en excursion
Où l'on est plus à l'aise qu'au soleil pour lire un roman
policier
Commenter  J’apprécie          184
Tandis que sur le boulevard le temps prend ses jambes à son cou
Comme le coureur cycliste qui s'imagine dépasser le véhicule de la mort
Tu ressembles à l'horloge du ghetto dont les aiguilles tournent à l'envers
Si je suis surpris par la mort je mourrais comme un gamin de six ans
Commenter  J’apprécie          150

Video de Vitezslav Nezval (1) Voir plusAjouter une vidéo

Charles Level au Petit Conservatoire
MIREILLE aide Charles LEVEL à installer sa guitare tout en plaisantant et en prodiguant ses conseils. Sur une musique écrite par lui, il chante un poème de Vitezslav Nezval.
autres livres classés : littérature tchèqueVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}