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EAN : 9782353402816
245 pages
Gourcuff Gradenigo (14/06/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
Gustave Guillaumet est l'une des figures marquantes de l'orientalisme français. Pourtant, bien que très présente dans de nombreux musées, en particulier au musée d'Orsay, et dans les principales expositions consacrées à la peinture orientaliste des dernières décennies, son oeuvre reste peu connue, et sa fortune critique relative. Cet ouvrage étudie particulièrement le versant algérien de l'orientalisme français, dans une perspective à la fois esthétique, historienne... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce catalogue d'exposition consacré à un peintre du XIXe siècle plutôt méconnu évoque à lui seul un pays tout entier devenu sa scène d'élection artistique : l'Algérie. Sur la couverture, Laghouat ou El-Aghouat aux portes du grand désert. Si les mots d'Eugène Fromentin ("Un Eté dans le Sahara") restent un des moyens littéraires de connaître les chemins qui y mènent, les images de Gustave Guillaumet, qui partageait avec ce prédécesseur le même goût pour l'écriture, en fixent peut être mieux les visions d'immensités tragiques (Sahara, le désert", 1868). Les deux artistes bien que différents habitent ensemble avec bonheur ces pages instructives et magnifiques car, à vingt ans d'intervalle ils ont marché en direction de Laghouat dont le ciel et la lumière les ont durablement hantés. Chacun à sa façon a représenté Laghouat. Le tableau de Fromentin (Salon de 1859) se fait l'écho elliptique d'un massacre perpétré par l'armée de conquête coloniale du second empire, il en parle dans son livre, celui de Guillaumet (Salon de 1879) montre plutôt un "ksar" pacifié du début de la troisième république. Il n'y a pas à choisir entre l'un ou l'autre, la beauté des hauts murs en toub de Laghouat invite, dans les deux cas, à entrer en terres d'Algéries hors des sentiers battus. Pénétrer l'univers de ces deux peintres écrivains voyageurs, qui regardèrent aussi Delacroix, c'est s'approprier le meilleur de ce que la peinture orientaliste a légué : un lointain poétique inaccessible qui nourrit encore aujourd'hui l'imaginaire des rêveurs sédentaires impénitents que nous demeurons en tournant les pages de tels livres.

Trois voyages pour Fromentin, dix ou onze, selon les sources, pour Guillaumet qui découvre l'Algérie sur un coup de tête et la parcourt en tous sens, entre 1862 et 1884, en voyages successifs et réguliers, en séjours aux durées et aux formes variables (sous la tente, en bivouac, chez l'habitant, sous protection militaire requise ou sollicitée), avec sa compagne. Véritable itinérance artistique, éloge de l'oued, du ksar, du douar, des oasis et des traditions sahariennes ancestrales que cet orientaliste post-romantique "pas comme les autres" laisse, après avoir renoncé à la peinture d'histoire. Des oeuvres éloquentes composées de paysages, scènes de genre, portraits, évoluant vers de plus secrets clairs-obscurs où la figure féminine au travail est magnifiée à la fin (dernière partie de son oeuvre). De Constantine à Oran, de la côte et d'Alger aux contreforts de l'Atlas, de Biskra à El-Kantara ; Bou-Saâda, les Aurès, la Kabylie... "Passant et passeur", témoin privilégié et parfois ambivalent des poussées de la conquête et de la pacification, redécouvert aujourd'hui (Christine Peltre ; Malika Bouabdellah Dorbani) ; sa dernière rétrospective remontait à 1889 ! Ecrivain, à partir de 1879 jusqu'à sa mort (il se suicide en 1887), il donne ses Tableaux/chroniques à un journal proche des milieux républicains : "La Nouvelle Revue". Ses sujets de prédilection font l'éloge d'une géographie personnelle humaine sensible que sa singularité créatrice élève à quelque chose d'universel mettant son art de peindre à l'abri du pittoresque et du cliché que le développement de la photographie à la suite de la peinture commençait à largement diffuser.

