Joyce Carol Oates, une auteure prolixe qui fascine et divise ses lectrices et lecteurs, c'est l'impression qu'elle donne à la lecture des critiques sur Babelio.
Comme cela m'arrive souvent, et sans doute ne suis-je pas le seul, enfin j'espère, après une lecture qui m'avait estomaqué, celle de son roman
Les chutes, je l'avais complètement oubliée.
Ce sont les nombreuses critiques récentes de mes ami.e.s babeliotes et l'éventualité d'une lecture commune, si j'ai bien compris en février 2024, qui m'ont décidé à replonger dans l'océan « oatesien », mais en y faisant une courte trempette par la lecture de ce roman court, environ 120 pages, mais qui marque. Il n'est pas nécessaire d'écrire mille pages pour produire un récit formidable, Zweig nous l'a montré amplement.
C'est un roman que j'ai lu quasiment sans faire de pause, fascinant, dérangeant, qui traite d'emprise, de perversion, avec une exceptionnelle maîtrise formelle.
JC Oates utilise le procédé du récit enchâssé cher à Zweig, mais cette fois doublement enchâssé puisque le premier chapitre a la même temporalité que le dernier, le second la même que l'avant dernier. Les deux premiers nous plongent dans l'énigme qui se résout dans les derniers. C'est particulièrement bien fait et avec un style d'écriture resserré, vif, sans fioritures, qui m'a impressionné.
Et tout cela au service d'une intrigue bien sombre, qui résonne à notre époque « metoo », où l'on y voit des pervers narcissiques tirer parti de leur pouvoir pour manipuler des jeunes filles dont l'histoire personnelle a des failles, et pour assouvir leurs désirs de domination sexuelle, de « chair fraîche » humaine. Et tout cela raconté avec un art consommé du non-dit qui m'a bluffé.
Ce récit, c'est celui de Gillian Brauer, relaté, après les deux premiers chapitres, comme une chronique ou un journal intime.
Gillian, une étudiante de vingt ans, plutôt brillante, suit, avec une dizaine d'autres élèves, toutes féminines, un atelier de poésie animé par André Harrow, un professeur charismatique, exigeant, connu pour son anticonformisme. Il est marié à Dorcas, une sculptrice qui réalise des sortes de grands totems en bois impressionnants et aux formes grossières.
Mais il y a une atmosphère étrange dans cct atelier d'une petite Université: une à une, des étudiantes maigrissent, font des tentatives de suicide, quittent le campus sans jamais revenir. En même temps, des alarmes incendie se déclenchent sans qu'on trouve le ou les coupables de ces alertes.
Comme toutes les étudiantes, Gillian est amoureuse de son professeur, un amour qu'elle pense sans réciprocité. Mais, celui-ci, qui feint avec elle la froideur, va tendre à Gillian, avec l'appui de Dorcas, un piège pervers, ignoble, abject. Je n'en dis pas plus.
Et pourtant, Gillian va échapper à l'emprise par une sorte d'acte manqué, là encore je n'en dis pas plus.
Vraiment, la lecture de ce court roman est un coup de coeur qui me donne envie d'en lire bien d'autres de la même auteure.
JCO, ça vole haut.