Y prendrions-nous goût ?
Quatrième tome de la série qui en compte vingt quand même.
Jack Aubrey se languit à terre, même s'il ne veut pas se l'avouer. La terre ferme, jardin des délices d'un marin en mer, résiste mal à la réalité de ce que Maturin pourrait qualifier d'enfer domestique. Ça tombe bien, il vient lui proposer le commandement de la Boadicea, une frégate non-dénuée d'intérêt et surtout, surtout, un possible guidon de Commodore. Sa mission, la réunion et l'île Maurice à reprendre aux Français. Il est loin le temps du Seul maître à bord, il va devoir composer entres les ordres de mission trop vagues (la victoire et la gloire pour le supérieur en cas de succès, l'opprobre et la honte pour lui en cas d'échec, un grand classique) et les personnalités de capitaines placés sous son autorité. Et il faudra en plus composer avec l'armée de Terre...
Dans sa préface l'auteur le dit : Tout est vrai. Bravo. En effet, la réalité historique est suffisamment vague pour y insérer les actions de notre Capitaine Aubrey. Nous sommes en 1810 et comme ses confrères H. Hornblower et R. Bolitho, Aubrey sera le sauveur de l'Angleterre, le seul capitaine compétent dans toute cette masse d'arrivistes de généraux et d'amiraux bien roublards, juste là pour priver les vrais héros de l'Histoire (avec un grand H) de la gloire qui leur est due.
De la même veine que le tome 3, l'action est au rendez-vous, même si parfois la lecture paraît un peu impersonnelle. Comme je l'ai déjà dit dans les critiques précédentes de la série, le style est plus littéraire que celui de A. Kent et force et de constater que O'brian n'est pas aussi à l'aise, ou en tout cas, aussi doué que l'auteur de Bolitho pour décrire la fureur des combats et nous restituer cette ambiance noire sanglante, parfois désespérée et ô combien épique.
Néanmoins la lecture reste agréable et prenante. Les digressions de Maturin, en faux candide, sont toujours un plaisir, parfois sadique, mais un plaisir.
Conclusion, quand j'aurais fini la série de Bolitho, je me mettrais sérieusement à Aubrey la chance...
Commenter  J’apprécie         730
Eh bien, la vérité Stephen, dit Jack, en fixant la vache, la vérité c'est qu'elle refuse le taureau. Il est toujours partant, ah, grand Dieux oui, mais elle ne veut rien entendre. Alors il se met dans une colère folle, il mugit et laboure le sol, et nous restons sans lait.
D'un point de vue philosophique, son comportement est assez logique. Pensez aux grossesses continuelles, lassantes, prix d'un plaisir momentané et, dirais-je, aléatoire. Pensez à l'inconfort physique d'une mamelle pleine, sans parler de la nécessaire parturition, avec les périls qui s'y rattachent. Je laisse de côté le malaise de voir ses descendants transformés en blanquette de veau, qui est propre à la vache. Si j'étais une femelle d'une espèce quelconque, je prierais qu'on me libère de tous ces soucis; et si j'étais, dans ce cas particulier, une génisse, je choisirais certainement de rester sèche.
Les marins, en général, après plusieurs années de leur vie monacale, si peu naturelle, tendent à considérer la terre ferme comme le jardin des délices, un lieu de perpétuelles vacances, et leurs espoirs ne peuvent en aucun cas être satisfaits. Ce que le terrien ordinaire accepte comme le lot commun, la routine quotidienne des maux domestiques, des enfants, des responsabilités, le marin ordinaire est porté à y voir la négation de ses espoirs, une épreuve tout à fait exceptionnelle, et une intrusion dans sa liberté.
Quand il était dans l'océan Indien, le capitaine Aubrey rêvait d'un cottage, avec un peu de terre : des rangées de navets, de carottes, d'oignons, de choux et de haricots; à présent, son rêve était réalisé. Mais il avait compté sans le puceron noir, la larve de taupin, la chrysomèle, la larve de tipule, le puceron vert, la piéride du chou. Les rangées étaient bien là, un demi-acre de rangs tracés au cordeau dans la mince couche de pauvre terre spongieuse et jalonnés de quelques plantes naines.
Si je vois encore un vieux crétin de général goutteux m'arracher le pain de la bouche à l'instant où il est beurré, s'est-il exclamé avec rage, je vends mon brevet au plus offrant et que le service aille se faire... Être dépossédé de toute la gloire après avoir fait tout le travail, c'est plus qu'un humain ne peut en supporter.
Francis, le gabier le plus populaire du bord, avant voulu dorer la pomme du mât de grand perroquet de la Boadicca, avait lâché prise, fait une chute spectaculaire de cette hauteur vertigineuse, manqué le pont (et une mort certaine) par la grâce d'un mouvement de roulis, pour venir accrocher le mantelet de sabord numéro douze avec tant de force qu'il avait mis à mal sa cage thoracique et surtout, éraflé la peinture fraîche, ce satané maladroit.
BA VF de Master and Commander