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3,81

sur 840 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Difficile de partager mon ressenti sur ce dernier livre de Gaëlle Nohant tant il m'a semblé ardu et centré sur des évènements que je connais à la base très mal (les émeutes à Chicago).

Eliza Donneley est une femme en fuite. le ton est donné dés les premières pages. Parachutée à Paris, elle abandonne son mari et son fils Tim pour la belle capitale française. Que fuit cette femme? Quels démons l'ont-ils poussé à se défaire de son fils qu'elle aime pourtant envers et contre tout ?
On le découvre au fil du roman dans les souvenirs qui se réveillent à elle. À Paris, Eliza devient Violet. Elle dort dans un hôtel de passe, se lie d'amitié avec une prostituée, son Rolleiflex toujours sur elle, se trouve un travail auprès de jeunes enfants et rencontre même l'amour.

Ce roman met en exergue un travail de documentation d'orfèvre lié aux ségrégations des années cinquante en Amérique. Racisme, abus de pouvoir, ghettos, Gaëlle Nohant confronte les deux visages de la vie et de sa société. Beauté parisienne, ruelles chantantes, le paysage français est peint ici comme une magnifique fresque. Alors que de l'autre côté, les démons rôdent, des guerres et révolutions font rage, Chicago lève les poings pour la liberté démocrate, pour le même droit pour tous, pour l'égalité des hommes peu importe leur couleur de peau.

J'ai trouvé ce roman incroyablement bien écrit. Alors que le sujet de la femme en fuite passe au second plan au profit des difficultés afro-américaines, avec une mine d'informations politiques dont je suis peu friande, ce roman a tout de même eu le mérite de me tenir en haleine. Simplement parce que la plume de l'auteure est remarquable. Les descriptions de Paris ou de Chicago ou des saisons sont dignes d'un Zola inspiré.

Mon bémol se porte sur une héroïne qui ne m'a pas semblé attachante, des émotions en latence, une fuite à laquelle j'ai accordé peu de crédit. Un léger souci temporel m'a également fait prendre un peu de distance. J'ai eu l'impression de lire les quelques jours d'une femme alors que cette histoire se passe sur plusieurs dizaines d'année. C'est ici l'écriture qui m'a touchée de plein fouet. Un roman vraiment bien écrit et bien rendu malgré ses petites imperfections tout à fait subjectives et personnelles.

Chicago, « une ville où la chaleur du coeur et une avidité glaçante battent d'un même rythme, comme le sang et le souffle ».

On sent combien l'auteure affectionne cette ville, ça respire l'amour et la rage dans ses lignes. Et ça me suffit à applaudir Gaëlle Nohant.

#Lafemmerévélée #NetGalleyFrance
#Grasset
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Paris, dans les années 50, alors que saint Germain des Prés bouillonne d'une énergie créatrice réjouissante.

Pour Violet, qui vient d'arriver en Europe pour fuir une menace dont on découvrira peu à peu la nature, les premières impressions sont loin de l'enchantement. Logée dans un hôtel de passe, vite délestée des bijoux qui devait lui assurer quelques revenus, le rêve n'est pas au rendez-vous. Mais elle possède heureusement un objet précieux, un rolleiflex derrière lequel elle se cache en capturant des portraits souvent volés.

Les rencontres ne tarderont pas à la sortir de l'isolement, mais à qui peut-on se fier…?

C'est une histoire romantique à souhait, séduisante autant par le décor de ce Paris qui n'existe plus depuis belle lurette (même Saint Germain a vendu son âme aux boutiques de chaine internationales), que par le charme de l'écriture qui rend les personnages attractifs.

En miroir, Chicago apparaît comme le lieu de tous les dangers, champ de bataille où s'affrontent les pacifistes qui protestent contre la guerre du Vietnam, les hippies fleuris et drogués, et les forces de l'ordre chargés de décourager manu militari ces trublions. Derrière tout ça, l'appât du gain et le racisme, qui atteint les populations d'afro-américains qui pensaient sauver leur peau en fuyant le Sud. C'est un portait sans concession d'une ville violente et corrompue.


Récit très intéressant et par sa documentation, et très agréable en raison de la sympathie que suscite l'héroïne du roman.


