Il est pourtant passionnant d'entendre un écrivain parler de sa création, dire comment, pourquoi et contre quoi il écrit.
- Si un écrivain parvient a être passionnant à ce sujet, alors il n’y a que deux possibilités: soit il répète tout haut ce qu’il a écrit dans son livre, et c’est un perroquet ; soit il explique des choses intéressantes dont il n’a pas parlé dans son livre, auquel cas ledit livre est raté puisqu’il ne se suffit pas.
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Aux yeux de l'assassin, le meurtre est toujours beau. C'est la victime qui trouve à y redire. Seriez-vous à même, pour l'instant, de vous intéresser à la valeur artistique de votre mort ? Avouez que non.
Ce sont des lecteurs-grenouilles. Ils forment l'immense majorité des lecteurs humains, et pourtant je n'ai découvert leur existence que très tard. Je suis d'une telle naïveté. Je pensais que tout le monde lisait comme moi; moi, je lis comme je mange: ça ne signifie pas seulement que j'en ai besoin, ça signifie surtout que ça entre dans mes composantes et que ça les modifie. On n'est pas le même selon que l'on a mangé du boudin ou du caviar; on n'est pas le même non plus selon qu'on vient de lire du Kant (Dieu m'en préserve) ou du Queneau. Enfin, quand je dis ¨on¨, je devrais dire ¨moi et quelques autres¨, car la plupart des gens émergent de Proust ou de Simenon dans un état identique, sans avoir perdu une miette de ce qu'ils étaient et sans avoir acquis une miette supplémentaire. Ils ont lu, c'est tout: dans le meilleur des cas, ils savent ¨ce dont il s'agit¨. Ne croyez pas que je brode. Combien de fois ai-je demandé, à des personnes intelligentes: ¨Ce livre vous a-t-il changé?¨ Et on me regardait, ls yeux ronds, l'air de dire: ¨Pourquoi voulez-vous qu'il me change?¨
...L'écriture commence là où s'arrête la parole, et c'est un grand mystère que ce passage de l'indicible au dicible. La parole et l'écrit se relaient et ne se recoupent jamais.
Par instants vous êtes belle, ces instants sont beaucoup, mademoiselle.
Si les hommes etaient des gentlemen, ils tueraient les femmes le jour de leurs premières règles.
- Bien. Donc vous n'aimez pas la guerre, mais vous voulez qu'elle ait lieu ?
- Dans l'état actuel des choses, c'est une nécessité. Tous ces petits cons de soldats bandent. Il faut leur donner l'occasion d'éjaculer, sinon ils auront des boutons et ils reviendront en pleurant chez leur maman. Décevoir le jeunes, c'est moche.
- ... Les gens réellement intelligents et ouverts ne m'imploreraient pas ces explications. C'est le propre du vulgaire que de vouloir tout expliquer, y compris ce qui ne s'explique pas. Alors, pourquoi vous fournirais-je des explications que les idiots ne comprendraient pas et dont les êtres plus fins n'auraient pas envie ?
- J'étais déjà laid, bête et obtus, je dois encore ajouter vulgaire, si je comprends bien ?
- On ne peut rien vous cacher.
J'ai laissé un roman inachevé. C'est très bien : dans une carrière réussie, il faut un roman inachevé pour être crédible. Sinon, on vous prend pour un écrivain de troisième zone.
Aux journalistes sélectionnés, Gravelin répétait cependant combien le vieillard avait un bon fond [...] Ces propos ne rassurèrent pas les chroniqueurs qui, du reste, ne voulaient pas guérir d'une peur qu'on leur enviait : elle leur conférait une aura de correspondants de guerre.