Remerciements à Babelio et aux éditions Alto pour l'envoi de ce livre lors d'une masse critique québécoise.
Perdre la tête d'Heather O'Neill est un roman abouti, très inspiré et fascinant.
Mile doré, mile sordide.
Mile doré est un quartier de bourgeois anglophones qui migrent à l'intérieur de Montréal sur une pente du mont Royal dans cette partie de la ville qui présentait un habitat plus sain, en amont des vents dominants.
Mile sordide, quartier pauvre de la ville, où l'air est saturé des odeurs des usines, où les filles survivent comme prostituées ou comme travailleuses industrielles à très petit salaire, dans des conditions exécrables.
Ce quatrième roman d'Heather O'Neill, sous la magnifique traduction de
Dominique Fortier, aborde la rencontre de deux jeunes aristocrates du Golden Mile de Montréal,
Marie Antoine et Sadie Arnett, aux personnalités complexes, qui ont l'impression chacune de trouver l'âme soeur.
« Une fillette aux boucles blondes et aux joues bien reconnaissable, rondes comme des pommes. Une seconde était une petite fille aux yeux noirs avec une tignasse noire. »
Cette rencontre est déterminante car en naîtra une amitié particulière et intense qui changera le cours de leurs vies.
Après un de leur jeu dangereux qui virera au drame, les deux jeunes filles seront séparées.
Sadie ira étudier en Angleterre et verra sa vie complètement bouleversée et Marie commencera à prendre compte de son statut de riche héritière de l'empire de son père Louis dans les usines de sucre.
L'oeuvre est prétexte à la description de l'industrialisation de la ville, aux soulèvements populaires liés aux mauvaises conditions de travail mais surtout à la force des femmes qui peut soulever des montagnes. L'amorce en 1873 et les années suivantes nous en dit beaucoup sur la transmission du savoir féminin avec les pamphlets, les rencontres secrètes et le début d'émancipation par la parole.
Il y a beaucoup de matière dans ce roman, les classes sociales, l'action révolutionnaire, l'amour maternel mais aussi et surtout, la folie, celle qui fait aimer et celle qui fait haïr.
Marie, Mary, Sadie, George, ces femmes ont un lien fort qui est complexe et imparfait, destructeur même. L'auteure refait à sa façon la Révolution française.
Roman féministe, qui oscille entre amour et haine, entre opulence et pauvreté, m'a tenu en haleine jusqu'à la toute fin. La forme est classique mais le fond, ludique et d'une imagination sans bornes en fait un roman des plus captivant.