Très bon moment de lecture.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Eliza Donelley vit à Chicago en 1950 avec un petit garçon, Tim, 8 ans et un mari Adam , fortuné mais invivable.
Elle décide de se faire fabriquer des faux papiers d'identité et s'appellera désormais Violet Lee.
Elle fuit, direction Paris, en abandonnant son fils.
Son aventure commence plus ou moins mal car elle se fait voler les bijoux qu'elle avait emportés pour les revendre, mais une amie lui trouve un foyer qu'elle arrive à payer grâce à des enfants qu'elle garde la journée.
Sa principale armure, c'est l' appareil photo, son fameux Rolleiflex. Elle adore fixer des personnages et on pense immédiatement à des photographes célèbres de l'après-guerre comme Robert Doisneau.
Elle fréquente les bars de Saint Germain et l'auteur fait revivre l'ambiance jazz de ces années 1950. Elle y fait la connaissance de Sam, un compatriote qui nous livrera un côté très surprenant de son personnage à la fin du livre qui se passe dans les années 60 aux USA, des années aux multiples évènements politiques abordés dans le livre.
J'ai quand même été surprise que Liza-Violet pensait souvent à son garçon mais le fait qu'elle l'ait abandonné m'a rendu le personnage quasi antipathique.
C'est pour cette raison que, malgré la grande qualité de l'écriture et du roman, je n'ai pas pu lui adresser plus d'étoiles.

Challenge plumes féminines 2020
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La Femme révélée est le nouveau roman de Gaelle Nohant-, une romancière qui avait notamment connu un beau succès avec la Part des Flammes en 2015.

Dans son nouveau roman, la Femme révelée, saga ambitieuse et audacieuse, la romancière nous entraine dans les pas d'une héroine en quête d'émancipation et de liberté dans les années cinquante et soixante, entre Paris et Chicago.

Le roman commence lorsque l'héroine en question, Eliza Donneley, arrive à Paris où elle a trouvé refuge dans un hôtel assez miteux de la capitale sous un nom d'emprunt, Violet Lee.

Cette jeune femme qui fuit un mari violent débarque à Paris avec une nouvelle identité, et pour tout bagage, un appareil photo qui sera son pass pour une nouvelle vie et lui permettre de se faire une place dans la société et de tenter de capter les émotions des passants à qui elle vole le portrait.

Entre rencontre et inititative forte, notre Eliza/ Violet trouvera un travail et une indépendance nouvelle, révélant la femme qu'elle est vraiment, beaucoup plus forte qu'elle se serait imaginée mais dont les fantômes du passé se verront rappeler à elle.


"Je redoute qu'il n'ait reçu aucune réponse, et je redoute les réponses qu'on a pu lui fournir. la vérité est que j'ai choisi de me sauver avant Tim, parce que l'emmener avec moi était trop risqué. Cela va à l'encontre de tout ce qu'on nous apprend, que les mères sont faites pour se sacrifier, que c'est leur destin depuis le fond des âges. Je n'ai pas obéi à un postulat philosophique mais à l'instinct viscéral qui m'ordonnait de ne pas me retourner, de ne pas laisser l'amour me couper les jambes."

Gaëlle Nohant livre une saga foisonnante et réjouissante qui trouve un bel équilibre dans ses deux périodes et ses deux univers bien différents, le Paris artistique et energique qui souhaite sortir des traumas de la seconde guerre mondiale et découvre la liberté du jazz et la tonalité d'un Chicago qui s'enfonce dans l'âpreté des luttes raciales et des dissensions sociales.

Acollée à son héroine sacrément volontaire et attachante, Gaëlle Nohant mèle avec une belle maestria le romanesque et l'historique dans ce roman qui mélange petite et grande histoire en évitant stérétotypes et clichés .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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2 continents et 18 années de la vie d'une femme en fuite, révoltée et engagée. Voilà un court résumé de ce roman prenant et instructif. Eliza a 31 ans quand elle quitte Chicago, son mari et son fils Tim qu'elle adore (pour des raisons qui seront révélées au fil des pages).
Elle fuit son pays pour s'installer à Paris avec pour seuls bagages son appareil photo et des bijoux qu'elle espère vendre pour subsister. Ses premiers jours sont difficiles, elle se fait voler rapidement tous ses biens et doit se procurer un emploi. Mais grâce à la générosité des gens qu'elle rencontre (Rosa une prostituée, Brigitte une jeune étudiante), elle trouve un poste de gouvernante et une chambre dans un foyer.
Les années passent, la vie continue, Eliza devenue Violet trouve sa place et des amis mais l'exil lui pèse. Elle finit par retourner dans sa ville natale et se retrouve, après le Paris des années 50, dans un Chicago en proie aux émeutes. le changement est brutal !
Avec ce récit, Gaëlle Nohant propose un beau portrait de femme qui s'insurge et s'engage, dans un contexte historique des plus intéressant et parfaitement retracé ( le Paris des jazzmen et le Chicago raciste et corrompu des années 60 ). Un agréable moment de lecture. Intense parfois. le portrait d'une insoumise.
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****

