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EAN : 9782073010186
320 pages
Gallimard (07/09/2023)
3.92/5   18 notes
Résumé :
Cela reste un lieu commun de penser que le Moyen Âge a cru en une Terre plate, par ignorance scientifique autant que par coercition religieuse. Il aurait fallu attendre les navigateurs, Colomb ou Magellan, ou encore les astronomes modernes, Copernic ou Galilée, pour que les ténèbres se dissipent et qu'enfin la Terre devînt ronde. Or, de l'Antiquité grecque à la Renaissance européenne, on n'a pratiquement jamais défendu et encore moins enseigné, en Occident, l'idée q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Essai passionnant, d'une lecture fluide et convaincante.

Les autrices, Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony, historiennes des sciences, enseignantes, s'interrogent sur la persistance du mythe selon lequel, "Au Moyen Âge, on croyait que la Terre était plate", contre l'évidence des sources, d'ouvrages d'Histoire des sciences pourtant accessibles et même d'une simple recherche sur internet.

La première partie expose l'état et la continuité des connaissances astronomiques entre la fin de l'empire romain et la Renaissance, où il apparaît que les sources, bien que parcellaires pendant une bonne partie de la période, avant la redécouverte des auteurs grecs au XIIIe siècle par le biais des traductions arabes, n'avaient pas disparu et continuaient d'être citées. Il n'y a jamais eu de croyance en une Terre plate au Moyen-Âge. Point.

La deuxième partie s'interroge sur l'origine et la persistance du mythe de la croyance d'une Terre plate. Qu'est-ce qui crée et perpétue un mythe ? La confusion des idées (entre sphéricité et mouvement de la Terre). L'idéologie, une façon de tordre les textes pour les faire entrer dans une démonstration orientée vers des idées : un âge obscur entre Antiquité et Renaissance, la naïveté ou la crédulité des médiévaux, la religion contre la science, le bon sens populaire contre les erreurs des élites cultivées, le progrès, l'histoire qui avance par bonds et grandes découvertes...

L'ouvrage n'aborde pas la bizarrerie de la conviction chez certains de nos contemporains que la Terre est bien plate. Sans doute s'agit-il là non plus d'Histoire mais d'un phénomène sociologique complexe dans un contexte de diffusion de fake news et de croyances saugrenues. Il est possible que les ressorts soient les mêmes que ceux de la perpétuation du mythe d'un Moyen-Âge obscurantiste : l'idéologie contre les faits et les sources, le manque de rigueur, la volonté de perpétuer une certaine vision du monde...





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Dans "La Terre plate", les deux autrices reviennent sur une des plus anciennes et des plus tenaces Fake news de notre histoire : l'idée selon laquelle on pensait, au Moyen-âge, que la Terre était plate.

Dès l'Antiquité, les plus célèbres des philosophes grecs (Platon et Aristote notamment) avaient démontré que la Terre était une sphère. Leurs principaux arguments étaient issus de l'observation des éclipses de la Terre sur la Lune, en forme de cercle, du changement des étoiles visibles en fonction de l'endroit où on se trouve, ou encore, plus simplement, de l'observation des navires qui s'éloignent en mer. Leurs coques disparaissent de l'horizon avant leur mâts.

Mais à partir du Moyen-Âge, les "pères de l'Eglise" auraient rejeté la sagesse antique en se contentant d'étudier l'astronomie avec la seule Bible comme instrument. Fake news ! le seul d'entre eux à refuser la sphéricité de la Terre, un certain Lactance, n'était pris au sérieux que pour ses textes littéraires, certainement pas pour ses coups de gueule pseudo scientifiques. de son vivant déjà il était traité comme un idiot : l'autrice estime qu'il avait une crédibilité auprès des astronomes de son temps comparable à celle que l'horoscope de Voici magazine pourrait avoir auprès de l'observatoire de Paris... Mieux, comme Lactance écrivait en grec, son ouvrage était parfaitement inaccessible en occident pendant tout le Moyen-Âge. À l'inverse, tous les écrits des savants médiévaux montrent qu'ils ont parfaitement conscience de la rotondité de la Terre. Ils débattent uniquement de son étendue et de l'éventuelle présence d'autres terres émergées, voir même d'autres humains. Pour ce qui est des cercles des "non-savants" de nombreux ouvrages de vulgarisation expliquant tous que la Terre est sphérique ont été diffusés à partir de l'invention de l'imprimerie.

Alors par quel miracle a-t-on pu croire qu'une Église obscurantiste était revenue sur les savoirs acquis de l'Antiquité ? À cause, notamment, De Voltaire. Il a repris une traduction de Lactance pour faire croire que ses opinions étaient partagées par l'ensemble de l'Eglise aux Moyen-Âge. Quelques autres textes déformés ou mal contextualisés ont aussi pu servir de "preuve". Ensuite la légende s'est emballée dans un contexte où l'Eglise avait contesté l'heliocentrisme puis la théorie de l'évolution, ce qui mena à de la propagande dans tous les sens pour dresser l'image d'une Église éternellement hostile aux Sciences.