Outre la célébration croisée de voyages écrits et peints qui m'a particulièrement touchée (Barbara Wright et François Pouillon) ce catalogue passionnant se distingue par la pluralité de ses contributions françaises ou algériennes qui agissent comme une vaste chambre d'échos partagés où la parole est aussi donnée à des artistes contemporains. Trois parties principales et de nombreuses notices d'où fusent de multiples résonances, politiques, esthétiques, iconographiques ou biographiques, qui peuvent être lues séparément très librement. Elles illustrent un renouveau du regard porté depuis quelques années, de part et d'autre de la Mediterranée, sur la peinture orientaliste et la pratique du voyage de peintre en Algérie sur fond de conquête et de domination coloniale après 1830. Une exposition qui en rappelle d'ailleurs une précédente avec l'étude qu'elle avait suscité "De Delacroix à Renoir : l'Algérie des peintres" (IMA, 2003). "L'Algérie de Guillaumet" était la vraie bonne surprise de l'été au musée des beaux-arts de la Rochelle (ville native par ailleurs de Fromentin...). Pour qui l'aurait manquée la possibilité d'apprécier l'oeuvre, en ses multiples dimensions et facettes - croquis, dessins et études, pastels, peintures -, est aussi offerte à Limoges cet automne puis à Roubaix, début 2019. Exposition motivée par les récents travaux de doctorat sur Guillaumet de Marie Gautheron (2015) grâce à qui elle a pu être montée et qui contribue de manière salutaire et éclatante à réévaluer et rendre justice à un peintre oublié.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les images de Gustave Guillaumet, peintre orientaliste, me révèlent le pays de mon père, l'étranger bien aimé, l'Arabe inconnu. Guillaumet traduit pour moi l'Orient du pays de mon père, mon pays natal, l'Algérie des Hauts Plateaux. Les paysages, les êtres et les choses n'étaient pas nommés dans leur langue, l'arabe. Comment pouvaient-ils exister ? Seul, le regard obstiné a pu voir les couleurs et les formes immobiles, muettes, qui ont imprimé l'imaginaire sensible. Le silence de la langue arabe a rendu le pays anonyme, absent, jusqu'à la découverte bouleversante de l'Orient, dans l'Orient intime, imaginaire et réel des peintres orientalistes.
Qui m'ont offert le pays et le peuple de mon père. A Shérazade d'Aulnay-sous-bois aussi. Et aux enfants de l'exil sur l'autre rive, perdus dans leur mélancolie. S'ils veulent, un jour, regarder, voir, entendre, parler, ils retrouveront le désir de vivre. (p. 82)

Leïla Sebbar, L'Orientalisme et les silences de la langue de mon père, l'arabe.
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Vers le milieu du XIXe siècle, la notion de désert ne convoquait pas les mêmes images que les nôtres et le terme "désert" n'avait pas le même sens qu'aujourd'hui. Il ne désignait pas encore une notion géographique définie par l'aridité ni même un paysage : on appelait encore désert tout lieu sauvage ou abandonné. Espace de solitude à priori "affreux", depuis l'époque médiévale le "désert" par excellence était souvent la forêt - des ermites du Quattrocento à Port-Royal ou Barbizon. Quant au terme "Sahara", loin de désigner comme aujourd'hui le vaste pays aride qui commence au sud des oasis, il a longtemps été le nom des territoires qui s'étendent entre le Tell et les oasis. (p. 183)

Marie Gautheron, Les déserts de Gustave Guillaumet.
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Gustave Guillaumet est de ces peintres qui n'ont pas cherché d'abord l'Orient en vives couleurs et scintillements. Il a regardé, il a observé, il a déchiffré au plus près, bienveillant, allant jusqu'à dormir dans les maisons pauvres, dépourvu des préjugés de la société coloniale, telle l'excentrique voyageuse Isabelle Eberhardt et après elle l'intrépide savante Germaine Tillon dans les années 1930-1940, femmes libres au pays où les femmes ne sont pas immédiatement visibles. L'Algérie aurésienne, saharienne, confrérique, où la partition sexuelle est impérative. Qui la transgresse est exclu du clan, de la tribu. Dans ces espaces masculins, féminins, les étrangères, les étrangers bénéficient de droits singuliers. Alors les peintres figurent ce qui ne doit pas se voir, les écrivains racontent ce qui ne doit pas se dire. (p. 81)

Leïla Sebbar, L'Orientalisme et les silences de la langue de mon père, l'arabe.
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