Que faire quand on est en danger ? Que les risques deviennent vraiment trop grands et qu'on a peur pour sa vie ? Que l'ennemi est suffisamment puissant pour ne pas être inquiété par votre disparition ? Et que votre fils à lui aussi besoin d'être en sécurité ? Eliza a choisi : elle fuit. Pour tenter de se reconstruire ailleurs, de trouver sa place et revenir chercher Tim...

Gaëlle Nohant signe avec ce dernier roman un magnifique portrait de femme. A la fois forte et fragile, Eliza est une épouse traquée, une mère en souffrance et une déracinée.
Alors qu'elle échoue dans un hôtel de passe dans un Paris des années 50, armée de son seul appareil photo, on assiste à l'envol de cette femme nouvelle, qui a trouvé un sens à sa vie, sa place dans ce monde et qui, par son regard juste et tendre, photographie les scènes de son univers. Mais le prix à payer est trop élever et elle décide finalement de quitter la France pour revenir plusieurs années après revoir son fils. Cet abandon est pour Eliza une plaie ouverte et elle ne peut continuer à vivre sans la refermer.

Avec une écriture travaillée, rythmée, fluide et remplie d'émotion, Gaëlle Nohant nous offre une histoire à l'image de son personnage : notre regard parcourt des photographies de vie, d'amour, de haine et de violence aux sons du jazz ou de slogans de contestataires. On se laisse emporter par ce rythme et cette chaleur, on vibre et on espère, et enfin on souffle et le coeur s'apaise.

Jusqu'où aller pour sauver sa vie ? Qu'est-on prêt à sacrifier ? Comment en accepter le prix ? Qu'elle soit Blanche comme Eliza ou noirs comme ces pauvres gens parqués dans les ghettos de Chicago, chacun puise une force au plus profond de lui et se relève... Parfois pour une vie meilleure... Parfois pour pouvoir simplement se regarder le matin, le dos droit et le regard fier...

Un grand merci à NetGalley et aux Editions Grasset pour leur confiance...
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Alliant faits réels à une fiction, Gaëlle Nohant nous livre un roman fort où les maîtres-mots sont courage, force, combat et non résilience.

Le personnage central de l'histoire est Eliza, une jeune trentenaire américaine qui fuit sa ville natale de Chicago durant les années 1950. Elle arrive à Paris, ville des Lumières, pour se reconstruire mais surtout, pour échapper à un passé dont le lecteur devra poursuivre un long moment sa lecture pour en découvrir ses secrets. Pourquoi fuir un mari fortuné, un petit garçon aimant et une vie privilégiée?

J'ai apprécié de découvrir ce Paris de l'après-guerre mais aussi tout ce connecte entourant les émeutes de Chicago de 1968, qui eurent lieu après l'assassinat de Martin Luther King. C'est toute la force des livres qui, au départ d'une fiction, étoffent des faits historiques. Cela permet d'y apprendre plein de choses de l'Histoire, avec un grand H, sans s'en rendre compte et aussi de pouvoir diversifier ses intérêts.

De très nombreux thèmes sont abordés, comme l'émancipation de la femme, la lutte des classes, la vie de l'après-guerre, le combat de la communauté afro-américaine,… Certains des sujets abordés sont encore très actuels et déferlent dans les médias, près de 50 ans plus tard.

Débuté courant des années 50 à Paris, on effectue ensuite un bond dans le temps et dans l'espace afin de se retrouver début des années 70 à Chicago.

Ce livre nous étreint par beaucoup d'émotions, sans tomber dans les sentiments mièvres. C'est à la fois un roman doux de par son style que charpenté par ses sujets brûlants, judicieusement évoqués.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs de l'Actu Littéraire, première sélection.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Un passeport au nom de Violet Lee, Eliza ignore tout de celle dont elle porte désormais le nom. A-t-elle fini poignardée dans une ruelle ou étranglée par un amant de fortune ? Elle est peut-être morte de froid sur un banc ou d'une dose de trop. Désormais, elle doit oublier jusqu'à son prénom. Elle a fui Chicago et a trouvé refuge à Paris dans un hôtel minable qui transpire la crasse et l'avarice. Ceux qui sont à ses trousses ne penseront pas à l'y chercher. de son passé, il ne lui reste que la photo de son fils et son appareil photo accroché à son cou.