Bien sûr je n'ai fait que résumer les grandes lignes d'une thèse plus subtile. Si la petite taille de l'ouvrage (250 pages) laisse supposer qu'il est facile d'accès, ce n'est pas si évident. Il s'agit d'un vrai livre d'histoire, pas de la vulgarisation. Si des mots comme Arius, paradigme ou Michelet ne vous disent rien, et si vous n'avez pas l'habitude du style littéraire particulier des historiens, vous serez très décontenancé en le lisant. Sinon quelques passages vous surprendront et feront de jolies anecdotes à raconter, à commencer par la plus évidente : nos platistes contemporains ne sont pas aussi stupides que nos aïeux du Moyen-Âge, ils sont bien plus cons...
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Aussi étonnant que cela puisse paraître, à l'heure où les fake-news envahissent notre paysage et que près de 10 % de la population occidentale estime que la possibilité d'une terre plate est une hypothèse sérieuse, les Grecs savaient que la Terre était ronde, et au Moyen-âge c'était un fait établi.

Alors comment ce mythe a-t-il pu prendre naissance et perdurer ? Et bien c'est la réponse exemplaire que nous donne cet ouvrage.

Au travers d'un magistral travail d'érudition, de recherches, et d'exégèse les autrices en dehors du fait de réhabiliter le savoir au Moyen-âge, nous démontrent que c'est au XIXe siècle que cette idée a pris son essor.

Le devenir historiographique de Colomb apparaît quant à lui tout à fait révélateur de la manière dont certains épisodes historiques sont utilisés au sein de constructions religieuses, politiques ou idéologiques, sans avoir nécessairement de rapport avec la réalité de l'histoire. le mythe de Colomb a porté celui de la Terre plate, et ces deux légendes, fabriquées l'une comme l'autre, ont été utilisées pour réécrire l'histoire des sciences et l'histoire tout court.
Le très grand succès de l'oeuvre du romancier Irving (A History of the Life and Voyages of Christopher Columbus) aux États-Unis comme en Europe, relayé par celui du texte de Antoine Roselly de Lorgues (avocat de formation et américaniste) dans milieux catholiques et au-delà, est l'une des explications de l'enracinement de ce double mythe dans les consciences

Dans un livre de 2021 l'essayiste Jonathan Rauch explique que l'acquisition d'un savoir partagé n'est pas le résultat d'un échange pacifique ou d'une confrontation brutale, mais d'un processus qui met en jeu un réseau d'institutions de nature différentes.
Mais aussi argumentation, contre-argumentation, vérification, contextualisation, hiérarchisation constituent les interactions et les itérations de ce réseau et finissent par élaborer la connaissance factuelle commune qui structure notre espace public. Comme l'écrit Rauch, c'est le réseau lui-même, constitué par l'histoire et l'expérience, qui est intelligent, quand bien même certaines de ses composantes agissent de façon stupide.
Le ciment du réseau n'est pas la qualité intrinsèque des éléments ou institutions qui le composent, mais la relation de confiance partagée entre chacun de ses membres.

Et cet ouvrage est la synthèse parfaite de tout cela, et bien d'autres sujets mériteraient, à l'heure actuelle, un aussi beau et aussi complet travail de recherche
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L'idée de la Terre sphérique, que les pensées successives d'Aristote, Platon et Eratosthène ont modelé, a perduré grâce à la diffusion des savoirs autour de la Méditerranée en partie due aux cultures scientifiques persanes et arabes. Ce modèle n'a été ni censuré ni freiné par les pères de l'Eglise au Moyen-Age, contrairement à ce qui est dans l'esprit de beaucoup aujourd'hui. Ainsi les illustres Saint Isidore et surtout Sacrobosco avec « Le traité de la sphère » participent à la transmission du savoir grec en matière d'astronomie et cosmologie.
Donc au XVème siècle, à l'aube des explorations, la Terre est ronde.



Le mythe de la Terre plate comme modèle établi et reconnu du Moyen-Age est apparu au XVIIIème siècle avec Voltaire. Ainsi, les Lumières porte aux nues des « hommes providentiels » comme Galilée et Christophe Colomb en leur opposant une Eglise catholique dogmatique, réfractaire au progrès et à la science et donc porteuse de contre-vérités. La volonté de contrôler le savoir, plus que la crispation de l'Eglise, de toutes les Eglises, sur nombre d'avancées scientifiques a accrédité l'idée que science et religion ont des relations conflictuelles systémiques. le Moyen-Age serait donc la période des heures sombres de la connaissance.
Le mythe de la Terre plate est donc présenté comme construit de toutes pièces, comme une réécriture de l'histoire du Moyen-Age sur ce sujet particulier.

Cependant le procès de Galilée a bien eu lieu, il me semble. L'enjeu était la suprématie du pouvoir religieux sur le scientifique plus que la vérité scientifique, à mon sens.

