Ses livres ne sont-ils que des exercices de style ? N'écrit-elle que pour nous faire partager son humour, son sens de l'auto-dérision ?
Il est vrai qu'au départ, «
le Sabotage amoureux » déconcerte. Difficile de comprendre où veut nous emmener l'auteure : sabotage amoureux ou sabotage littéraire ?
J'ai bien failli abandonner la lecture de ce tout petit livre, tant je fus déstabilisé par les premières pages : trop de métaphores au point que je n'arrivais pas à me projeter. Je me suis dit que je manquais peut-être d'imagination pour ne pas arriver à visualiser les ventilateurs, le cheval, que je manquais de vocabulaire et que ce livre était peut-être destiné à des lecteurs initiés, cultivés, à une élite dont je ne ferai pas partie.
Je décidai donc de prendre cette lecture comme un challenge avec l'obstination de la faire mienne.
Non Amélie, tu ne me résisteras pas ; je percerai le secret de ton obscure écriture et parviendrai à donner du sens aux mots qui défilent sous mes yeux.
Je ne regrettai pas mon entêtement et une dizaine de pages plus tard, réussis à suivre les aventures de cette petite fille de sept ans, à la rejoindre dans son imagination, à combattre avec elle les allemands, à ressentir avec elle les premiers émois amoureux.
Ce « sabotage amoureux », si on doit en faire un résumé, c'est la vie d'Amélie à l'âge de sept ans dans un ghetto pékinois où cohabitent de nombreuses nationalités. La petite fille, arrivée en Chine à l'âge de cinq ans, doit s'adapter à un changement culturel : née au Japon où elle était « reine », la voici en Chine, où elle découvre qu'elle n'est pas le centre du monde. Elle découvre les autres et surtout « une autre » dont elle tombe amoureuse. Elle passe de l'amour de soi, à l'amour inconditionnel de l'autre. « Sabotage », car cet amour n'est pas réciproque et pour être aimé, Amélie va devoir apprendre à se faire désirer en se rendant détestable.
Du haut de ses sept ans, elle explore l'ambivalence des sentiments, la complexité de la nature humaine. C'est l'histoire d'une transformation, d'un apprentissage, d'une métamorphose.
On rit de la naïveté de cette enfant, de son caractère extrémiste : elle est sans demi-mesure ; pour elle, le monde est soit tout blanc, soit tout noir. Pas de place pour les concessions et les compromis qui relèvent du monde des adultes.
Amélie séduit par son écriture, tant elle maîtrise à la perfection la langue française, séduit par son sens de l'auto-dérision, séduit enfin, par cette capacité à nous replonger dans l'enfance.
«
le Sabotage Amoureux » : une « madeleine de
Proust » ? Peut-être…
Une histoire qui fait du bien ? : sans aucun doute