En refermant ce roman de Gaëlle Nohant, j'ai eu l'impression d'avoir lu deux romans bien différents. La première partie ressemble à un Polar, le lecteur se demande bien quelle menace a bien pu conduire une jeune femme à abandonner son fils et à fuir Chicago. Gaëlle Nohant nous entraîne dans le Paris des années 50 celui de Saint-Germain-des-Prés et de ses caves voûtées où résonne le Jazz. L'auteur nous parle aussi de la passion d'Eliza pour la photo. Depuis le jour où elle a pris sa première photo, elle ne peut plus s'en passer. Elle cherche à attraper les images, à retenir ce qui va mourir. Ses amis l'ont baptisée « Kodak Girl ». Elle parcourt les petites rues de Paris à la recherche d'un visage singulier, d'une scène à capturer sur le vif, des prostituées que la police est en train d'embarquer. Des clochards qui dorment sous un pont, des couples d'un soir qui s'embrassent, des petites gens, des ouvriers, des vieilles au sourire édenté. Ces passages m'ont rappelé l'histoire de Vivian Maier photographe de génie complètement ignorée, dont Gaëlle Josse a tracé un magnifique portrait dans « une femme à contre-jour ».

Mais voici Eliza de retour à Chicago 18 ans après,
« L'exil est un poison tenace, tu le sais mieux que moi. J'avais rendez-vous avec les lambeaux de ma vie. »
Commence alors dans cette deuxième partie un récit totalement différent. Gaëlle Nohant nous plonge dans l'Amérique de la discrimination, par avidité, on rase des quartiers pauvres pour construire des ensembles luxueux, repousser les Noirs en périphérie. Après les assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy, nous suivons de l'intérieur les manifestations contre la guerre du Vietnam. L'écriture de l'auteur se fait précise et le lecteur devient acteur de la révolte de la jeunesse contre cette société où la prospérité repose sur l'injustice, nous voilà au milieu des émeutes et de la sauvagerie de la répression policière.

Dans ce roman captivant et très bien écrit, Gaëlle Nohant nous offre deux portraits de femmes magnifiques Rosa la prostituée au grand coeur, humiliée à la fin de la guerre, le corsage déchiré, les crachats, les insultes, une bête marquée, exposée en place publique pour avoir aimé Hans. ; et puis Eliza, élevée par un père dans le souci permanent de la justice et qui se retrouvé bafouée par un mari qui a perdu toute moralité. Une femme prête à tout pour retrouver son fils. Mais aussi l'auteur nous plonge dans deux grandes villes à deux époques différentes, l'insouciance de Paris après-guerre et la violence de Chicago fin des années 60.

Une fois de plus Gaëlle Nohant réussit, avec sa plume réaliste, à restituer les événements en mettant en scène des personnages forts et attachants.

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Dans les années 50, Eliza fuit Chicago, son mari et son petit garçon pour Paris où elle devient Violet. de sa vie aisée, elle n'a gardé que son appareil photo, autant bouclier qu'arme. Dans la ville Lumière, elle se cache autant qu'elle se réinvente. « La vérité, c'est qu'il y a dans nos vies des impasses dont on ne peut s'échapper qu'en détachant des morceaux de soi. » (p. 20) Progressivement, le lecteur découvre à quoi Eliza/Violet a voulu échapper, notamment un mariage fondé sur des illusions et pétri de violence plus ou moins larvée. « À défaut de te montrer enthousiaste, tu pourrais être décorative. » (p. 139) Bien que torturée par l'absence de son fils, l'Américaine n'a pas peur de se battre pour son indépendance et pour les autres, farouchement animée par des idéaux de justice et d'égalité. « C'est humain, tu vois, d'aspirer à la liberté, de ne pas supporter la cage. » (p. 18)

Sur fond de scandale immobilier dans le ghetto noir de Chicago, l'autrice dépeint une ville au bord de la rupture qui, une décennie après le départ de Violet, explose. « Derrière le racisme, il y a la rapacité d'un système qui a besoin de fabriquer des esclaves. » (p. 256) Les figures martyres de Martin Luther King et de Robert Kennedy ne font que couronner la pile des jeunes Américains morts au Vietnam. Et Violet ne cesse de brandir son appareil photo pour saisir la vérité et finir de renouer avec elle. « Mais vous, petite femme blanche dans ce grand pays empoisonné par le racisme, comment vous retrouvez-vous à photographier ces gens ? » (p. 154)