Il s'agit d'un essai très érudit avec de nombreuses et intéressantes sources. La première partie traitant de la perpétuation d'une Terre sphérique de l'Antiquité à l'ère des Découvreurs est factuelle et passionnante. Après un bond de trois siècles sans aucune référence ni traitement, la seconde partie est définitivement politique et par essence contestable, en commençant par les polémiques du siècle des Lumières pour finir sur les antagonismes religion, état et laïcité.
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Véritable dissection d'un crime historique en train de se commettre et autopsie du mobile qui a maintenue la tromperie. l'histoire est parfois écrite par les vainqueurs et parfois par les belligérants en train de livrer une bataille contre un pouvoir d'alors. ce livre est la parfaite illustration de ces modes dévoyer d'écrire et de raconter l'histoire par l'exemple de la croyance de la croyance imposée de la Terre plate par l'église du Moyen âge.
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critiques presse (2)
Telerama
18 décembre 2023
Dans un essai remarquable de clarté et de concision, Violaine Giacomotto-Charra, professeure d’histoire des savoirs à l’université Bordeaux-Montaigne, et Sylvie Nony, professeure de sciences physiques et chercheuse, déconstruisent ce mythe.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
07 janvier 2022
Sous les Lumières on accrédite l’idée fausse d’un Moyen Age oublieux des enseignements de l’Antiquité. L’essai des universitaires Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony retrace l’histoire passionnante de ce mythe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Philosophes de la nature, astronomes et géographes arabes ont donc transmis au monde médiéval une cosmographie relativement homogène sur le plan philosophique, accompagnée de développements astronomiques et géographiques très importants. La forme sphérique de la Terre n'y fait aucun doute, mais la circonférence précise de celle-ci fait encore l'objet de discussions, tout en restant comprise entre 40 000 km et 70 000 km. Les Latins se sont jetés avec avidité sur ces connaissances scientifiques, mais on n'a relevé aucun "choc des cultures" comme il aurait dû s'en produire un si l'Église, plongée dans la vision "platiste" des nestoriens pendant six siècles, avait brutalement découvert son erreur en lisant les Arabes et les Grecs. Les controverses qui sont nées au XIIIe siècle portent sur des questions métaphysiques essentielles comme l'éternité du Monde, la Providence divine ou l'unicité de l'âme intellective, mais il n'y a trace, nulle part, de la moindre controverse sur la sphéricité de la Terre.
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Si les manuscrits ont été recopiés et transmis, s’ils ont réussi à échapper à l’oubli, aux guerres et aux catastrophes naturelles, cela témoigne souvent du fait qu’ils ont compté pour une école de pensée, pour les disciples d’un savant ou pour les institutions qui les ont conservés, mais ce peut être aussi le fruit du hasard.
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La chose semble universellement entendue, ou presque : « au Moyen Âge, on pensait que la Terre était plate ». [...] Pourquoi tenons-nous tant à ce mythe ? Nous essaierons d’y répondre de manière à fournir des outils de réflexion aux lecteurs, [...], pour une réflexion plus large sur la circulation des erreurs à l’heure où des notions aussi discutables que celles de « post-vérité », de « vérité alternative » ou de « faits alternatifs » semblent s’imposer.
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On est cependant loin d’un univers intellectuel sur lequel pèserait une chape de plomb religieuse et où les controverses scientifiques finiraient par des bûchers, bien loin du Moyen Âge tel qu’il est malheureusement caricaturé dans le film de Jean-Jacques Annaud réalisé à partir du roman d’Umberto Eco, Le Nom de la rose (alors qu’il ne l’est évidemment pas dans le roman).
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Videos de Sylvie Nony (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvie Nony
Avis aux fans du film Les Visiteurs, aux fans De Voltaire et à tous ceux qui pensent que Christophe Colomb voyait la Terre complètement plate : gare aux idées fausses ! 
Dans ce deuxième volet, vous naviguerez au milieu des idées fausses et des préjugés qui envahissent notre perception du Moyen Âge, époque de “l'a-fortiori” par excellence. Vos deux guides, Sylvie Nony et Nicolas Weill-Parot (tous deux historiens des sciences), mettent en lumière nos représentations biaisées d'un prétendu “âge sombre” en remontant tout simplement aux textes sources. Ce faisant, ils retracent la généalogie d'un mythe coriace selon lequel, au Moyen Âge, tout le monde croyait que la Terre était plate. Rien de plus faux bien sûr, mais rien de plus répandu aussi que ce mythe-là, dont nous connaissons d'ailleurs des résurgences inquiétantes de nos jours. Pourquoi donc toutes ces platitudes sur le Moyen Âge ont-elles la dent si dure et en quoi leur réactivation contemporaine est-elle en grande partie idéologique ? Comment se construit une idée fausse en science ? Et quelles sont plus largement les menaces qui pèsent sur notre façon d'étudier et d'enseigner l'histoire des sciences ? Pour le savoir, ouvrez grand vos oreilles !
00:00 : Introduction 05:26 : Conversation libre 26:11 : À livres ouverts (auteurs cités : Koestler, Guillaume de Conches, Mandeville) 47:28 : Conclusion
Retrouvez la bibliographie liée à cet épisode sur notre site : https://www.lesbelleslettres.com/podcast/2-episode-2-gare-aux-idees-fausses-en-science-et-autres-platitudes-medievales-avec-sylvie-nony-et-nicolas-weill-parot
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