Violet se raconte et se révèle progressivement, comme sortie du bain de ses souvenirs. Dans les premières pages, j'ai craint un roman convenu et cousu de fil blanc, avec une histoire d'amour un peu trop facile. Mais c'est tout le talent de l'autrice d'avoir su me surprendre avec une ellipse qui, loin d'être frustrante, tombe fort à propos. de fait, la dernière partie du roman est celle qui m'a le plus convaincue, au terme d'une lecture finalement très agréable.
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J'avais besoin d'un roman qui m'embarque tout de suite et ne me lâche plus. Un roman qui ne laisse pas mon esprit s'égarer vers des questions sans réponse pour l'instant. Gaëlle Nohant m'a offert ce précieux répit, quelques heures arrimées à d'autres destins, non pas légères - les questions abordées sont trop importantes et dramatiques - mais denses, dépaysantes, immersives, instructives. J'ai toujours aimé les romans dont le héros ou l'héroïne est photographe, professionnel ou amateur, alors au début, j'ai eu un peu peur d'en avoir déjà trop vus. A tort. le choix de Gaëlle Nohant n'a rien de superficiel, bien au contraire. Tout au long du roman, il est question du regard, celui du photographe qui aide à décrypter le monde, à révéler les êtres dans ce qu'ils ont de plus profond et souvent caché à l'oeil non averti.

On a déjà beaucoup parlé de ce livre, donc vous êtes nombreux à connaître le pitch : dans les années 50, Eliza Donneley s'installe à Paris sous un nom d'emprunt et devient Violet Lee pour ses nouvelles connaissances. On apprendra peu à peu les raisons qui l'ont poussée à quitter précipitamment Chicago, la bonne société, son mari et leur fils de 8 ans pour ce cacher de l'autre côté de l'Atlantique dans un hôtel miteux, tout en la suivant dans sa nouvelle vie, non exempte de péripéties. Accro à la photographie depuis que son père lui a offert son premier appareil, Violet/Eliza ne se sépare jamais de son Rolleiflex et c'est avec ses yeux que nous, lecteurs captons l'essence de ces années d'après-guerre entre les deux rives de la Seine. Des quartiers populaires aux brasseries et caves de Saint-Germain, du Luxembourg aux faubourgs d'Aubervilliers le regard et le pas de Violet s'affirment et se superposent à ceux d'Eliza encore meurtris d'avoir dû abandonner son enfant. Les destins sont faits de rencontres et celui de la jeune femme ne déroge pas à la règle ; de quoi consolider sa posture lorsque, de nombreuses années plus tard, elle retournera à Chicago où se joue un moment crucial de l'histoire des États-Unis.

Il y a deux raisons essentielles à l'intérêt de ce roman. D'abord le coup de projecteur donné à la lutte des Noirs américains contre une ségrégation de fait sur un territoire censé ne pas les discriminer, raison de leur migration des états du sud vers ceux du nord. On sent que Gaëlle Nohant s'est totalement imprégnée du sujet au point de fondre son propos de façon particulièrement fluide dans la trame romanesque du roman ; ce sont bien les personnages, y compris les (superbes) seconds rôles qui portent l'ensemble et offrent aux lecteurs une expérience immersive, toujours bien plus agréable qu'un cours magistral. Mention spéciale aux scènes des manifestations de 1968 au moment des primaires démocrates dans un Chicago où se mêlent cortèges anti guerre du Vietnam et défenseurs des droits des Noirs sur fond d'assassinat de Martin Luther King et de Robert Kennedy. Vivantes, vibrantes, jamais trop appuyées mais spectaculaires, à hauteur de l'appareil photo de Violet/Eliza. Et puis, il y a comme une déclaration d'amour à la ville de Chicago que l'auteure nous fait partager par l'intermédiaire de son héroïne, la saisissant dans toutes ses contradictions mais aussi ses forces, et donnant follement envie d'aller voir un peu sur place.

Au final, cela donne un très bon roman qui a le mérite de montrer le travail du temps, ce qui est appréciable à une époque où nous sommes habitués à convoquer le changement d'un claquement de doigts. Ici, le temps fait son oeuvre, révélant progressivement la femme jusqu'à ce qu'elle soit prête à affronter son destin qui se confond avec celui des citoyens américains au moment d'affronter le leur. Véritable hymne à l'engagement, invitation à l'action, hommage à ceux qui luttent et superbe portrait de femme : que demander de plus ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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